Semaine de cuite

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Quelle idée d'avoir une baraque dans un coin aussi paumé. Bon, on dira que c'était le but de l'opération mais quand même. Triqueville. Ce nom de bled quoi...
Sur les routes de la campagne profonde de l'Eure, une C3 rouge avançait tranquillement. Son conducteur avait la clope au bec, la musique à fond dans les oreilles et le coffre remplis d’éthanols et de bouffe.
Arrivé à l'adresse, Valentin gara son rougeoyant véhicule sur l'herbe, sortit, et commença à décharger son coffre. Lauranne arriva bientôt pour l'aider.
- Qui est déjà là ? Demanda le garçon en transportant les packs de bière.
Lauranne, entre deux jurons sur le poids des courses, finit par lâcher un bref :
- Jade, Warren et Dylan.
Parfait, ça fait déjà cinq. Ne manquait plus que Charlène et Victor pour compléter le groupe.

Valentin, Lauranne, Jade, Warren, Dylan, Charlène et Victor.
Ces sept personnes, profitant des beau jours de l'été, de leur temps libre et de leur amour pour la décadence se sont lancé dans un projet; faire une semaine de cuite en non- stop.
Les règles:
- Chacun ramène pour 100 euros d'alcool (de mauvaises qualités de préférence) et de bouffe.
- Aucun ne doit quitter la maison (qui est celle de vacance des parents de Lauranne au passage).
- Téléphone coupé.
- Pas de drogues, que du qui-se-boit.
C'est tout.
Cette semaine de déchéance programmée, votée à l'unanimité, nourrissait les rêves des sept jeunes adultes depuis quatre mois déjà. Ils espéraient tous en retirer quelque chose. A commencer par l'envie de fuir le monde.

Charlène fut la dernière à franchir la porte de la maison. Une fois ses courses déchargées, ont fixa la date et l'heure. On était Lundi 11 Août 2014, 18H16. La semaine se finirai donc dimanche 17 Août à la même heure. Pour célébrer le début de LA semaine, ils prirent tous un shooter de tequila, célébrant l'ouverture des hostilités.

Lundi- Jours 1-
Warren n'aura tenu que 45 minutes avant de commençait à chanter des chanson paillarde, avec toute son plus beau chant faux. Commencer par le martini et le finir en ce laps de temps si court lui aura été fatal. Il sera le premier à vomir, dans une heure.
Victor et Dylan sont en train de s'insulter copieusement en jouant à un Shoot em all quelconque. Lauranne et Charlène regarde un anime japonais, bière à la main. Jade joue du synthé dans un coin, avec Valentin pour seul public, mais quel public. Le monsieur enchaîna les compliments à la belle rousse à tel point qu'elle s'arrête plusieurs fois pour lui dire de ''Fermer sa gueule.''
A 21H00, Victor déclare qu'il est l'heure parfaite pour faire un 21. Tout le monde s’assied donc autour de la table, des munitions d'alcool en main.
Le 21 est un jeu à boire qui consiste à compter à tour de rôle jusqu’à 21. Celui qui dit ''21'' boit puis invente une règle. N'importe laquelle.
Charlène fut la première à boire et mis la règle bien bâtarde de dire ''merci'' avant de boire sous peine de re boire ensuite, jusqu’à ce que merci fut prononcé.
Une demi -heure, dix règles et pas mal de boisson plus tard, Victor (qui avait attaqué le jeu à la téquila) partie en courant jusqu'au toilette pour lâcher une bonne flaque de vomis malodorante. On décréta que ce jeu était terminé et que l'on en referait un vers minuit. Warren vomit à son tour, une nouvelle fois.
Vers 23H00, l’ébriété était devenue l'état général ; Dylan dut s'y reprendre à cinq fois pour raconter une blague, Jade commençait à rater beaucoup de notes en tentant l'Hymne à la joie et Warren décuvait, allongé dans l'herbe à l’extérieur.
Charlène, tout en faisant cuire une pizza, se rendit compte que Lauranne manquait à l'appel et la chercha. Elle la retrouva dans la salle de bain, portable à la main. Charlène soupira :
- Bon sang Lau, on avait dit '' Pas de portable'', éteins- moi ça.
- Désolé, je regardais juste si...
- Tu te fais du mal, il ne te reparlera plus, tu le sais.
- ... Ouais... J’éteins mon phone.

