Chapitre 24

6 minutes de lecture

Songez qu'il y a des choses vraisemblables sans être vraies, comme il y en a de vraies qui ne sont pas vraisemblables. - La marquise de Lambert

Je m'attendais à tout, sauf à cela. Il n'y a rien. Du moins, rien de visible, autre que les deux ou trois premiers mètres d'un étroit couloir. Le reste est englouti par l'obscurité, cela n'a pas l'air d'être le bureau, la chambre ou une quelconque pièce où nous pourrions nous retrouver nez à nez avec Tyr.

"Vous pensez qu'on devrait aller voir ce qui se trouve au bout ?" chuchote Victoria.

Je hausse les épaules, personnellement, je n'en ai pas la moindre idée. Dans un sens, je me demande bien ce qui pourrait nous arriver de grave et dans un autre...je sais. Nous pourrions tomber sur un monstre, une chimère, un dragon ou une licorne, cela ne m'étonnerait pas. Qu'est-ce qui ne pourrait pas arriver dans ce monde ? Tyler m'offre un regard sceptique et sans me lâcher pour autant, il avance d'un pas, m'entraînant avec lui. Je ne vois rien de plus, rien de moins. Je soupire, nous n'avons pas grand chose à perdre non ? J'échange une œillade avec Harcogne et d'un signe de tête, elle m'autorise à avancer. Si Harcogne accepte, c'est que cela doit être sans danger. J'espère. Tyler passe devant moi et je le suis de près, agrippé au bas de son pull. Nous avançons, courbés, la tête rentrée dans les épaules en raison de la hauteur sous plafond qui est bien plus petite ici. En quelques pas, nous quittons la lumière, ma seconde main adopte la même technique que lors de la descente des escaliers et glisse sur le mur. Ici aussi, les parois sont faites d'une pierre irrégulière et fraîche à cause de l'humidité qui s'infiltre partout. Nous marchons rapidement mais le plus silencieusement possible, bientôt, la clarté de la bibliothèque ne nous parvient plus du tout.

Je commence à compter les secondes pour moi même et nous marchons, marchons encore, alors je continues...

*****

2 039 ; 2 040 ; 2041 ; 2042...

"Il y a de la lumière..."

Le chuchotement de Tyler me tire de mes nombres et je relève la tête, heurtant la pierre au dessus de moi. Sans y faire attention, je tente d'observer par dessus l'épaule de mon petit ami. C'est vrai, je crois même que c'est de la lumière naturelle... Il y aurait une fenêtre plus loin ? Ou alors un accès vers l'extérieur ? Peut-être même est-il assez grand pour nous permettre de sortir ? Je ne m'emballe pas trop quand même, il pourrait tout aussi bien s'agir d'un puit de lumière au plafond bien trop haut ou alors d'une simple fissure dans la pierre.

Nous avançons. 2 054 ; 2 055 ; 2 056... Le couloir prend finalement fin, il s'ouvre sur une pièce assez sombre. L'unique forme de clarté provient de petites ouvertures dans la roche, à peine plus grandes qu'un œil. Nous entrons, tour à tour. C'est une salle immense, ronde, à notre droite, se trouve la paroie percée, laissant passer la clarté du jour, de l'autre, ce sont des grilles délimitant de petites cellules.

"La nymphe nous a peut-être réellement aidés... Vous pensez qu'Aljann est enfermé ici ?" chuchote Victoria.

C'est fort probable, seulement de là où nous sommes nous ne voyons que l'intérieur du premier cachot et il est vide.

"Nous n'avons qu'à vérifier."

Nous observons la passeuse s'avancer vers les autres et hausser la voix tout en examinant les divers cavités :

"Y a t-il quelqu'un ?"

Seul le silence lui répond. Nous la rejoignons d'un pas rapide alors qu'elle continue :

"Eh oh ! Il y a quelqu'un ?"

Silence. Encore. Puis un bruissement de tissus nous parvient d'un peu plus loin, le cliquetis d'une chaine résonne et plus rien. Harcogne tente :

"Aljann, notre Dieu, est-ce vous ?"

