28Ω : une partie de campagne
Un rayon de vélo réfléchit un fleuret de soleil. L’asphalte brûlant accueille le caoutchouc des pneus et Elles pourchassent la bise dans un océan d’humeur lourde. J’avance. L’industrie, les 9 août japonais de cumulus, le canal à la traîne, les voitures filantes, la sueur de la canicule et le ciel jusque sous la poitrine, je me distance.
Les corps nus plongent dans les eaux troubles, simplicité de nos toiles de peaux. Les tissus s’agglutinent sur la roche percée comme les fourmis sur le sucre des viennoiseries de Polina, une serviette écrevisse s’alanguit sur la feuille de ronces et la surface ondoie sous la main et le sourire. Les corps nus plongent dans les eaux troubles.
Un cratère d’impact de Vénus expose cuisse sur gabbro de Pluton, en nature morte, et la vase molle déchiquetée sur son sein nu s’impose. Son ventre sybarite repose au soleil, un soir de juillet. Statue sirupeuse, ductile, le cheveu long et piégé dans sa propre fête ; un marbre sûr plein de hasards, de fleurs, d’idées raturées, à la recherche de pays acides et de baies un peu plus mûres aux abords des berges émoussées. En une partie de campagne, le réalisme nous guette et leurs dos ciselés paraissent à la frontière de l’écluse, dissimulés par les roseaux. La nymphe roule son tabac tiède, le porte à ses lèvres, cuisses retenues sur la roche par un instant de nonchalance. La fumée s’échappe vers le couchant, un blé comme un autre sous l’or en parure de sommeil, le jeu des enfants bohème, la demi-culotte sur une moitié de fesse.
La libellule nous cause d’un langage raffiné que certaines fuient ou dévorent. Sous le pas, le caillou râpe la plante et son rire résonne. Le mot passant de la pulpe de l’orange en pupille saturée, la boue sur les orteils s’agglutine puis sèche en argile friable, dessinant la nouvelle du présent, l’interlude d’insectes et d’Éleusis sur sa chair en fête.
Puis on abandonne l’heure là où on l’avait saisie et l’aiguille dansante s’assoit dans une main potelée et les rayons de vélo reprennent leur course, pauvre de tout sauf d’élégance.
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