Quatre ans, c'est le temps que Lauranne Marguerite avait passé avec Mathieu. Elle y avait cru dur comme fer à cette relation. Son premier amour. Jusqu'au jour où le bonhomme avait décrété qu'il ''se cassait'' car elle ne l'intéressait plus. Sur tous les plans. Il l'avait bombardé de pique, sur son physique, sur sa famille, sur le fait qu'elle avait fait un DAEU car elle n'avait pas eu le BAC au lycée, suite à des problèmes personnels. Et il s'était barré. Avec cette pute qu'il sautait depuis des mois en secret. C'était il y'a six mois cette affaire. Mais elle ne parvenait pas à oublier. Elle s'accrochait à l'espoir que son amour, son premier amour, reviendrait. Qu'il allait lui envoyer un message implorant son pardon pour son comportement désastreux. Pour lui dire qu'il n'y avait qu'elle. Pour lui dire qu'il l'aimait.
Six mois à attendre un message qui ne viendra jamais.
Pourtant elle l'avait son équivalent au BAC. Elle avait maigri, changer de look. Elle allait postuler dans une bibliothèque pour faire un CDD. Elle n'était pas la ratée qu'il avait décrite. Et elle ne l'était pas au fond. L'amour est une épée de Damoclès qui, avec de la malchance, peut devenir une arme de suicide.
Cette semaine de cuite était pour Lauranne une occasion d'évacuer, de changer de monde, de changer de vision.
Elle éteignit son téléphone et engloutit le fond de sa 8.6.

Le nouveau jeu de la soirée était ''Jack a dit'' qui peut paraître simple mais qui s'avérait plus compliqué une fois quelques verres pris dans la tronche (et après un début de soirée aussi riche en alcool). Dylan avait sorti sa villageoise immonde qui le fit vomir mauve une heure plus tard dans un coin du jardin. Ils apprirent un an plus tard que l'herbe ne repoussait jamais à cet endroit. Sacré désherbant.
Le jack a dit vira rapidement à une bataille de rosée (même principe que la bataille d'eau sauf que l'eau est remplacée par le rosé) dans le jardin ou Warren s’écorcha le genoux en tombant. Cette soudaine blessure le rendit aigri pour le reste de la nuit. De mauvais poil, il fut le premier à aller se coucher, vers 3H du matin.
Les autres se lancèrent dans un ''action ou vérité'' très accès cul sur les vérité et très accès mélange de différentes bouteilles pour les actions. Un à un, ils finirent par tomber de sommeil, occupant peu à peu les trois chambres puis le matelas dans la salle. Ne resta plus que Lauranne et Charlène, fumant une clope dehors, un morceau de pizza froide leur tenant compagnie. Lauranne finit par briser le silence:
- Meuf, je me suis éclaté ce soir!
- Attends, c'est que le début.
- M'en parle pas, mon foie ne va jamais tenir une semaine.
- T'imagine, lundi prochain, les hôpitaux du coin enregistre sept nouveaux cas de cirrhoses supplémentaire.
- ça va sûrement être un truc comme ça.
- T'as réussi à penser un peu à autre chose?
- Grave, franchement, si on excepte les propos de Warren avant de partir se coucher, c'était extra, je me suis bien marré. J’ aimerai que cette soirée dure une éternité.
- C'est cool... Mes excuses, je vais démouler un flamby
- Vas -y, t'en prie- je, de toute façon je rentre aussi, l'odeur de la gerbe de Dylan arrive jusqu’à mes délicates narines.

Elle firent quelques parties de street Fighters, le volume au plus bas pour ne pas réveiller Totor qui dormait dans la pièce. Lauranne alla se coucher vers 5H, et Charlène, plus par ennuie que par véritable fatigue, une heure plus tard.
Un foetus de soleil commençait déjà à naître sur le deuxième jour d'une semaine de cuite.

Mardi-jour 2-
Charlène fut étonnement la première réveillée , vers 11H00. Visiblement, la picole ne jouait pas sur sa tendance à ne dormir que quatre ou cinq heures.
Elle alla à la cuisine, ce fit un chocolat chaud, des tartines, prit un carré de chocolat et... Une 8.6. Un petit déjeuné teinté d'alcoolisme, voilà qui était jouissif.
Victor et Lauranne prenait de la place sur le matelas du salon, elle comprit alors pourquoi elle avait dormi à moitié par terre. Comment deux être si peut gros pouvaient engloutir autant de surface avec leurs corps ?
Charlène ralluma la PS2 et se lança dans une partie de Shadow of the Colossus, dont on lui avait vanté les mérite mainte fois (euphémisme, Valentin était véritablement casse couille avec ce jeu). Le casque sur les oreilles avec un bon gros son punk hardcore des 90s pour l'accompagner et elle se lança dans le monde imaginaire que lui proposait la console.

