Chapitre 17
Les hommes ont peur de la mort, comme les enfants ont peur du noir ; chez les enfants cette peur est due aux histoires qu'on leur raconte, chez les hommes aussi. -Maya Angelou
Petit à petit, la douleur s'amenuise, jusqu'à disparaître complètement, remplacée par une douce chaleur qui se diffuse doucement de mon bas ventre, jusqu'au bout de mes doigt, passant par tout le reste de mon corps engourdi. Je n'ai plus froid et depuis la première nuit que j'ai passée dans le monde des morts, je crois bien que c'est la première fois.
Devant mes yeux, les petits filaments violets ont quitté ma peau et ondulent maintenant tout autour de moi, comme de petites algues bioluminescentes dans l'eau. Étrangement, je ne me pose pas de questions, je ne me demande pas ce qu'il se passe, bien trop absorbé par le spectacle qui s'offre à moi. C'est donc ça la magie ? Lentement, les filaments retournent au bout des doigts de Leyenda et s'effacent ne laissant aucune trace de leur passage. La chaleur est toujours présente, la lumière se rallume doucement, éclairant la pièce juste comme il faut. Victoria est debout à ma droite, je ne l'ai pas vue s'avancer, quant à Tyler, il est toujours dans mon dos. Je me tourne un peu pour le voir, en vain. Mon corps est endolori, chacun de mes muscles m'élance douloureusement, j'étouffe un grognement alors qu'elle nous demande :
"Vous allez bien ?"
Je hoche la tête et du coin de l'œil, j'aperçois un mouvement de Tyler qui doit être le même que le mien. Je n'ai qu'une seule chose en tête pour l'instant : prendre mon petit ami dans mes bras et ne plus le lâcher. C'est comme si c'était la chose la plus importante, là tout de suite, comme s'il risquait de partir en fumée d'ici quelques secondes. Je me lève alors, vacillant un instant, et, ignorant la vive douleur qui vrille mes côtes, fais le tour du fauteuil avant de me jeter dans ses bras sans aucune retenue.Je le sens se crisper sous mon étreinte mais je suis incapable de le libérer. Il attrape mes hanches et me dépose sur ses genoux sans forcer, je devais surement lui faire mal. Je ne sais pas ce qui me passe par la tête, je ne sais pas à quoi penser, encore moins quoi faire. Mon coeur est comme incapable de battre, mon estomac est noué et j'ai une furieuse envie de pleurer.
"Gabi...?"
A ce moment, je ne retiens plus rien, je ne controle plus, j'éclate en sanglots, sans prévenir, les larmes dévalent mes joues et lorsque j'enfouis mon visage contre son épaule, c'est son pull qui vient les absorber. Ai-je eu si peur que cela ? Est-ce ce surnom qui me fait mal et me rappelle...cela ? Ou est-ce que je viens de prendre conscience qu'une fois que tout sera fini, je vais devoir rentrer sans lui ? Qu'à un moment, je ne le verrai plus ? Je l'entends chuchoter à mon oreille, essayant de me rassurer :
"Hey... Ça va aller, je suis là..."
Oui. Oui il est là, c'est vrai, mais pour combien de temps encore ? L'éternité certainement. Mais moi ? Moi, je vais devoir m'en aller, je n'ai pas le droit de rester avec lui. Je vais devoir le quitter et je ne le reverrai pas avant de nombreuses années. Et si, il s'en allait ? S'il partait loin, si loin que je ne pourrais jamais le rejoindre ? Est-ce que ça va vraiment aller ? Je n'en sais rien mais pour l'instant, je laisse ma naïveté me guider, j'oublie un peu tout ce qui me fait mal et peur à la fois. Je le crois, je le crois de tout mon être. Je ne sais pas si j'en serais capable, mais je décide de ne plus écouter cette petite voix qui me dit que tout ça finira un jour...
*****
En me réveillant, mes paupières s'ouvrent doucement sur le profil d'un Tyler endormi. Je ne veux pas regarder autour de moi, j'ose espérer que nous sommes chez lui ou chez moi, que tout cela n'était qu'un étrange rêve. Pourtant, lorsqu'une porte s'ouvre à quelques mètres de nous, laissant apparaître un trait de lumière, ce n'est aucun de nos parents, ni Jack, ni même madame Bells qui se tient dans l'embrasure. C'est Harcogne qui chuchote à mon attention :
"Si tu es réveillé, rejoins nous, il faut que l'on commence."
