16Ω : Silures

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J’ai donné un collier à manger aux silures du lac. Maman s’en fiche, elle n’y tient pas. J’avais trois ans quand j’ai arrêté de croire à ses minuties de mots et voulu construire les miennes. Aujourd’hui personne n’y comprend trop rien, c’est ça de parier sur la mauvaise cavale. J’ai donné à bouffer aux silures du lac le collier de maman et je sillonne depuis les tréfonds du ressac de l’enfance, la petite chapelle où la guerre crépite parfois, quelques pas de trop dont on ne se remet pas sous l’ardoise branlante, l’écart et le refrain qui se serrent sur le même matelas de conne, se cassent la gueule et n’en dorment pas jusqu’au matin. L’écart comme un refrain, fonctionner à la répétition, cacher la dent dans le lait et rire de cette souris qui s’y noie en bain de minuit. On me la faisait pas aux contes, j’étais môme et logique, maintenant j’aimerais mieux y croire, y être, dormir pour de vrai sous la couette.

Apparemment, par ici, on laisse une étoile solitaire éclairer une voûte tout entière qui ne souhaite aucun trait sentimental entre ses nuages broussailleux. Qu’à cela ne tienne, ça me permet d’admirer les rocheuses passé vingt-deux heures. Je remercie ma blues distante, elle écarte le vœu d’un sourire figé. On l’a peut-être aussi piégée dans le sommeil du soi, elle a peut-être aussi été giflée au détour du quadrant, sa mère l’a peut-être aussi avertie que les gens dehors la boufferont si elle ne fait pas trop attention. Gretel gourmande, du sucre sur les babines, lèche ta gueule couverte de bêtises. On ira chercher l’étoile, on lui dira qu’elle me ressemble, derrière le nuage.

J’écarte les pieds, stabilise mon ombre rougie par le réverbère des Chaumettes. On arrêtera les gens quand on saura quoi faire du temps qui mange, ronge, manque. Quand on saura que faire de mes mains pleines de déchets, de la graisse qui dégouline, quand on saura comment m’en coudre de nouvelles mitaines pour l’hiver à venir. Sais-tu, j’ai pensé à toi par nécessité et c’est marrant, se repérer entre les mats de naufrage grâce à deux constellations qui se meuvent. Cassiopée chante comme une casserole, on s’y sent lié. Et l’observatoire tourne plein pot là-haut, au sommet du monde, capturant les astres qui s’emportent loin de leur troupeau d’origine. Comme les moutons, berger de terre les ramenant au seuil du grand cirque dont elles sont reines.

À l’angle des chalets, j’ai croisé un chat errant et cru mourir de honte en comprenant qu’il me fuyait. Ça ne se passait pas ainsi avant. Là, on se rend compte qu’on a définitivement rasé l’enfant et qu’il ne renaîtra plus de sous les combles où la lune pendille sereine. Écho des chaînes de la balançoire autour de mon petit cou de chair. J’ai plongé le collier dans le lac aux silures et maman ne viendra pas le récupérer et je ne sais plus que flotter. Du fond du lac, j’entends les perles, essaim de petites prières, m’appeler.

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