1/

Hier, le soleil se couchait sur tes mains nues dans le train qui nous ramenait à la maison. J’écoutais la 3 du cd, le podcast que tu m’avais envoyé, les rayons sinusoïdes qui t’impriment en sureau-gravure dans mon imaginaire. En bouche, les crêpes vanille gagnaient en saveur plastique, je m’éveillais tout juste d’une plage de sable blanc. Sur la banquette, ton corps alangui laissait échapper l’intention de la fuite. Un pied au bord, les mains de même, ta paupière close en rideau flottant les retenait sur la falaise où l’été charrie la vague sensuelle jusqu’à l’écume.

2/

Lundi, fête nationale, j’écoute Lola rastaquouère comme s’il était l’heure de changer d’âge. Sur un balcon des résidences senior en briques armées, une vieillarde se tient à la rambarde. Elle est probablement aveugle, et sourde, à peine un être humain finalement si l’on en croit ce monde, et je lui passe sous le nez pour qu’elle inspire les fragrances de ma jeunesse. Ses mains ankylosées par l’arthrose, vissées à l’acier, parlent une langue que je ne comprends pas, car elle ne contient pas de faux sourires, simplement la lassitude de se voir trompée par le pavé qui fut un temps l’ami des pompes. Ne reste plus que l’aspect funèbre de la chair, la peau s’effrite, les cervicales se courbent lentement vers le sol pour dresser un infini entre la terre et le ciel, ses genoux grognent contre le poids de l’onde qui rampe le long du sternum jusqu’aux chevilles… L’averse ne la prend plus par surprise. Lola frôle les cent ans, ce n’est pas rien, plutôt un tout qui se compacte jusqu’à disparaître.

3/

Ma cigarette est passée, s’est perdue, est repartie, je crois qu’elle pleurait. Je suis la mûre avalée de travers, qu’on n’a pas laissé mûrir, qui agresse la gorge par son brin d’acidité.