Charlène Essel en deux mots ; LA FLEMME. Voilà comment elle se définissait. Quand elle était posée et qu'on lui demandait quelque chose, valait mieux se préparer à le faire soi- même. Même aller pisser, des fois, elle le retardait le plus longtemps possible car '' les WC sont super loin''.
Charlène souffre d'un léger boitement à la jambe droite, problème de naissance, qui l'empêchait de courir véritablement. Pas vraiment un souci car courir, elle ne l'aurait jamais fait de toute façon. Cette infirmité lui avait permis de toucher l'AAH à ses vingt ans. Et de justifier sa flemme latente. Et de retarder le moment où il faudrait trouver un travail. Sa mère la harcelait avec le fait qu'elle ne faisait rien de sa vie, qu'elle passait son temps à son appartement à regarder des séries et lire des livres. Qu'il faudrait qu'elle trouve un travail. Oui mais bosser, elle n'en avait pas envie. Travailler ? Une sorte d'esclavage moderne. Son revenu lui permettait de vivre à l'aise, alors jusqu’à ce que ce ne soit plus suffisant, elle fera avec. Tant qu'elle peut s'acheter des livres à côté.
Ses potes lui faisait plutôt la morale sur le fait qu'elle ''enchaînait les coups d'un soir''. Oui mais ça lui convenait. Avoir un mec, c'était pas dans ses projets, trop de responsabilités qu’elle ne se sentait pas capable d'assumer. Et si c'est pour tomber sur un Mathieu... Elle verra bien le jour où elle tombera amoureuse.
Si ce jour viens.

Valentin descendit vers 15H et se plaignit immédiatement que ''il y avait trop de soleil''. Il demanda à Charlène de tirer le rideau et, devant le manque de réaction et la flemme bien trop voyante de cette dernière, le fit lui- même. Il accusait une bonne gueule de bois, le Valentin. Cha lui conseilla de boire pour de noyer le pic-vert qui lui vrillait la tête. Ce qu'il fit. Mais la vodka au réveille n'amena qu'a un allé simple aux toilettes pour la régurgiter aussi sec.

Au fil des heures défilantes, les gens se levèrent, ou se recouchèrent. Warren s'excusa de son comportement de la veille. Les jeux à boire se refirent à intervalle régulier, notamment les '' échecs alcoolique'' entre Warren et Valentin, qui consistaient à boire plus ou moins selon quelle pièce on se faisait prendre par l'adversaire, et qui prit fin quand Valentin, ivre mort après s'être fait prendre sa reine, tomba tête la première sur l'échiquier.
A 18H16, ils prirent tous deux shooters de tequila.
Charlène poussa les enceintes à leurs maximum ils dansèrent comme des fou/abruti au rythme, tanto d'un gros son de death metal qui entraîna un pogo ou Jade s'écrasa contre un meuble, tanto de ''Barbie Girl'' du groupe Aqua, en prenant des poses des plus grotesque.
L'alcool coula plus que la veille et c'est sûrement pour cette raison que, vers 00H00, Valentin proposa le jeu de la biscotte, que les trois autres larron tout aussi bourré que celui qui avait proposait ce jeu stupide, acceptèrent.
Le jeu de la biscotte; une biscotte, plusieurs mec se masturbant au- dessus, le dernier à éjaculer mange la biscotte.
Sous les protestations de Charlènes et les encouragement de Jade, fort loquace pour le coup, les quatre garçons se mirent à se palucher au- dessus de la tartine de pain (''Bah ouais, mais on n'a pas de biscotte...''). Au bout d'un quart d'heure, c'est Victor qui dut avaler la tartine et sa pâte visqueuse. Il vomit. Deux fois.
La nuit continua sur une note tout aussi de bon goût avec le concours de pets lancé (une fois encore) par Valentin et gagné par Lauranne (''T'es moisie du cul'' constata Jade) ou par le visionnage d'un porno gay hardcore qui ne plus pas du tout à Victor. Il vomit. Deux fois.
Vers 05H00, les esprits et l'ébriété se calmèrent un peu, laissant place à un silence des plus étrange. Dylan grattait la tête de Charlène sur le canapé, Jade dormait, la tête quasiment contre le mur et Lauranne et Warren se lancèrent dans une partie de Soul Calibur. Seul les jurons de Lauranne quand elle perdait brisaient le silence.
Les deux garçons restants étaient partie écouter de la musique dans une chambre en buvant du Fitou dans une bouteille plastique. Victor vomit. Deux fois.

