46Ω : oiseaux-bulles
Pélicans à bâbord en sirène de doris, quelques uns font marins d’eau rousse du Couchant, d’autres grèvent le moelleux des nuages d’une silhouette ferme linogravée. Les célébrités des anses caribéennes. On les voyait voler tout à l’heure, broyer le paysage comme les rois de ces crêtes rocheuses alentours, également reines des embarcations de pêcheurs à l’abandon sur l’océan, plonger puis cueillir le poisson avec prestance quand les dragons ne faisaient que leur tourner autour.
Si l’on me demande, je suis plutôt de ces frégates qui n’ont semblant d’adroit que le vol enchaîné, jetées dans les airs sans savoir s’en détourner, mes sensibles dragons antillais. Levez le regard, observez ce grabuge de l’aile fragile qui tangue contre le vide, leur ossature malingre forcée de ne jamais atterrir sans se couvrir de honte, levez le regard, admirez mes superbes oisulles* taillader l’été de mille et une balistiques improbables… Comme elles rôdent en quête de miroirs parfaits, grands seigneurs qui pêchent sans se questionner, le bec agile, le gosier décidé.
Engloutir l’océan ne tient qu’à ce qu’on naît, peut-être aussi à ce qu’on imite sur une rive perlée de grumeaux nuageux, une fin de jour, un morceau de ciel en agonie, la faim de vie jusqu’au néant. Mais c’est un secret qui se garde. Laissons mes frégates cribler l’horizon de leurs jeux d’ombres friables, billet dans un rêve pitoyable qui s’écroule sur les embruns et la roche salée, graciles lignes de jais piquetées de plumes.
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