Chapitre 14
Où vais-je ? Je ne sais. Mais je me sens poussé D'un souffle impétueux, d'un destin insensé. -Victor Hugo
876,877,878,879,880... Je compte les secondes depuis je ne sais plus combien de temps, enfin si je sais : 890 secondes mais je ne prends pas le temps de trouver l'équivalent en minutes. J'ai l'impression de descendre au ralenti et depuis de nombreuses heures. J'ai le bout de doigts douloureux et gelé à force de glisser sur la pierre, je les retire un instant afin de les mettre dans les poches de mon pull pour les réchauffer. C'est ce moment que choisit mon pied pour glisser sur un petit caillou me faisant perdre l'équilibre et je dévale deux ou trois marches avant de percuter le dos de mon petit ami. Je l'entraîne dans ma chute avec un petit cri et nous finissons sur les fesses quelques marches plus bas, sur le sol humide, le dos et les pieds endoloris.
"Tout va bien ?!" s'inquiète Victoria un peu plus haut.
Je mets quelques secondes à comprendre ce qu'elle demande, sonné. Tyler lui répond et je l'imite avant de m'excuser piteusement envers mon copain.
"T'inquiètes pas, tu t'es pas fait mal ?
- Non non ça va."
Je me redresse comme je peux, m'aidant des marches et des murs. Un éclair de surprise me traverse l'esprit :
"Harcogne ?! Elle était devant toi, non ?
- Oui, je vais bien, je me suis simplement décalée." me répond la principale intéressée.
Je soupire de soulagement, elle avait reprit sa forme de petit "chat" à cause de l'étroitesse des lieux, on aurait pu lui faire sacrément mal.
"Je ne suis pas si petite jeune homme !
- Je- Oh, c'est vrai désolé..."
Je ne me ferai jamais à cette idée qu'elle peut lire dans nos pensées...
Nous reprenons notre descente en silence, la main de Tyler tâtonne dans le noir jusqu'à trouver le mienne et me rapprocher de lui. Je reprends mon décompte.
*****
11 145 ; 11 146 ; 11 147... Je frissonne malgré mes couches de vêtements, plus de trois heures que nous descendons si j'en crois mes comptes. J'ai l'impression que jamais je ne reverrai le soleil ou que je deviens aveugle. 11 200 secondes et certainement à peu près le même nombre de marches.
Je trébuche, sans raison apparente d'abord, avant de comprendre qu'il n'y a plus rien à descendre. Enfin, le sol est plat, enfin, l'escalier à pris fin. Pourtant nous sommes toujours dans le noir complet et sûrement à des centaines de mètres sous la surface de la terre. Il n'y a pas le moindre bruit, seulement le son de nos respirations et de l'eau qui clapote sous nos pas. J'ai froid, depuis que je suis dans le monde des morts c'est le cas, comme si à mon arrivée parmi eux, ma température corporelle était brusquement descendu sans vouloir remonter. Est-ce la faute de mon coeur gelé, incapable de battre normalement depuis quelques temps ? Ou est-ce la faute de mes questions ? Ou de cet illusion merveilleuse, celle d'avoir l'amour de ma vie juste devant moi même après tout ça ? Il est mort de ses souffrances pourtant il est encore là, avec ces cicatrices et son sourire éclatant. Je chasse mes interrogations et les images qui vont avec.
"Harcogne ? On est sensé faire quoi maintenant ?"
La passeuse n'a pas le temps de répondre à Victoria qu'une vive lumière blanche éclate autour de nous, nous brûlant la rétine. Elle m'éblouis même à travers mes paupières fermées. Je sens que la luminosité baisse doucement, je me risque alors à ouvre doucement les yeux. Je papillonne un instant en essayant de chasser les petits point verts, bleus, jaunes et orange qui dansent devant mon regard. Je frotte mes yeux douloureux avant d'étudier la pièce dans laquelle nous avons atterrit.
Etrangement, le sol et les murs ne sont plus fait de pierre brute et froide, l'humidité des lieux à disparue. Tout est blanc, des murs au plafond, le sol est en bois clair, il n'y a ni fenêtre ni porte et pas le moindre trace de l'escalier glissant. Où est-ce qu'on est ? Et surtout comment est-ce qu'on est arrivé ici ? Je veux dire, il y a une dizaine de seconde nous descendions des marches raides et irrégulière dans le noir le plus complet et maintenant, nous voilà dans une trop éclairées sans aucun moyen apparent d'y entrer et d'en sortir. Est-ce que ce serez là que vit la magicienne ? Peut-être y a t'il un accès caché afin de débarquer dans son sous sol...
Un ange passe, aucun son extérieur ne me parviens. Personne ne parle, personne ne bouge. Rien ne vient perturber le calme de ces lieux, quelques peu oppressants d'ailleurs. Tout est trop... parfait. Lisse, blanc, sans la moindre imperfection visible.
Un frisson désagréable me parcours l'échine, je grimace. C'est comme s'il y avait quelqu'un d'autre ici, comme une présence que je ne verrai pas, une cinquième personne qui a choisit de ne pas se montrer, un regard posé sur nous sans que nous ne le sachions.
"Ne faites donc pas ces têtes. Elle fait sentir sa présence avant de se montrer, c'est une magicienne particulière. Elle a la réputation de te glacer le sang sans même que tu n'ai croisé son regard. C'est pour ça qu'elle ne reçois très peu de visite. Mais elle n'est pas dangereuse ne vous inquiétez pas. Elle ne devrait pas tarder à apparaître en sentant que Gabriel est vivant."
C'est terrifiant. Tout bonnement terrifiant. Je ne suis pas étonné de savoir que personne ne vient la voir, d'abord parce que le chemin est flippant en plus d'être dangereux et cette réputation à du en décourager plus d'un. Moi le premier, seulement je n'ai plus le choix. J'y pense, et si elle aussi était capable de lire dans nos pensées, Harcogne y parvient bien, elle ? Si elle écoutait tout ce que je me dis à moi même ? Je réprime un second frisson, je déteste cette perspective...
C'est soudain. Une douce chaleur se repend dans mon dos et je me retiens de me retourner de peur de ce que je pourrai trouver. Sa présence se fait de plus en plus ressentir. Elle me pétrifie, serre mon cœur et noue mes intestins. Je retiens mon souffle, l'atmosphère est si pesante que j'ai l'impression de la porter sur mes épaules.
Un cri de femme rugit brusquement à mon oreille, déliant mes sens et me faisant sursauter violemment. Mon premier reflex est de m'accrocher au bras de Tyler alors qu'elle me surprend :
"VIVANT !"

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