Mercredi-jour 3

Vers midi, la position peu confortable dans laquelle elle était, eu raison de l'envie de dormir de Jade. Elle se leva, but un verre d'eau, et constata que Charlène prenait le soleil dehors. Elle la rejoignit.
- T'as dormis Cha?
- Nop.
- ça va?
- Ouais t'inquiète.
- Tu sembles... Ailleurs.''
Cha se pencha alors vers l'autre et dis d'une voix plus basse.
-J’ ai couché avec Dylan tout à l'heure.
Jade ouvrit la bouche dans un ''Ah'' qui ne sortit pas puis tenta de formuler une question qui ne lui semblerait pas trop stupide.
''- Et... Alors?
- 12 cm.
- Putain! Pas ça ! C'était comment.
- A chier... Enfin normal vu la couche qu'il tenait.
- Et donc...
- Non mais non, c'est pas le grand amour, c'était... L'alcool quoi.
- Tu crois qu'il va te dire quoi au réveil ?
- Si il pue de la gueule comme pendant, il va rien me dire, je t'assure!
- Ah... Et vous l'avez fait où ? Que je sache ou ne pas me coucher.
- Chambre de gauche.
- OK.
Charlène but une gorgée de sa bière.
-N'empêche, j’ ai dù me retenir de rire quand il m'a dit dans un râle ''L'hiver vient''.

La ''faute'' de Dylan et Charlène ne resta un secret d'état que jusqu’à 16h00 environ, heure ou Warren retrouva le préservatif usagé (dans un cris de dégoût) dans la chambre. Mais, à part Val qui se permis deux trois réflexions que la décence m'empêche de retranscrire, les autres étaient plus préoccupés par le fait d'atteindre un état d'ébriété avancé que par les histoires de sexe que la maison pouvait offrir. Les concernés ne réagirent pas vraiment non plus, Dylan faisant même profil bas.
Vers 18H, on enchaîna les trois shooters signe du troisième jour de cette semaine de cuite. Vers 21H, entre musique techno poussée au max, jeu de bouteille et glandage intensif, le monde semblait avoir disparu. Personne n'avait plus la notion du temps. Personne ne se souciait plus des éventuels problèmes que le quotidien pouvait offrir. Le seul problème des habitants de la maison était ''Où est mon verre ?'' qui était un problème vite ré-solvable.
Assis dans l'herbe du jardin, contemplant Valentin qui agonisait tête contre sol dans des grognements, Victor se laissait bercé par la musique de fond et l'impression que sa tête flottait dans un bocal de bière. Warren le rejoignit. Victor eut vaguement l'impression qu'il avait l'air triste avant de se dire qu'il n'en avait rien à foutre. Il brisa le silence, prenant le temps pour arriver à articuler chaque mots correctement.
- Je ne sais plus dans quelle civilisation on dit que le soleil meurt chaque soir et renaît chaque matin.
- Qu'est -ce qu'on s'en branle?
- Bah c'est le soleil couchant qui m'y fait penser. T'imagine, genre, chaque soir, le soleil se dit ''Ras le cul, je me suicide, je renaîtrais demain'' et il meurt. Triste.
- Mais plus fort que Jésus.
- Donc là, le soleil est en train de se suicider?
- Ouais.
- Faut appeler le SAMU.
- Pas sûr qu'ils interviennent si on leur annonce qu'un astre de feu est en train de commettre un suicide.
- Donc ouais, c'est triste.
Victor leva sa bière.
- A la mort du soleil.
Warren trinqua, sous le regard rougeoyant du soleil suicidaire.

