Game

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Célia finit de se préparer vers 19H. Elle avait préparé de quoi boire et manger, ranger son petit appartement, qui lui semblait bien plus grand maintenant que les culottes sales et les objets en tout genre ne traînaient plus partout. Un coup de parfum dans l'air pour essayer de faire diminuer un peu cette odeur de tabac qui régnait. Elle avait mis sa robe noire, sa préférée. Elle s'assit dans le canapé, fixant la télévision sans la voir.
A la voir comme ça, on pourrait avoir l'impression qu’elle attendait l'amour de sa vie et c'était un peu le cas... Sauf qu'il l'ignorait. Officiellement, Pierre venait juste passer une petite soirée tranquille à jouer à la console. Mais la jeune fille espérait tellement plus. Elle se faisait des films ou ils se rapprochaient de plus en plus, ou des mots doux puis un ''Je t'aime'' lancé d'un ton hésitant, comme par peur d'une sanction. Puis ils s'embrasseraient longuement et après... Je crois que vous avez saisi la finalité du projet.
On pourra dire que la jeune fille prenait son temps. Un an et demi. C'était le temps qu'elle avait passé à approcher, parler, converser tard sur facebook, faire des devoirs en commun, participer aux soirées où il était aussi invité... Tout un programme. Tout un travail d'usure pour faire céder les défenses du jeune homme et le pousser peu à peu dans ses bras. Car le prince était quelqu'un de réservé, difficile à approcher, difficile à faire sortir de sa coquille. Long à accorder confiance. Célia avait été pas à pas, sans le brusquer et le fait qu'il avait accepter l'invitation à geeker de ce soir était la preuve qu’elle avait une ouverture. Il fallait maintenant attaquer, pas trop brutalement, mais assez pour savoir si une chance d'aller plus loin dans leur relation était possible.
A la base, elle l'avait remarqué, car il jouait de l'ocarina sur le campus et la jeune demoiselle avait tôt fais partie de son petit fan club. Mais l'ayant vu rembarrer des filles (et des garçons) elle n'avait pas pris le risque de charger immédiatement.
Célia était un peu stressée. Au pire, se dit elle pour se rassurer, elle passera une bonne soirée jeu vidéo... mais l'idée que le prince prenne peur et la fuit lui faisait peur. Car tout ce temps passé avec lui l'avait convaincu que Pierre était un homme génial et elle s'en voudrait de perdre leur relation.
L'interphone la fit sursauter. Elle regarda sa montre. 19 H 36. Plus que dans les temps le gaillard. En même temps avec le déluge bien normand qu'il tombait dehors, le pauvre avait dut se dépêcher pour éviter d'être trop trempé.
Elle lui ouvrit et constata que, effectivement, il était bon à sécher. Il s'excusa pour l'eau qu'il avait mis dans l'entrée, puis enleva ce qui était trop mouillé et alla s'avachir sur le canapé.
-Temps de merde. Maugréa- t-il. Je déteste la Normandie...
Célia lui proposa à boire. Il prit un soda, comme d'habitude. Monsieur ne consommait pas d'alcool. Mais ce n'était pas plus mal de ne pas être tombé sur un alcoolo pour le coup, se dit Célia.
Elle lui montra alors le gadget qu’elle avait prise à son supporter de père, une casquette sur laquelle il était possible d’accrocher des bouteilles que l'on buvait à la paille, laissant les mains libres. Pierre trouva l'idée géniale, car ils allaient pouvoir jouer et se désaltérer en même temps.
- On commence par quoi ? lança-t-elle.
- Un petit Serious Sam en deathmatch?
- Nikel.
Et la soirée commença dans la bonne humeur, entre chips et coca, one shot et insultes de rage.
Les heures s'écoulèrent ainsi, les jeux passèrent un par un dans le vieux Gamecube. Célia songeait à se rapprocher de plus en plus de son partenaire, mais une sorte de timidité l'en empêché. Et elle était beaucoup trop prise dans les parties. Arriva le moment de jouer à Super Smash Bros Melee. Pierre, tout en ingurgitant des chips, lança:
-On se lance des défis pour pimenter un peu le game?
- Oui mais quoi?
