Chapitre 3

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Il n'est point mort, puisqu'il respire en vous . - Phèdre

Sans savoir comment, je suis debout, la vision de son corps est comme encré sur ma rétine. Mes jambes ne m'obéissent plus, elles me forcent à reculer. J'entends des voix m'appeler, j'entends Morgane, Jack, papa peut-être et même M. Bells.

Trois pas en arrière.

La main de Liam se pose sur mon épaule. Les mains se resserrent d'avantage sur ma poitrine. Mon souffle est court, haché.

Un pas sur le côté pour me détacher.

Je n'arrive plus à penser. J'ai mal au coeur. Mes oreilles bourdonnent. Ma vision se floute, je crois que ce sont les larmes qui dressent un voile devant mes yeux. Pourtant, je le vois encore.

Un pas en arrière.

Son corps étendu là à mes pieds, il y a huit jours.

Un autre.

Le sang. La lame. Ses yeux vides.

Encore.

Ce n'est que lorsqu'une main que je n'arrive pas à identifier attrape doucement la mienne que je m'arrête brusquement pour me dégager. Puis je n'ai plus conscience de rien. Je me retourne pour m'enfuir et...

Cours.

Je sens leur regard dans mon dos. Tous. Sauf lui. Bien sûr, puisque rien de tout ça n'était une blague, parce que tout est bien réel, trop réel. Lui ne me regardera plus jamais. Mes pupilles ne rencontreront plus les siennes, je passerai le restant de mes jours sans son odeur, sans la douceur de sa peau, sans lui. Je les entends m'appeler vaguement, comme un bruit d'ambiance, pourtant je ne me retourne pas, je ne m'arrête pas. Sa voix à lui me revient, ses paroles, des mots sans sens apparent. Puis ce dernier appel. Sa voix rauque et tremblante chuchotant mon prénom à travers mon téléphone.

Gabi...

Ses excuses que je ne comprenais pas, ses larmes dont je ne connaissais pas ma raison.

Je suis désolé, tellement...tellement désolé.

Il n'a pas eu le temps de m'expliquer. Il ne m'a rien dit. Et maintenant... maintenant il est parti. J'ai envie de hurler, pleurer, rager, le serrer dans mes bras, le gifler, l'embrasser. Je ne sais plus si je lui en veux ou non, je ne sais pas si je suis dévasté ou en colère. Alors je me contente de courir, courir et courir encore. Le vent siffle à mes oreilles, j'entends des bribes de conversation, de voitures qui me klaxonnent, des rires... Des rires ? Je crois que c'est bien la dernière des choses que j'ai envie de faire. Comment peuvent-ils s'esclaffer alors que je ne sens même plus le sol sous mes pieds, ni l'air dans mes poumons ?

Pour moi, plus rien n'a d'importance, j'espère peut-être mourir d'épuisement en pleine course ou alors me faire renverser au détour d'un virage ? J'ai l'impression que si je m'arrête, la vérité me rattrapera, sournoise et intraitable, elle viendra me frapper en plein visage avant de transpercer mon coeur une bonne fois pour toute. Et alors là, je ne pourrai plus jamais me relever.

Je remarque avec un peu de retard que les petits bruits sont maintenant lointains, étouffés, je ne les entends presque plus. Enfin, c'est le silence, seul le craquements des branches et les crissements des cailloux sous mes baskets raisonnent à mes oreilles. Je n'ai pas le moindre idée d'où je suis, mes yeux sont toujours voilés par les larmes qui ont séché sur mes joues. Soudain, je m'entrave dans ce qui doit être une racine, et me rétame tout contre le sol. J'ai mal partout, de la terre dans la bouche et le visage dans la mousse mais au moins, j'ai repris mes esprits. Ma poitrine s'est relâchée, ma respiration est de nouveau plus ou moins normale, si l'on omet l'essoufflement de ma course. Je me retourne sur le dos, je n'ai pas la force de faire plus. Au dessus de moi, le ciel de la ville à disparu, remplacé par le feuillage des arbres. Quelques moineaux mais surtout des feuilles rouges, ocres, oranges, jaunes, brunes, tellement que je ne vois plus le soleil.

La mousse humide mouille ma chemise, je ne m'étais pas rendu compte que j'avais abandonné veste et cravate dans ma course. Penser à ma tenue me ramène quelque centaines de mètre plus loin, avec lui. Lui dans son cercueil de bois blanc, lui et sa chemise bleu pâle, lui et ses yeux fermés. Les paroles de son père reviennent mais je les chasse d'un coup en me relevant. Je ne veux pas penser à ça, pas là, pas tout de suite.

Où est ce que je suis au juste ? Autour de moi, je ne vois qu'arbres, herbes hautes, fleurs, quelque rochers couvert de mousse... Impossible de voir où se termine cette forêt. J'y pense, il n'y a qu'un bois prêt de chez moi. Personne n'ose y entré, les plus anciens racontent qu'il est hanté, maudit, que toutes les personnes ayant osé y rentrer n'en sont jamais ressorties. Et c'est le seul endroit où mes pieds ont su me guidé ? Je n'ai pas le temps de me demander comment est-ce que je vais bien pouvoir sortir d'ici puisque un craquement retentit juste derrière moi.

Ce n'est qu'une biche, ou alors un hérisson rien de bien méchant j'en suis sûr. Ces rumeurs n'ont aucun fondement, elles ne sont pas réelles. Un deuxième craquement. Je me retourne avec le plus de douceur possible vers l'origine du bruit.

Ce n'est ni une biche, ni un hérisson. Bon sang, qu'est-ce que c'est ? Deux grand yeux globuleux me fixe parmi les herbes hautes. Je recule de quelques pas pour assuré ma sécurité. Pourtant quand la chose qui me guette amorce un saut, je détale sans me poser plus de question. J'entends le bruit de ses pattes martelé le sol derrière moi, je n'ai toujours aucune idée de ce que c'est mais ce n'est pas un animal que je connais. J'ai rapidement aperçu un éclair bleu roi et à part si les pokemons existent, je n'ai jamais rien vu de tel. Je ne sais pas si cet animal est dangereux ou non mais je ne prendrais pas le risque de vérifié. Je cours encore une fois sans savoir vers où, puis le son de ses pas de raisonne plus entre les arbres. Je l'aurai semé ? En si peu de temps ? Apparemment. Je m'arrête, je vais avoir de ces courbatures demain, enfin encore faut-il que je sortes d'ici vivant. Soudain, sans que je ne m'y attende le moins du monde, l'éclair bleu surgit d'un buisson devant, se jette sur moi et je pars en arrière. Mon crane percute un arbre et de petits points noirs dansent un instant devant mes yeux.

La bête me fixe avec ses grands yeux, elle ressemble un peu à un chien de type husky mais avec la taille et le poids d'un petit tigre. J'aurai cru à un croisement s'il n'étais pas bleu et s'il ne possédait pas des... petites cornes et comme si ça ne suffisait pas deux grandes ailes blanches soigneusement repliées contre ses flans. C'est.quoi.ce.bordel ? Le tigre-husky-oiseau-chèvre se penche vers moi en ouvrant légèrement la gueule. Je peux nettement observer les crocs dont elles est remplie. Dites moi que je rêves... Pourtant, j'ai la malheureuse impression que son haleine fétide est bien réelle. C'est bon, c'est fini, je suis mort. J'aurai du rester assis à ma place, pleurant bien sagement celui que j'aime comme tous les autres. Remarque, si je meure là maintenant, avec un peu de chance, je le retrouverai après la mort et peut-être voudra t'il encore de moi ?

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