29Ω : données = moignons de ressentis
Je l’aurais esquissé au fusain si j’avais su utiliser l’humeur du carbone sur l’été sous le vieux saule. Pas les hanches qui balancent, ou peut-être que l’aurore sur le matin où je m’alanguis seule dans un lit pour deux lui dessine une cuisse charnue fragile, un peu seulement, l’infirme instant de légèreté. Pas ce qui me plait d’habitude, plutôt l’inverse en fait, le parallèle des poly-serres. Depuis quelques semaines, des « moi même j’habite au premier étage d’un immeuble pressé » où ma sœur vomit en secret ma présence, on me devine derrière une fenêtre de danger où les ordres pleuvent sur l’épiderme. Attendre un orage qui ne vient jamais, que les nuages dégringolent, qu’on puisse enfin expirer la poussière qui nous démange.
Au réveil, ma gorge étirée par la vue saluée s’incline pour me laisser pleurer. Le drap si fin tissé de ficelles de bonnes mœurs me parait si lourd déjà, huit heures, Maman m’appelle. Je réponds pas. Je dis je t’aime, son dos frémit, il lui répond moi aussi d’une autre voix ; les éboueurs envahissent la rue, le ton adressé à celleux dont on ne frôle plus que l’image. Le volet enfin clos, tu n’entends plus que le murmure du ventilateur sur l’oreiller. Deux enfants passent, à bruit de flocons sur le pavé. Ses bras me récupèrent au bord de l’abîme - j’en crève -, le sommeil également. Je rêve de furies et de branlants canyons, un pays de fumeurs de taupes et l’accoutrement des râteliers raconte la chaleur de juillet. Échappons-moi du Nouveau Monde, de New Mexico sur les berges de ces murs, des taches sur le drap qui me disent qu’hier encore j’y voguais.
Midi cogne à la porte. Nevché sur les pointillés de ma chevelure m’offre ce quelque part où se réfugier. Les légumes imbibés d’épices, le hamac dans un écrin de verdure, en contrebas la verrière, la gare fuyante à bien des égards, quelques photos… C’est la glace groseille qui colle au corps de trottoir sur lequel je manque de trébucher. La plateforme sent la mousson, les gosses passent sur le pavé en pleurant leurs genoux croûteux. Tout est guéri maintenant.
Aussi, je voulais vous remercier hier. Sa main sur le lit que je peux tracer du regard et l’absence gravée dans ses égards. Les tiges noires toutes raides sur les épaules, plaquées autour d’un sourire. Les dents de surfeurs sur les pectoraux blancs rougis à La Chaud. Les tours de notes, les silences taquins, le glaive, les cris, les gâteaux. Tout ce qui m’efface.
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