Chapitre 4

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J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. - Victor Hugo

Je m'attendais à tout, je dis bien tout. Je m'imaginais un mort lente et douloureuse ou alors rapide sans aucun ressenti déplaisant. Je pensais que cette chose allait me dévorer tout cru en quelques minutes, mais non, non au lieu de ça, elle me lèche le visage. Est-ce qu'elle fait comme les ratons laveurs, elle lave sa nourriture ? Ou alors peut-être essaie t-elle de me tuer par asphyxie avec son haleine de poisson pourri ? Je rouvre les yeux, découvrant sa langue violette à cinq millimètres de mon visage. Je tente de m'extraire de sous ses grosses pattes mais il plante ses griffes dans ma chemise en continuant de m'offrir une toilette complète. Je sers les dents et force sur mes bras pour au moins m'asseoir. Une fois cette tache accomplie, la chose bleu se recule pour venir s'allonger sur mes jambes. Je ne suis pas sorti...

Pourtant, je détourne mon attention du gros chat pour me concentrer sur la forêt qui n'est plus la même, comme si elle quelques minutes, elle s'était métamorphosée. Les arbres à l'écorce brune ont laissés place à de grands bouleaux aux troncs parsemés d'écriture couleur or, les fleurs au sol ont laissé leur place à de petits champignons luminescent qui parsèment l'herbe douce. Même les moineaux ont pris des couleurs étranges, certains abordent des taches roses, d'autres des rayures bleu. Et bien ça alors... Je repousse la créature en boules sur mes genoux et elle se laisse étrangement faire. Une fois debout sur mes pieds, j'entends un crépitement dans mon dos. Par pitié, que ce ne soit pas une autre créature incongrue. Je me retourne et heureusement pour moi, ce n'est pas le cas, le son vient de l'arbre. Je m'approche et c'est comme si un fil d'or traçait des lettres tout en bas du tronc. Il trace :

BELLS Tyler 17 ans / Suicide

J'observe ensuite le tronc se surélever de quelques centimètres, juste assez pour un autre nom. Est-ce que ce fil marque le nom de ceux qui nous ont quittés ? Je relève les yeux juste au dessus de son prénom et lis :

FLORES dit BELLS Lili 37 ans / Cancer

Je repense à ma vieille voisine, Mme Riveté, elle me gardait certains soirs où mes parents n'étaient pas à la maison. Chaque fois elle me racontait les même histoires sur cette forêt. Je l'entends encore, lorsqu'elle m'entraînait dans le jardin avec une limonade et un de ses gâteaux dur comme de la pierre, elle s'exclamait :

"Tu vois cette forêt là bas ? Tout le monde dit qu'elle est hanté mais tu sais, ce n'est pas si vrai. Feu mon mari y est entré un jour, il n'en ai jamais ressorti tu te doutes mais il m'a envoyé une lettre, une seule. Il disait que c'était le refuge des âmes des morts, qu'il y avait là-bas des noms par milliers fait d'or, des animaux aux couleurs extravagantes et de petites maisonnettes qui s'agrandissent au fur et à mesure de l'arrivée de la famille."

Tous les autres la croyaient folle, sénile même, que la mort de son mari ne l'avait pas épargnée et qu'elle ne s'en était jamais remise. Peut-être que moi aussi je deviens sénile, peut-être que c'est ce qui arrive lorsque l'on perd l'amour de notre vie ? Ou peut-être que c'est la grand-mère de Ty qui disait vrai :

"La forêt ? Ne pensais même pas y mettre les pieds ! Elle est maudite, jeunes gens. Ils paraîtrait qu'elle abrite de vieilles femmes à la peau terne et ridée, des sorcières si vous voulez, elles guetteraient la moindre personne qui se risqueraient entre les arbres. A peine aurait-elle un pied dans l'herbe haute que la malheureuse se ferait entraîner sauvagement sans jamais pouvoir ressortir."

Et alors dans ce cas là, je crois que j'ai pris la place de "la malheureuse qui ne ressortira pas".

Je chasse cette pensée de mon esprit en avançant entre les arbres, je lis d'autre noms sur les bouleaux qui me sont inconnus. Soudain, une jeune fille déboule et se jette sur la chose bleue qui a décidé de me suivre. Elle lui attache une chaînette en lierre blanc autour du cou et se relève difficilement. Elle sursaute en m'apercevant là, devant elle, les yeux écarquillés. Elle brille. Je veux dire, littéralement, c'est comme si ça peau réfléchissait la lumière ou qu'elle était fluorescente comme les champignons à mes pieds.

"Oh ! Je suis désolé je ne t'avais pas vu ! J'espère qu'il ne ta pas trop embêté, c'est le mien, je l'ai lâché du regard une seconde et pouf ! Il s'est échappé. J'ai l'impression de t'avoir déjà vu, comment est-ce que tu t'appelles ?"

Moi aussi, j'ai l'impression de la connaître mais je suis incapable de remettre la main sur son prénom.

"Gabriel. Gabriel Deauclair.

- Ah oui, ça y est je me souviens ! On était ensemble au collège. Je m'appelle Victoria Beauregard, tu peux m'appeler Vickie."

Mais oui, bien sûr, je me souviens maintenant, mais... elle est décédée depuis un moment ? Elle a eu un accident de moto en troisième, elle a succombé à ses blessures quelques heures après. Seulement, dans mon souvenir, elle était, disons, moins lumineuse.

"Oui je me souviens mais honnêtement, j'ai l'impression de devenir fou...

- Non ne t'inquiète pas, on a tous cette impression au début, ça va passer ! Je suis désolé que tu sois mort d'ailleurs, Tyler doit être dévasté le pauvre, si vous étiez encore ensemble ? J'espère vous étiez vraiment-"

Elle s'interrompt d'elle même et ses yeux s'arrondissent de surprise :

"Mon dieu, quelle sotte ! Tu n'es absolument pas mort ! Comment est-ce que j'ai fait pour ne pas le voir, tu ne brilles même pas un peu !"

C'est donc un signe distinctif ? Effectivement, je ne suis pas mort, je ne brille pas du tout. A son air alarmé je comprends que ma présence n'est pas normale.

"Bon sang, tu ne devrais absolument pas être là, je vais me faire tuer ! Je dois t'amener voir le vanvitrus, suis moi."

Je ne lui fais pas remarquer qu'elle n'est pas sensée pouvoir mourir une deuxième fois, mais j'ai peur que la remarque soit malvenue alors je me tais et j'obéis. Pourtant, elle doit craindre que je ne m'envole puisqu'elle m'attrape par le bras. Au loin, je vois quelques petites maisons aux couleurs claires, mais Victoria les contourne le plus possible. Je crois qu'elle ne veut pas que nous soyons trop remarqués...

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