Commencer quoi ? Je n'ai aucune envie de faire quoi que ce soit et encore moins de revivre quelque chose de semblable à hier. Je n'ai pas envie de me lever, pourtant, je le fais quand même en essayant de ne pas réveiller Tyler. J'ai une migraine énorme et tous les muscles de mon corps m'élancent. J'ai l'impression d'être passé sous un camion mais je ne laisse rien paraître lorsque je sors de la pièce. Je suis obligé de me mouvoir lentement pour éviter de trop gros pics de douleur. Je traverse un long couloir avant d'arriver dans un tout petit jardin où m'attendent Victoria, Leyenda et Harcogne. Les deux premières rigolent ensemble tandis que la troisième me fixe. J'ignore volontairement son regard et plonge mes yeux dans le ciel bleu, où est donc passé le froid intense des montagnes hurlantes ?
"C'est une illusion de la fabrication de Leyenda. Je sais que tu aurais besoin d'un peu plus de repos mais il faut que nous commencions tu comprends.
-Que nous commencions quoi ?
-Nous n'avons pas fait ressortir les capacités que cachait ton âme pour rien."
A peine ces mots prononcés, Leyenda tend sa main vers moi pour que j'y dépose la mienne, c'est ce moment que choisit Tyler pour émerger derrière moi et enserrer ma taille de ses bras. J'hésite d'abord, puis finalement, laisse la magicienne prendre ma main entre ses doigts et effleurer mes phalanges de ses ongles longs. J'observe son visage en silence, seul le bruit des oiseaux artificiels rompt le calme des lieux. Est-ce qu'elle lit en moi là ? Qu'est-ce qu'elle peut voir ? J'aperçois son sourire se crisper et ses sourcils se froncer. Quelque chose ne va pas ? Généralement, quand un médecin fait cette tête, il ne s'apprête pas à découvrir une bonne nouvelle...
"Tyler, je ne sais pas... peux-tu te décaler, je ne sais pas si tu brouilles mes recherches ou non..."
Il se détache de moi à contre cœur et même si j'aimerais qu'il reste, je ne dis rien, me contentant de le regarder. Il m'offre un petit sourire que je lui rends. Je reporte mon attention sur Leyenda lorsqu'elle lâche ma main, son visage porte une expression d'incompréhension mêlée d'une surprise contenue. Pourquoi faut-il que ce soit moi qui écope du problème ?
"Tes capacités sont différentes de celles que j'ai déjà pu rencontrer... En fait, tu n'en a qu'une seule, peut-être parce que tu es vivant ? A vrai dire, je n'en sais rien, mais il me semble qu'elle pourrait vraiment vous être très utile. C'est un point positif. Malheureusement, le point négatif, c'est que la capacité que tu possèdes m'est inconnue mais je sais une chose, elle peut être dangereuse."
Je savais bien que ce n'était pas une bonne chose et elle confirme, c'est dangereux et inconnu. Mais elle ne compte pas me dire de quoi il s'agit ?
"De ce que j'ai vu et compris, tu aurais la capacité de pouvoir communiquer avec certaines personnes à distance, c'est à dire leur parler, et même leur montrer ce que tu vois. Mais comme je te l'ai dit, je n'ai jamais vu ce genre de capacité, il est possible que tu puisses faire plus, voir moins, je ne suis sûre de rien. Je ne sais donc pas ce que tu es sensé faire ou à quoi tu dois penser pour t'en servir."
Communiquer avec les gens ? A distance ? Comme une sortes de télépathie ? Mais discuter avec qui ? Comment ? Mes questions s'enchaînent si vite dans ma tête que je n'entends pas ce qu'elle dit à Tyler, je n'écoute que la réponse qu'elle lui adresse :
"Vous êtes aussi exceptionnels l'un que l'autre. C'est dingue. Tu possèdes la capacité de soin, cela faisait des milliers d'années que je ne l'avais pas vu ! Malheureusement, cette capacité aussi est dangereuse, tu peux soigner les gens comme tu te doutes, seulement cela nécessite une grande partie de ton énergie tu dois être très minutieux et ne t'en servir que si tu ne peux pas faire autrement."
Exceptionnel ou en danger ? Apparemment il faut être le second pour être le premier. Finalement, je crois que je me plaisais à être simple.

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