Quand Jade jouait, tout le monde se taisaient. C'était toujours un sacré moment de la voir s'envoler dans un monde de musique, les doigts sur les touches. Avec un vrai piano, ça aurait été encore mieux, mais pour l'instant, le synthétiseur faisait l'affaire. Leurs bières à la main, le petit groupe se laissaient bercer par les mélodies jouées par la rouquine.
Warren s'amusait à mettre son index dans les côtes de Lauranne pour la faire rager. Ce qu'il réussit assez bien, mais il en paya le prix ; elle le gratifia d'un ''Va niquer ta soeur!'' venant du coeur. Puis, se rendant compte de son erreur, Lauranne s'excusa ; ce n'était pas ce qu’elle voulait dire. Trop tard, la faute était faite. Warren partit écouter de la musique dans un chambre, une bouteille de rhum comme seul compagnon.
Charlène rassura Lau, ça allait vite lui passer. Ils se remirent à écouter Jade, qui n'avait pas était perturbé par la scène et continuait de créer des mélodies sur l'instrument.

Warren Camppel était un garçon dont la vie semblait plutôt calme et rangée. Des études qui se déroulaient bien, pas de problèmes de santé, un appartement. Pourtant une ombre planait sur la vie de Warren.
Quelques années auparavant, sa grande s?ur avait été retrouvé morte avec son colocataire dans leur appartement. Il s'était avéré que les deux étaient un duo d'assassin qui avait semé le trouble dans leur ville. Ils avaient fini par s’entre-tuer. Renommé les ''colocataires sanguinaire'', le duo faisait encore date dans les mémoires, y compris dans celle de Warren, qui n'arrivait pas à digérer ce que sa soeur avait fait. Il avait l'impression que cette étiquette de ''frère de meurtrière'' le suivait et lui collait à la peau.
Warren aurait voulu parler à Ashley une dernière fois, savoir pourquoi elle avait commis ces actes. Mais les questions du jeune homme resteraient à jamais sans réponses...

L'alcoolémie est un monde étrange, ou la raison se fait plus abstraite, ou les règles de société sont flou et ou les réactions primaires sont maître. Plongés de ce monde, les sept protagonistes dansaient et chantaient sans se préoccuper du volume sonore, des éventuels objets qu'ils pouvaient renverser et de leurs états. Warren avait rejoint le groupe et, accompagnés de musique cold-wave des 80's, le groupe s'abandonnait au monde de l'ivresse. Le monde n'était plus réduit qu'a une pièce, la vie qu'a une nuit, la mort qu'a un rêve. Et quand les premiers rayons du soleil nouveau apparurent, ils dansaient toujours sans penser à rien d'autre qu'au plaisir d'être tous ensemble.
Un instant parfait.

Jeudi- jour 4

Charlène se réveilla vers 20H00 dans une baignoire à moitié remplis d'eau tiède. S'extirpant péniblement de son lit de fortune, elle enleva ses vêtements mouillés et, complètement nue, sortie dans le jardin admirer le ciel. Le soleil déjà se rapprochait de sa mort et la sensation que le temps avait tourné sans elle lui fit ressentir un vertige. Puis, les effluves de l'alcool remontèrent et elle vomit dans l'herbe.

Victor ne se sentait pas bien du tout, sa tête lui faisait mal et il n'arrivait pas à penser normalement. Son corps était devenu lourd comme un menhir et il ne pouvait que constater, allongé et impuissant, le mal dans lequel la débauche d'alcool qu'il avait ingurgité depuis quatre jours le plongeait.
Il tenta, le plus difficilement du monde, de replonger dans un sommeil salvateur qui lui permettrait d'échapper à son état. Il eut quand même la pensée que, visiblement, sons seul soucis était de décuver. Les soucis de sa vie semblaient si loin...

Victor vivait encore chez sa mère. Déscolarisé, sans emploi et sans revenu fixe, il n'avait pas encore mis les pieds dans le grand monde. Et l'idée de quitter le nid familial lui faisait peur.
Son père, qu'il n'avait pas vu depuis des années, lui envoyer des fois un message via un réseau social pour prendre deux ou trois nouvelles. Victor ne répondait jamais, car il savait que s’ il décrivait sa situation restée inchangé, son père le traitera d'assisté et de feignant. Mais les considérations de son paternel n'intéressaient pas Victor.
Il se disait que le monde des adultes était effrayant, remplit d'obligations, de responsabilités et de restrictions. Il n'était pas pressé de rentrer dans cet univers qui l'effrayait tant depuis des années. Petit, quand on lui demandait ce qu'il voulait faire plus tard, il répondait toujours du tac au tac ''ne pas grandir''. Une sorte de syndrome de Peter Pan ? Peut- être, qui sait.
Victor restait plus concentré sur le fait de se trouver une copine et, malgré l'énergie qu'il y mettait, cela restait peu concluant.
Victor se disait que sa vie était quand même bien ennuyante. Généralement, quand cette pensée le traversait, il évacuait avec une bouteille de vodka. Alors cette semaine de picole restait pour lui un bon moyen de rester loin de cette pensée dérangeante.

