48Ω : M’Arborescence
Du bout du majeur, je récolte la buée sur la vitre. Toute fraîche et grumeleuse de poussière. Derrière, de l’autre côté du monde sensible, les maisons en poussettes, des rochers invisibles sous le maïs, cette miette de pain dans la serrure… que de l’abstrait placardé sur nos rétines et le commun des mammifères qui troue cette planète ne sait même pas qu’en faire.
Du bout du majeur, je débroussaille l’horizon d’autobus de son humeur d’enfant terrible, me rappellant à ces mœurs fauves qu’on a par Chez Madame et toustes celleux qui s’y perdent un jour, bouteille aux lèvres et le message dans l’autre main. Ça m’évoque les us de Chez Madame, ce purisme incroyable des artistes débauché-es s’offrant corps défaits à cette expression de grandeur au bord d’un rien qui pleut sur les paupières : savantes couleuvres défaussées de leur ennui. Là-bas, on aime broder des manteaux de verre aux passereaux rapiécés échoués sur nos paillassons hagards. Le disque tourne, un néon dans le bocal sur le qui-vive, des joues de mômes indociles, la pièce chante.
Du doigt, du bout du doigt, presque de l’ongle, sensible à la pression ; mousseux alors ? Si le jazz nous tord les entrailles de sourires et s’étend entre les murs comme une fête, que dire de cette passion de la chair qui déborde sur la dentelle ? Moussons, alors. Nue sur le lit, n’avoir guère de scrupule à causer espiègle, malléable brèche d’entre-cuisses, chuchoter j’aime ton sexe et son frottement sur le drap, nos sons alors ! Du doigt, du bout du doigt, presque de l’ongle, torride sous la pression ; vicieux alors ? Ma foi, en pulpe d’émoi je m’y connais, et d’un trait de majeur, je peux encore une fois dessiner l’ardeur sur des lèvres venues de loin, bercer l’agrume sur la vague du dimanche jusqu’au rivage de mes arborescences.
pour Miss Rêve.

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