53Ω : le nœud de la chambre
Elle tremperait sa paume, presque sa main entière, dans le pot de peinture, s’enduisant la peau d’un bleu roi, béni de l’océan lui-même. Ensuite alors, elle passerait cette main souillée sur un mur en papier blanc sale et laisserait murmurer un tarot chanteur. Séduisant ! comme le bleu mange la chambre et qu’on y fait dormir toutes les aurores.
Elle dit qu’on lui chuchote de l’autre côté de l’oreille ce qu’il faut faire, toutes ses recettes d’écriture, les salades en prose et tout ce méli-mélo de confettis de mots bizarres ; toutes ces facettes de l’écriture, elle les tient de là, de la bouche muette dans le rocher qui crache par intermittence des codes secrets de sémaphore en carton. Fée fille de sa mère, l’enragée, celle dont on ne doit pas entamer le don, carillon de pacotille, la fausse suffoquée, adjointe ponctuelle de tous les beaux diables… une passoire d’étiquettes. Sans la bouche du rocher, qu’est-on sinon tue ?
Tout ce qu’elle sait faire, de ses doigts raviver le néant des corps de sable, tirer les mâts de sous le drap du désert. Barbouiller le présent, lui briser sa belle, gueule plus fort va ! Tout ce qu’elle sait faire c’est aussi bredouiller le sourole au passant, et le voilà qui bêle, dégueule l’absence de jolie dame à l’angle des rougeurs, décuve l’essence capiteuse de son captieux parfum. Les vole pas cette fois, les vole pas.
Elle tromperait sa paume, presque sa main entière, dans le pot de cordes-résine. Ruisselleraient alors sur toute sa peau de beaux bleus rois, lascif océan de glaise glissé en corps à corps de son désir. Ensuite alors, elle passerait ce doigt souillé sur une feuille en blanc de mur sale et laisserait murmurer le tarot chanteur.
Fascinant comme le bleu mange la chambre quand on y fait dormir toutes les horreurs.

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