Vendredi- Jour 5
Dylan émergea difficilement des méandres de son cerveau. Il n'avait aucune idée de l'heure. Il constata deux chose, 1 il avait dormi avec la bouteille de vodka, 2 il avait gerbé en dormant. Maugréant sur l'état de son T-shirt et bénissant le fait d'avoir dormis sur le ventre, il alla se débarbouiller. Il ne s'était relevé qu'une ou deux heures hier, pour boire, et avait replongeait assez vite. Toujours la bouteille à la main, torse nu, il se dirigea vers l'escalier. Il entendit de la musique en bas, signe que du monde était réveillé. Mais l'escalier lui sembla d'une longueur interminable et il renonça à le descendre et s'engouffra dans une chambre au hasard. Dans cette chambre se trouvait Valentin, une bouteille de scotch à ses côtés , la main droite sur son sexe, en train de se masturber. Dylan, loin d'être choqué par cette scène, alla s'installer dans le fauteuil à l'angle de la pièce tandis que le masturbateur, pas le moins du monde gêné par l'intrusion, continua son travail. Dylan but une longue lampé de vodka puis déclara :
- Tu veux de l'aide ?
Val le regarda, hébété, puis acquiesça d'un vague signe de tête. Dylan s'approcha alors lentement et avec précaution du lit et empoigna le sexe de son ami. Il commença à faire des va et viens tandis que Val gémissait sous le plaisir de l'acte. Toujours en buvant sa liqueur, Dylan n'était plus trop sur de ce qu'il faisait. Valentin déclara alors :
- Tu m'aimes ?
L'autre lui répondit entre deux gorgées :
'-Jusqu’à ce que je tombe dans un coma éthylique, oui.

Lauranne créa un mouvement de joie générale en retrouvant dans un meuble de ses parents une bouteille de vin avec un certain nombre d'années au compteur. La dite bouteille fut vidée dans l'heure qui suivit, notamment par Warren, qui, une fois le liquide bien monté à la tête, commença à faire des propositions ouvertement sexuels à Charlène, qui ne portait depuis la veille qu'un simple peignoir ouvert, mettant donc en évidence ses attributs féminin et à Jade. Si la nudiste l'envoya valser froidement, la rouquine semblait tellement alcoolisée qu'elle ne comprenait pas le but de Warren et bégaya quelque chose que le bonhomme prit pour un oui. Aussi, alors qu'il tentait d'enlever la culotte de le belle devant l'assemblé médusait par le manque de pudeur flagrant, Jade poussa un cri quand elle comprit enfin la finalité de l'action. Mais Warren, trop emporté par sa testostérone, n'entendit pas le cri. Alors qu'il commencer à défaire son pantalon, Victor l’attrapa par les épaules et le tira en arrière violemment. Warren, ivre de colère (et ivre tout court) se releva et colla son poing dans le visage de son ami. Une courte, mais violente bataille eut lieu, avant que les forces en présence n'arrivent à séparer les deux hommes. Warren, rouge de colère, sortie de la maison, brisant ainsi une des règles, et alla faire un tour pour calmer ses nerfs et ses ardeurs.
Lauranne, au chevet d'une Jade effondrée et en larmes, tentait tant bien que mal d'apaiser la situation. Jade se leva et alla s'installer au synthétiseur pour se perdre dans la musique et oublier.

Jade Lagoya était une splendide jeune rousse au formes élégante et doué d'un talent peu commun pour le piano. Diplômée d'un conservatoire, elle était devenue musicienne de studio pour un label qui s'occupait de groupes régionaux. Jade était une fille très discrète sur sa vie privée, sur sa famille et ses amours. Son père alcoolique et avec qui elle entretenait des relations houleuses étant l'une des seules informations connues de ses amis.
Une rumeur courait sur Jade, comme quoi elle aurait eu une amante qui se serait suicidée chez elle. Le A entouré de note de musique tatouée sur son épaule droite , serait un souvenir de cet événement, que personne n'avait pu confirmer.

