18Ω : Sainte Madeleine
Derrière l’église, le dos accolé à la porte de l’oratoire, j’observe les nuages voyager sur le pare-brise de la camionnette qui me fait face, de l’autre côté de la voûte de granite et des murailles de gré rose. Trois fleurs figées dans la roche usent des siècles comme du maquillage. Les remarquera-t-on encore, quatre mois plus tard, quand l’aube du temps sera mon nouveau jour ?
Les enfants hurlent à Sainte Madeleine. J’étais enfant hier, laissais ma voix traîner sur les pierres et j’aimais recevoir l’écho de l’immensité qui m’appartient car je la perçois et l’écoute. Car je les aperçois et les écoute, il et elle haussent le ton en fuyant et me portent la lame à l’œil.
On ne fume pas la même bête, on prétend, comme les mouches-abeilles, c’est tout, et le soleil ne retient pas la chute d’Icare et j’aurais très bien pu t’avoir coincé là au coin du cœur fondu. Goutte de miel sur le muscle bulleux.
Les cumulo-nimbus mangent la vitre. Personne dans l’automobile, un pneu en gare de rien. Les touristes, passent devant parfois et l’ignorent. Les invisibles jamais cités, il y a un mort qui crève encore là dedans et on ne le sait pas et on ne le verra jamais, pas de journal, pas de programme télé, pas de chronique radio. Une balle de tennis contre le caoutchouc, à la limite, taire le rien en bordure d’été. Qu’importe. On ne mentionne pas les corps qui n’ont pas l’art et la matière de toute façon.
Derrière l’église je me demande // Si l’on met du bleu dans l’alcôve, préfigure-t-on alors l’oiseau ? Oiseau-paille ma belle, tu souffles la porte cochère et t’étonne de ne pas la voir bouger. Par contre, s’effilocher, on sait faire, défigurer le soleil derrière l’apôtre, prêcher la fuite, grenade glacée partie en fusée… mon Père je ne crois pas au Grand, je ne remarque que le ciel et sa peau morte blanchie qu’il laisse traîner sur les pare-brises à seize heures.
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