Chapitre 6
Des parents peuvent-ils surmonter la mort d'un enfant ? Elle priait pour ne jamais devoir répondre elle-même à cette question. -Debbie Macomber
"A vrai dire... j'imagine que c'est en partie à cause de...ce qui lui est arrivé que je suis là."
Je baisse les yeux, je ne sais pas si c'est à moi de lui dire ou si c'est à elle de le découvrir seule.
"Quoi ? Qu'est-ce qui est arrivé ?
- Eh bien-"
Je m'interromps moi-même d'abord pour empêcher les larmes de refaire surface mais surtout parce qu'il y a de petites étincelles qui crépitent dans le coin de la pièce, juste à côté de Lili. Je crois que j'ai des hallucinations...
"Oh, c'est la passeuse !"
La passeuse ? Je ne sais toujours pas de qui il s'agit, ni qu'elle est son rôle et maintenant voilà qu'elle est associée à des paillettes volantes ? Je les observe s'éparpiller un peu avant de se regrouper, elles se mettent subitement à briller plus fort me forçant à plisser les yeux. D'une seconde à l'autre, elles ne sont plus là, à leur place se tient... un chat ? Avec des cornes courbées autour de ses oreilles. Je l'aurais sûrement trouvé mignon avec son pelage crème et ses petites pattes, enfin si ses yeux n'était pas étrangement vides et démunis de pupilles.
Je suis en train de rêver, ce n'est pas possible autrement, d'abord la bestiole bleue, ensuite les défunts et maintenant un chat à cornes capable d'apparaître sans efforts ? Réveillez-moi.
"Premièrement, non tu ne rêves pas malheureusement pour toi. Deuxièmement, je ne suis pas un chat. Quelle comparaison affreuse !"
J'écarquille les yeux, bien sûr, un chat qui parle, on aura tout vu. Pourtant, j'ai beau me pincer, la douleur est bien réelle.
"Je ne suis toujours pas un chat ! Lili dis lui !"
Je parle à voix haute ? Non... Comment sait-elle ? Je regarde Lili comme si elle détenait toutes les réponses et elle rigole :
"Effectivement Gabriel, ce n'est pas un chat même si on le dirait à première vu. Je te présente la passeuse, Harcogne. Elle a plusieurs formes, celle là, c'est celle des mauvaises nouvelles lorsqu'elle doit annoncer quelque chose de triste à quelqu'un. J'espère que ce n'est pas à nous que c'est adressé. Oh, elle est capable de lire dans tes pensées c'est pour ça qu'elle sait que tu l'as comparé à un chat."
Ok. Super. J'ai compris la moitié de ce qu'elle m'a dit. Donc, si je résume, ce n'est...pas un chat, c'est... quoi une entité, peut être ?
"Une entité, si tu veux, toujours est-il que mon rôle est de faire passer les âmes de l'autre côté, donc ici, au moment de la mise en terre."
D'accord, d'accord, elle a un peu le rôle du mec sur sa barque dans la mythologie. Elle acquiesce et j'en déduis que Tyler a dù arriver maintenant alors. Par réflexe, je jette un oeil à travers la petite fenêtre mais je ne vois rien d'autre que les arbres blancs et or.
"Lili ? Tu veux bien nous laisser, je dois lui parler de son histoire d'amour à moins que ça ne t'intéresse ?
- Ce qu'il y a entre Gabriel et mon fils m'intéressera toujours."
J'observe un léger mouvement de surprise chez la passeuse qui s'assoit sur son postérieur, enroulant sa queue toute autour d'elle. Lili ne sait pas, elle ne sait pas où est son fils, elle ne sait pas que son mari a dù faire son oraison funèbre, elle ne sait pas que Tyler est là désormais.
"Oh ! Eh bien, d'accord... Je suis là pour... sa dernière volonté. Tu sais de qui je parles, n'est ce pas ?"
J'acquiesce. Bien sûr, que je sais de qui elle parle, elle a évoqué mon histoire d'amour, même Lili a compris. Je le vois à ses sourcils froncés.
"D'abord, il m'a demandé de te revoir pour t'expliquer je ne sais quoi, je lui ai bien sûr dit que c'était impossible. Tu es bien placé pour savoir que nos interactions avec les vivants entraînent des conséquences assez désagréable. Alors il m'a juste demandé de te dire qu'il s'excusait et qu'il t'aimait plus que tout."
Voilà qu'elles sont de retour, ces fichus larmes, elles glissent déjà sur mes joues avant que je n'ai eu le temps de les retenir. Bon sang, qu'est-ce que je donnerais pour revenir en arrière ou alors j'aimerais me réveiller et me rendre compte que ce n'était qu'un horrible cauchemars, qu'il est encore là, à ronfler à mes côtés. C'est Lili qui chuchote :
"Harcogne... Tyler est... ici ? Oh ! C'est pour ça la tenue chic ?"
Nous hochons la tête d'un même mouvement et elle plaque une de ses mains contre sa bouche étouffant un "oh mon dieu !". Je vois ses yeux briller avant qu'elle ne tourne son regard sur moi :
"Mais... comment ? Pourquoi ? Je veux dire, vous n'avez que dix sept ans."
Je me détourne, je suis incapable de soutenir son regard, encore plus de répondre à ses questions. Je ne sais pas pourquoi, mais je sais comment, puisque c'est moi qui l'ai trouvé...
Cette fois, c'est à Harcogne d'avoir un hockey de surprise :
"Oh... il est persuadé que c'est son père ou sa grand-mère, il m'a dit qu'il t'avait appelé mais qu'il ne savait pas vraiment ce qu'il t'avait dit.
- Il a seulement dit mon prénom et qu'il était désolé."
Je sèche mes larmes d'un geste mais elles sont rapidement remplacées par d'autres. Le lit grince violemment, je sens la main de Lili se poser doucement dans mon dos, elle me demande d'une petite voix :
"Gabriel... J'ai besoin que tu m'explique, s'il te plaît. Je ne veux pas avoir à lui demander si c'est un sujet tabou..."
Comment suis-je sensé lui dire ? Comment dire à une mère que son fils s'est..ôté lui même la vie ? Est-il possible de mettre ne serait-ce qu'une once de douceur dans de telles paroles ? Je ne suis pas sûr, rien que d'y penser, j'ai l'impression qu'on me piétine le coeur.
"Lili... Je ne suis pas sûr que Gabriel parvienne à te le dire. Ecoutes, Tyler s'est ôté la vie... Je suis désolé, il est arrivé il n'y a pas longtemps, il doit être à l'entrée si tu le souhaites."
Elle se lève d'un coup provocant un nouveau grincement inquiétant avant de sortir en courant presque après avoir lancer un :
"Je suis désolé Gabriel, je dois..."
Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu'un homme en costume toque à la porte laissée entrouverte après le départ précipité de Lili. Ses yeux sont dénué de toute émotion comme s'il s'ennuyait. Il annonce d'une voix lasse :
"L'assemblée à été convoquée, vous êtes prié de me suivre."

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