Warren rentra une heure plus tard et se jeta à genoux devant la rouquine. En larme, il l'implora de lui pardonner, qu'il avait perdu la raison et que l'alcool lui avait fait faire n'importe quoi. Il s'en voulait. Jade, comme unique réponse, déposa un baiser sur sa joue ; Warren s'excusa ensuite auprès de Victor, soutenant qu'il avait eu raison de l'arrêter. Victor décréta que, pour fêter les réconciliations, il fallait trinquer. Ce que tout le monde fit.
On but cinq shooter en l'honneur de ce cinquième jour sous le signe de l'ivresse.
Et, alors que le soleil reprenait sa route ''suicidaire'' chacun se remit à danser sur les sons électro que Valentin, en DJ improvisait, lançait sur l'ordinateur.
Vers cinq heure du matin, chacun commença à somnoler sous les effets de l'alcool et ils s'endormirent un par un, dans des endroits diverse et pas forcément appropriés (tel devant le frigo) afin de gagner quelques heures de sommeil pour attaquer le sixième jour de cette semaine de cuite.

Samedi- Jour 6

Après des réveils plus ou moins difficiles, des gueules de bois plus ou moins forte et quelque vomis, la petite bande se remis à absorber de l'éthanol sans aucune retenue. Warren et Victor eurent bientôt l'idée, stupide mais ils ne s'en rendaient sûrement pas compte, de faire une ligne de flammes dans le jardin pour sauter au- dessus. Bien évidemment, le feu s'emballa rapidement, à cause de l'herbe sèche du mois d’Août, et ils parvinrent de justesse à empêcher un début d’incendie grâce à l'utilisation d'un extincteur. Comme punition pour leur connerie, les deux garçons durent boire cul sec un mélange que Valentin avait préparer en secret dans la cuisine en mélangeant plusieurs fins de bouteilles, plus d'autres petites touches d'aliments prises par çi, par là. L’écoeurant mélange fit vomir les deux hommes et si Victor eut le temps de se précipiter aux toilettes, Warren se lâcha une flaque mauve puante sur le T-shirt. Il l'enleva et rejoignit le groupe des ''presque à poil'' que constituaient cinq des personnes présentes.
Le reste de l'après- midi, on dansa, chanta et but de l'alcool à s'en faire crever le foie. Vers 18H00, ils prirent six shooters, créant plusieurs accidents. Mais le seul vrai accident grave de la soirée fut la chute brusque de Dylan vers 20H00. Celui- ci tomba comme une masse et, malgré les efforts de ses amis pour le réveiller, demeura inconscient quelques heures. Le train de vie très particulier depuis le début de semaine n'avait pas aidé, chose sur et certaine. Il émergea vers minuit, mais dans un état désorienté au possible, incapable d'aligner deux phrases cohérentes et sans fautes. Ils l'installèrent sur le matelas du salon pour le surveiller et se remirent à leurs activités, pas plus inquiet que ça au final. Il aurait pu faire un coma éthylique qu'ils ne s'en seraient pas rendu compte. Dylan réussis quand même à évacuer (vomir) trois fois, avec de l'aide, dans une bassine, Charlène lui tenant la tête et Jade lui enfonçant les doigts dans la gorge. Lauranne se dit quand même que la situation aurait pu être grave et que personne ne s'en seraient aperçu, tous occupés à fuir le monde réel qu'ils étaient. Car appeler les secours aurait été un brusque retour à la réalité, et pas un dans le groupe n'étaient encore paré à revenir dedans.
Dylan survécut, fort heureusement, mais il ne gardera aucun souvenir de cette soirée.

Dylan Moraux était un peu le ''je m'en bas la race'' du groupe. Des notions comme l'honneur ou la fierté n'étaient en effet pas plus importante que de la poussière pour lui. Dylan vivait dans un appartement au dessus d'un bar, et ne le payait pas. C'est en effet le patron qui le lui payait en échange de faveurs sexuelles. Dylan était donc un gigolo. Pas question de trouver du taf, Dylan aurait l'impression d'être un esclave sous le joug de cet État pour lequel il n'avait aucune considération. Brouillé avec ses parents pour différentes raisons et sans emploi fixe, il usait de ses charmes pour obtenir de l'argent et vivre décemment. Dylan se laissait porté par la vie, désintéressait par le quotidien, la politique, le travail, l'image que les gens avaient de lui. Pour autant, il espérait un jour trouver le grand amour, le vrai, mais il était un peu désespéré de ce côté- là. Mais il vivait dans l'espoir de trouver sa moitié manquante. En attendant le jour où il la trouverait, il prenait des cuites. L'idée de cette semaine spéciale était la sienne.

