Me suis levée en sursaut d’un lit qui n’est pas le mien, d’un rêve me poursuivant jusqu’au bout de mes limbes où des monstres à face humaine m’attendaient ; un escalier, ses yeux qui me chassaient quand j’étais môme. Elle se tient là, à l’angle de mes cauchemars, tapie dans les ombres du présent qui viennent elles aussi manger ma chair, laisser des trous sensibles à la surface de mes cahiers de peau.

Me suis réveillée au côté gauche d’un drap de fleurs étendu comme les tapisseries des Beaux Arts, la fenêtre entrebâillée, une couette vide de l’ami qui y dormait. Au dehors, le refrain de la ville engagée dans sa routine matinale et les claquements des becs de cigognes en basse sous-marine et le cœur qui cogne plus fort encore que l’église. Le danger aux portes de Cerbère, les corps affluant, la pulpe sensible de tout comme si on l’avait poncée à vif la veille. Me suis dit que c’était le début de la faim de cachets, de cachetons, de plastique, de démesure, de cordes aux coups qui s’en balancent, des blanches pointées qui traversent la grève et qu’on ne voit plus revenir de ces lointaines contrées…

Me suis éveillée en sursaut d’un monde qui crevait, j’en garde un frisson pénible le long de ma charogne, la tête melon comme le souper du soleil, la gorge asséchée comme un canyon où l’on attend encore et toujours le grondement de la vague des océans préhistoriques. J’ai eu du mal à fermer le loquet, mes doigts pleuraient et sur l’acier le sel roulait en grosses billes sourdes. Me suis dit qu’on y retournerait bien, au passage à niveau de l’enfance où le regard perdit son éclat contre le fer des wagons en fuite.