Chapitre 11
Now I can't say "Goodbye" if you stay here the whole night - Conan Gray
Nous souhaitons une bonne nuit à Harcogne et à Victoria puis la porte se referme derrière elles. Il ne reste plus que nous pour cette nuit. Nous partons demain, aux alentours de quatorze heures avec la passeuse et Vickie qui a insisté pour nous accompagner. En me retournant, je fais face à Tyler, il me sourit et baisse la tête lorsque son estomac émet un son de mécontentement me rappelant que à côté de ça, j'ai une sacré dalle moi aussi, je n'ai rien mangé de la journée. Je n'aurais peut-être pas dû rejeter le petit déjeuner que m'avait préparé Jack mais je ne pouvais pas prévoir la tournée de cette journée. Il me propose :
"Tu as faim ? Parce que comme tu l'as entendu, moi oui."
Je rigole mais acquiesce quand même. Je le suis jusqu'à ce qu'il trouve la cuisine, une petite pièce avec une grande baie vitrée. Il ouvre des placards aux hasard et finit par sortir deux paquets de nouilles instantanées avec l'air d'avoir trouvé un trésor. Je me hisse sur le plan de travail et l'observe s'afférer et fouiller partout. Je souris comme un imbécile lorsque mon regard s'attarde sur les poches arrière de son jean, bon sang, si on m'avait dit que je serais là, dans ces circonstances, en train de mater mon copain, je me serais frappé. Il dépose un bol fumant sur mes genoux et un baiser sur mes lèvres. Je souris un peu plus alors qu'il s'assoit à côté de moi. C'est comme si rien ne s'était passé, comme si il n'était pas mort, comme si je n'étais pas quelque part, là où je ne devrais pas être. Je balance mes jambes dans le vide en mangeant en silence. Pourtant, ce n'est pas un silence pesant, non il est léger comme à chaque fois. Je me souviens de ces jours où nous avons passé des heures dans le silence, simplement à observer le paysage, ensemble, dans les bras l'un de l'autre.
Aussitôt nos bols terminés, il saute sur ses pieds et récupère le mien avant de les déposer dans l'évier, j'attrape un torchon pendu là pensant l'aider avec la vaisselle mais il me le retire avec un sourire :
"Ils attendront demain. Viens."
Ses mains entourent ma taille, à travers mon T-shirt je sens leur fraîcheur pourtant, ses lèvres, qui se faufilent dans mon cou, sont chaudes. Je m'écarte pour me plonger dans ses yeux. Il a un petit sourire alors qu'il me soulève sans peine pour m'entraîner dans les escaliers. Je ne dis rien, profitant de son odeur et de sa présence. Il chuchote :
"Merde... Je fais comment pour trouver ma chambre ?" Je rigole dans son cou et descend :
"Bonne question."
Finalement, je pointe une porte blanche avec un petit panneau orné d'un "Tyler" écrit à la main. Trouvé. Il ouvre la porte avec un sourire et nous découvrons ce qui sera sa chambre pour le restant de... l'éternité. A dire vrai, la pièce a exactement le même aspect que lors de son vivant. Pendant un instant, l'image de son corps sans vie s'imprime sur ma rétine mais je la chasse. Il est là. Peut-être pas pour toujours, mais pour l'instant, c'est le cas. J'observe les photos accrochées sur ses murs. Je les connais toutes. Il y a sa grand-mère, son père et lui à l'occasion de ses seize ans de ses seize ans, lui et moi au cinéma, sa mère enceinte, le visage rayonnant, nous deux encore une fois et de nouveau Lili et lui petit, je sais qu'il y a aussi un cliché de Tyler et Morgane quelque part et des centaines d'autres avec des dizaines d'autres personnes.