Le reste du groupe se relança dans des jeux à boire, certain franchement débile. Vers deux heures du matin, ils se remirent à danser, à faire des concours de blagues que la quantité d'alcool ingurgité rendait compliquée à raconter. Jade offrit sa version de ''La lettre à Élise'' en mode bourré.
Lauranne partie s'isoler un peu dans le jardin, la tête lui tournant un peut. Warren arriva alors, lui demandant si tout allé bien. Elle lui répondit par l'affirmative, avec un peu plus de rudesse qu'elle ne l'aurait cru. Comprenant qu'il dérangeait, il partit admirer Charlène se déhancher sans aucune retenue sur l'air ''Tainted Love'' version Marilyn Manson.
En réalité, Lauranne avait peur. Peur car demain à la même heure, ils ne seraient plus là. Ils seront retournés à leurs petites vies. Demain, elle se souviendra de l'existence de Mathieu. Demain était la fin d'un rêve éveillé.
Pour pallier à sa déprime naissante, Lauranne but. Beaucoup. On l'allongea bientôt aux coté de Dylan, qui marmonnait des choses incompréhensibles dans son demi -sommeil.

Dimanche- Jour 7

Quand Valentin se réveilla, il fut pris de nausées violentes, d'un mal de crane persistant et d'une grosse montée de tristesse. Ca y est, c'était la fin du voyage éthanoïque. Dans pas longtemps, il retournera à sa petite vie de dealer...

Valentin Langlois vivait de l'herbe qu'il vendait. Et des objets trouvés et rafistolés qu'il revendait. Et d'arnaque sur des jeux de hasard. Bref Valentin n'était pas vraiment dans la légalité mais il semblait s'en accommoder plutôt bien. Fils de bonne famille, il avait très tôt découvert son penchant pour la picole et pour l'herbe qui fais rire. Ayant arraché un BAC de justesse (sur un coup de chance) il laissait la vie s'écouler lentement en se laissant bercer par les remous quelle pouvait provoquer. Val ne savait pas trop s’il aimait ou haïssait la vie, mais il faisait avec elle. Alternant nombreuses conquêtes d'un soir, plans bizarres en tous genre et idées merveilleusement stupides, il essayait de vivre sans avoir de regrets. Pourtant, l'annonce de cette semaine l'avait tout retourné. Une semaine à faire ce qu'il préférait, avec les potes qu'il aimait, loin de la ville et de ses magouilles. Et tous cela était passé bien trop vite. Lundi lui semblait hier. Mais demain, c'était lundi de nouveau, donc on était bien dimanche. Le dimanche de la fin.
Val but une bière quasiment cul sec avant d'aller la vomir aux toilettes.

La journée fut plutôt silencieuse, chacun commençant mentalement à retrouver la sensation de prise avec le réel. On but avec parcimonie, beaucoup devant prendre le volant en fin d'après- midi.
Jade brisa cependant un silence qui avait trop duré.

-L'année prochaine, on le refait '
Des rires dans un coin de la pièce.
- Mon foie sera foutu avant mes trente piges si on se fait un truc comme ça tous les ans.
Cependant des sourires venaient de naître sur les visages de chacun. Le refaire l'année prochaine ? Et l'année d'après ? Vivre par procuration une semaine par an jusqu’à... Jusqu’à quand ? Peu importait, en fait.
Boire à en perdre tout repère.
Danser à en avoir mal aux pieds.
Rire à s'en briser la mâchoire.
Avoir des expériences sexuelles ''exotiques''.
Oublier qui l'on est.
Oui ce programme les motivait tous. C'était un peu vivre une semaine par ans. Idée triste. Mais ne valait-t- il pas mieux une semaine bien vécu qu'aucun jour savouré de bout en bout.
Oui, l'année prochaine, le temps cessera encore pendant sept jours.

Pliant bagages un par un, manquant de sommeil, puant l'alcool et la clope, chacun s'en reparti vers son monde. Mais avec l'espoir, l'espoir que, dans 365 jours, le temps les oublierait de nouveau.












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