58Ω : sans titre
Si tu savais comme les étoiles sont brunes ce soir. Les portes naissent au beau milieu de la nuit, hissées à des centaines de mètres au-dessus du sol humide et du petrichor sifflant l’automne à mes pieds. Il s’en passe des choses, trop pour être toutes contées et tant mieux - j’aurais ponctué mes récits de nuisibles, la terreur des écrivains, des affects lourds et déchargés de nuance. Toutes les nuisances de Pandore, décharnées, sens en guenilles. Quand bien même, j’aime croire que tu aurais tout écouté. Grandes ouvertes les écoutilles, et que s’égouttent à ton oreille mes quêtes, les pertes en chemin, les dégâts du cœur et les ébats matériels.
Sous un saule pleureur, écouter les poissons manger et se battre et forniquer et mourir. Je n’explique pas aux gens que les répétitions se chargent d’importance à mon contact, ils ne comprendraient pas. À la place on me siffle comme une chienne mais ma voix ne porte pas. Les aurait rendus sourds sinon. Et le soleil se lève dans mes cieux, au petit soir, j’y grimpe. J’y grimpe tant et si bien que toutes les Achille de ce quart de siècle s’y brûlent également.
Si tu savais comme les étoiles sont brunes ce soir, que chaque nuage disparaît au profit d’une voûte imberbe où picorent les débris d’univers. Le ciel gratte la cithare, les éclairs éparpillent la ville, le port flambe, les côtes à l’agonie, des siphonophores luminescents encombrent l’horizon. Je laisse les ami-es venir et partir et j’espère qu’il me restera ma main à caresser quand les turbulences m’auront tout emporté, des phrasés post-citrouille aux connivences en tête de pupille, les ongles rongés, quelques sourires rentrés bredouille. On meurt bien assez tôt. Si tu savais comme les étoiles sont brunes ce soir et que le monde m’échappe. Je crève l’espace d’un œil hagard.

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