- Je ne sais pas... On pourrait manger les trucs périmés qu'il y a dans ton frigo.
- Mauvaise idée (la jeune fille était de plus gêné qu'il ait remarqué les produits à la date dépassées dans le réfrigérateur) on va chopper la coulante. Non il faut trouver un truc mieux...
Une idée germa alors dans la tête de la gameuse.
- On se fait une streap partie?
- C'est-à-dire?
- Le perdant de chaque match retire un vêtement. Le gagnant est celui qui reste habillé alors que l'autre est à poil.
Pierre eut l'air gêné.
-ça ne me tente pas trop...''
- Oh allez ! Tu me dis tout le temps que tu es trop fort à ce jeu, bah prouve le. De plus j ai moins de vêtements que toi.
Quelle finisse nue comme un ver ou que ce soit lui, Célia sortirait gagnante dans tous les cas.
Mais à sa grande surprise, il se leva et prit ses affaires.
-Je dois y aller.
La panique gagna Célia. Elle commença à s'excuser.
- Attends, je suis désolé si ça t'a mis mal. Je ne voulais pas. Reste s'il te plait. Je n 'ai pas envie que tu t'en ailles.
Il la considéra quelques instants puis :
- Tu... m'aimes en quelques sortes.
Prise au dépourvu, elle bégaya plusieurs mots incompréhensibles. Il continua.
- Pour être franc, j’aimerai bien faire de toi ma petite amie, j’ aimerai vraiment. Mais je ne peux pas.
- Pourquoi ?
- Je ne peux... Je n 'ai pas envie de m'expliquer.
Célia le regarda droit dans les yeux. Il était beau. Malgré ce regard triste qui lui déformait le visage, il était magnifique. Elle désigna les manettes.
- Faisons une partie. Si je te bats, tu m'expliques, sinon je te fous la paix.
Il eut un éclat de rire.
-ça finit toujours autour des jeux vidéos avec toi.
Mais elle ne lâcha pas de sa proposition. Il finit par reposer sa veste et s'assit dans le canapé. Elle s'installa à ses cotés.
- Trois manches. Un personnage différent à chaque combat.
Il la regarda avec un petit sourire triste puis acquiesça aux règles.
La partie commença.
Célia sut rapidement qu'elle allait perdre, le niveau du garçon sur ce jeu était largement au- dessus du sien. Mais elle s'accrocha, tentant de jouer sur des séries de coups faibles mais rapides plutôt que sur de grosses techniques dévastatrices. Elle tenta de jouer très aérien, mais Pierre maniait bien l'esquive et la maîtrise du bouclier et rapidement, le temps arriva à zéro et sa défaite fut affichée à l'écran. Elle jura.
La deuxième partie commença. Célia avait pris un personnage rapide et avec des attaques longues distances. Sa stratégie paya un temps, mais son adversaire s'habitua à sa stratégie de jeu et la malmena. Voyant qu'il ne restait plus que trente secondes, elle décida le tout pour le tout et partit au corps à corps avec toute la hargne qu’elle pouvait mettre dans un jeu vidéo. A sa grande surprise, Pierre fut un moment déstabilisé par le changement de façon de jouer et elle réussit à l'éjecter deux fois. La partie se termina sur un match nul.
Pierre se tourna vers elle, un sourire radieux de gosse sur le visage.
- Bien joué ! La belle ?
- La belle.
Célia misa de nouveau tout sur une longue distance, avec l'idée d'alterner corps à corps et tirs de loin. Mais Pierre avait compris comment elle procédait et le combat fut presque à sens unique pour lui tant il ne lui laissa aucune marge de manoeuvre. Célia perdit complètement la manche.
Elle posa la manette sur le canapé et lui dit :
- Bien joué. Je ne te demanderai rien. Tu peux même partir si tu le souhaites.
Il ne répondit rien. Elle continua.
-Mais tu sais... J’ ai vraiment apprécié ce moment avec toi. Comme tous les autres d'ailleurs. Oui je t'aime et depuis un bon moment. Si tu ne veux pas me dire le pourquoi du comment, je l'accepterai. Mais sache que, peu importe ce que tu caches, je pense que je suis assez forte pour l'encaisser. Et pour le surmonter. Je tiens tellement à toi.