Je me retourne pour l'observer lui, une main sur l'interrupteur qu'il actionne quand il croise mon regard. La lumière s'éteint, il ne me reste alors que l'éclat de la lune par la fenêtre pour apercevoir ses beaux yeux s'assombrir et ses pupilles se dilater. Je le regarde me rejoindre en deux pas, glisser ses mains sur mes hanches, m'attirer à lui. Je souris, je sais ce qu'il veut, ce regard je le connais et je suis bien trop amoureux pour ne pas ressentir cette envie mordante de lui arracher ses vêtements. Sa bouche se pose sur la mienne en douceur et je lui rends son baiser qui dérape rapidement, nos souffles se font hachés, je mordille sa lèvre inférieur et il grogne. Je n'ai pas le temps de recommencer qu'il me pousse en arrière, je me retrouve sur le dos, sur le lit encore fait. Je l'observe retirer son T-shirt et le jeter plus loin avant de se dresser au dessus de moi, en appui sur ses bras. Je l'attire un peu plus contre moi, son torse est froid pourtant chaque centimètre de sa peau en contact avec la mienne m'électrisent. C'est à mon tour de me débarrasser de mon haut. Son bras au dessus de ma tête, sa main qui glisse jusqu'à la lisière de mon pantalon, je soupire déjà alors qu'il parsème mon cou de baisers humides. D'elle même, mes jambes entourent son bassin et je rattrape ses lèvres entre les miennes, alors que sa langue caresse la mienne je sens son poul s'accélérer sous mes doigts, en écho avec le mien. Je n'imaginais pas que ce serait possible. Mias je passe outre, bordel, ce garçon finira par avoir ma peau...
*****
A travers mes paupières closes, je perçois la lumière du soleil, sa chaleur caresse mon visage et un instant, je crains d'être de retour chez moi et que tout ça n'ait été qu'un rêve. Pourtant, je sens son souffle frais sur ma joue, nos corps sont encore enlacés sous les draps. J'ouvre doucement les yeux, découvrant son visage endormi tout près du mien. Je laisse mon regard parcourir la pièce avant de se poser sur l'horloge digitale, sur le mur juste en face : treize heure quarante -cinq. Merde ! Harcogne nous attend pour quatorze heure et on est encore au lit ! En tenue d'Adam qui plus est... J'embrasse Tyler sur le front et le secoue par l'épaule. Il grogne et tourne la tête dans la direction opposé.
"Tyler... Tyler il est moins le quart !"
Je me lève et je l'entends laisser échapper quelque chose qui ressemble fortement à un juron. Pour autant, il ne bouge pas tout de suite, alors je tire la couette pour l'embêter. Il râle, se retourne sur le dos et je me fige. Je ne les avez jamais vues, ses cicatrices, sur ses bras, ses cuisses puis il y a celle là aussi. La dernière. Elle s'étire sous son aine, au niveau de la saphène, les médecins n'ont pas pris la peine de la suturer proprement alors ses contours sont flous et désordonnés. Je lui demande d'une petite voix sans pouvoir détacher mon regard de ses marques :
"Je peux t'emprunter des fringues ?"
Il acquiesce avant de suivre mon regard empli de larmes et retire la couette sur lui.
"Gabi... Je-Désolé..."
Je ne veux pas de ses excuses. Ce n'est pas à lui de demander pardon, ce n'est pas au suicidé de demander grâce. Mes questions me brûlent la langue mais je les garde pour moi, s'il veut m'en parler, il le fera de lui même, je ne peux rien lui imposer.
"Ce n'est pas à toi de t'excuser. Je suis désolé de ne pas avoir vu que tu allais mal."
Je me détourne et pioche au hasard dans son armoire avant de m'habiller en lui tournant le dos. Mon esprit cherche malgré moi tous les signes que j'aurais pu détecter mais il chuchote derrière moi :
"Si j'avais voulu que tu le vois, tu l'aurais vu."
Je profite de l'étreinte qu'il m'offre, ses paroles ne font pas taire la petite voix qui me dit que c'est en partie de ma faute.
Nous nous activons sans bruit, chaque fois qu'il le peut sa main rencontre mon corps le temps d'une douce caresse innocente. En bas, nous saluons rapidement Lili qui nous prend longuement dans ses bras avant de nous donner de quoi petit-déjeuner en chemin jusqu'à notre lieu de rendez vous et des collations pour la route.
Je ne dis rien de plus par rapport aux cicatrices de Tyler, me contentant de ses mots et de sa main dans la mienne.

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