41Ω : Port-seins-cuisses-âge

Une minute de lecture

Dans la baie de Cassis, le soleil s’éteint vers vingt heures. Entre l’estampe de ses dorures agressives et sa mort complète, il faut compter près de deux rondes. Des aiguilles de bourrelets. Dans la roche glougloute une mer agitée, elle porte à peine mon soupir tendu comme l’arc d’Ithaque et m’assure l’éphémère de mon cri. Ma mère au ventre usé de grossesses bien trop désirées marche sur la falaise avec précaution comme si, quelque part, son pied pouvait se faire empoisonner par l’argile blême. La peur du monde se construit dans les jupes de celleux qui nous le montrent. Les enfants plongent, les adultes également. Mes parents s’immergent tous deux comme s’ils avaient cent ans et le double de mémoire et le triple de malheurs.

Ils égrainent pourtant la petitesse de leurs souvenirs : j’en suis le disque dur, personne ne me croit. Quand on n’a pas vécu l’infamie suprême, peut-être doit-on un échange aux Moires engluées de graisse, un bon bout de chair humide à se mettre sur la langue, l’éponge, là-haut, ma tête, je vous la donne. Ma voix comme un disque usé, je vous la jette, ma guerre contre l’été, je vous la cède, tant qu’on m’accorde de m’emplir le ventre de toute la porcelaine dont les calanques sont grevées et que j’en crève, blanche pointée en coton strié de sève de femme et que l’abîme me récupère comme un mât blessé en pleine prière.

Les hommes en guenilles plastiques fendent les eaux. Éclaboussures de marins, loin sur les terres qui s’avancent à coup de vignes estropiées, fondues sous la griffe du soleil. Il était une fois, mon château corrompu de tout l’or immonde qui se gagne en épousant le bon roi et j’ai coupé mes cheveux pour qu’on ne puisse jamais m’éteindre, petite allumette qui se brûle les moignons de bonheur, et j’ai coupé mes yeux pour ne plus jamais vendre mes pupilles, graines du mois d’août, comme deux vulgaires bijoux à mettre sur des petites menottes aux articulations viciées qui ne m’érigent pas autrement que comme écrit-vain de bohème.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Laroutourn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0