Il la regarda alors droit dans les yeux. Une dualité s'opérait en lui, dont Célia n'arrivait pas à déterminer les tenants et aboutissants. Puis il finit par laisser échapper, presque sur le ton de la confession :
-Si je te confis mon secret, tu promets de ne le dire à personne ?
Célia promit.
Il se leva alors et commença à déboutonner son pantalon. Il le laissa tomber puis porta les mains à son caleçon. Il le baissa à son tour.
Célia laissa échapper un cri.
Rien.
Il n'y avait rien.
A l'endroit où devrait se trouver le pénis, il n'y avait rien, juste un trou, certainement pour uriner. Pas de testicules non plus.
Pierre laissa alors échapper un petit rire nerveux avant de lancer sur un ton faussement joyeux :
-Bonjour, je suis un eunuque.
Célia restait ébahie devant le spectacle sous ses yeux, devant l'absence d'organes, devant l'air tellement triste de Pierre.
Elle lui demanda pourquoi.
Il lui expliqua.
Il lui expliqua que, à 14 ans, un de ses testicules s'était décroché suite à un choc. Ne le remarquant pas tout de suite, les bourses s'étaient infectées, puis gangrenées. Le pénis avait été touchais aussi. Il avait fallu l'amputer de ce qui faisait de lui un homme. Depuis ses 14 ans, il prenait de la testostérone tous les mois pour conserver un aspect ''masculin''. Depuis ses 14 ans, il avait acquis la certitude qu'il finirait sa vie seul, car...
-... Un eunuque n'a aucune chance de se mettre en couple. Pas de sexe, pas de couple. J ai accepté l'idée depuis longtemps que je ne pouvais pas trouver l'amour. Et c'est pour cette raison que je ne peux passer le cap avec toi...
Un silence.
-... Alors que, crois-moi, j'aurais été normal, c'est moi qui t'aurais dragué et avec moins de patience que toi tu en as eu avec moi. J’ai vite remarqué les regards, les lapsus venant de toi. J ai vite compris. Mais tu me plaisais et j'adore passer du temps avec toi. Alors , je n'ai pas réussi à te jeter hors de ma vie.
Il rit, d'un rire amer.
- Quelle connerie...
Célia le regarda et finit par dire.
- Et si ça ne me dérangeait pas?
L'autre l'a regarda incrédule.
-Célia...
- Je t'aime. Pour ce que tu es et je t'accepterai comme tu es.
- On ne pourra jamais coucher ensemble.
- Le sexe n'est pas ma priorité. C'est un peu frustrant, surtout vu comme tu es beau mais bon... Je ferai avec.
- Je ne pourrai jamais avoir d'enfants.
- Pas un problème.
- J’ai un traitement et des règles strictes à suivre régulièrement.
- Je l'accepte.
- On passera pour un couple anormal, marginal.
- Je m'en bats les ovaires.
Elle se leva et posa les mains sur ses joues.
- J’ ai conscience que ce ne sera pas évident... Mais je t'aime, comme tu es. Si être avec toi signifie faire des parties de Super Smash pour le restant de mes jours, ça me va.
Un silence.
- Je t'aime... Avec ou sans couilles
Des larmes commencèrent à couler sur le visage du garçon. Il les essuya d'un revers de main.
- Idiote, tu me fais chialer...
- Dis...
Elle fit une petite moue de questionnement.
- J’ai le droit à un baisé maintenant ? Ou tu es amputé des lèvres également ?
Il l'a pris alors dans ses bras et l'embrassa avec toute la force qu'il avait. Ils restèrent un long moment, l'un contre l'autre. Il lui murmura enfin.
- Pas plus de trois blagues par mois sur mon absence de boules.
- D'accord.
- On fait quoi du coup ?
- ça te dit de refaire une partie ? Je vais essayer de te battre.
- C'est ce que font les couples ?
- C'est ce que fera notre couple.
Il lui sourit, déposa un baisé sur son front, puis s'assit et d'un geste de main, l'invita à le rejoindre pour jouer.
Il relancèrent une partie.
Mais la partie la plus passionnante venait juste de commencer.














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