Nouveaux petits bruits aigus du fer contre la pierre, le frottement des vêtements sur le sol mais rien, aucune réponse. Qui est-ce ? Qu'est-ce ? Je me rapproche de Tyler qui s'avance encore d'un pas, suivant la passeuse, j'attrape sa main et la serre dans la mienne.

"Nous sommes ici pour vous. Où êtes-vous ?"

Harcogne semble certaine d'avoir affaire avec Aljann, moi, je suis sûr que ce n'est pas le cas.

"FUYEZ !"

Cette voix là, ne résonne pas autour de nous, elle ne vibre que dans ma tête, je suis le seul à l'entendre. Je vacille sous la violence et le volume de ce simple mot. Ce n'est pas une bonne idée, nous n'aurions jamais dû passer cette petite porte, nous sommes en danger, Në Dashuri me l'a annoncé suffisamment fort pour que j'en sois sûr. Elle paraissait effrayée, ou alors en colère, furieuse, je ne saurais dire...

"Gabi ? Tout va bien ?"

Tyler tourne son regard inquiet vers moi et je secoue la tête. Non, non rien ne va. Nous ne devrions pas être là, pourtant la passeuse continue d'avancer en direction des sons. Il est certainement trop tard pour s'en sortir sans égratignure mais peut-être pas pour en sortir en un seul morceau.

"Il faut faire demi-tour. Il faut fuir. Në Dashuri... elle l'a hurlé, on aurait dit qu'elle était en colère ou effrayé je ne sais pas...

- Në Dashuri est une traîtresse."

Devant moi, Tyl à ouvert la bouche pour me répondre mais ce n'est pas lui qui a parlé. Ce n'est pas non plus Harcogne ni Victoria, c'est une voix d'homme, rauque et cassée, comme abimée par le temps. La passeuse demande :

"Aljann ?"

Mais je ne me demande pas s'il s'agit de lui, je retourne ses paroles dans mon esprit : "Në Dashuri est un traîtresse." Une traîtresse ? Elle nous aide, elle n'a rien fait qui ressemble de près ou de loin à une tromperie. Cet homme n'est clairement pas dans le même camp que nous.

"Il n'est pas ici, Aljann n'a pas pu mettre les pieds dans ce palais depuis des années, peut-être même des siècles, pardonnez mon inexactitude, je ne parviens plus à me repérer dans le temps."

Aljann n'est pas ici ? Pas dans ce palais ? Est-ce que cet homme nous ment ? Ou est-ce la déesse aux fleurs bleues qui nous mène par le bout du nez ?

"Il ment"

Sa voix éclate une nouvelle fois dans mon esprit, mais je l'ignore, je ne sais pas qui croire.

"Qui êtes-vous ?

-Je pourrais vous poser la même question..."

Sa voix est rauque comme si il n'avait pas parlé depuis un moment, pourtant, elle ne m'inquiète pas comme celle du vanvitrus. Il s'exprime lentement, sans émotions particulières. Je n'ai pas la moindre idée de qui il s'agit mais il n'a pas l'air d'être un monstre ou quelqu'un prêt à nous attaquer.

"Je suis la passeuse de la forêt, j'ai avec moi deux nouvelles âmes et un vivant. Nous sommes là pour l'un de nos dieux inférieurs. Maintenant, montrez vous.

- Me montrez, je ne le peux pas seul, pensez bien que je ne serais certainement pas ici, si je le pouvais. Mais je peux vous dire qui je suis ou du moins, qui j'étais, je crois encore m'en rappeler."

Une main blanchâtre glisse entre les barreaux, au niveau du sol, nous signalant la présence de l'homme. Nous avançons tous vers la cellule et la main. C'est un vieil homme que nous découvrons assis à terre, habillé de haillons, ses cheveux sont longs, sales et emmêlés. Ses yeux sont d'un bleu pâle presque translucide, ils passent sur chacun d'entre nous. Je l'observe, à moitié caché derrière Tyler, difficilement, le vieil homme de relève, s'appuyant sur ses bras, ses jambes vacillent un instant avant qu'il ne déplie son grand corps. Je suis forcé de lever la tête pour le regarder dans les yeux, il est immense...

"Autrefois, je fus le Dieu Suprême, aujourd'hui, je ne sais pas si ce titre existe encore pour me désigner, je ne suis plus que Tyr et encore."

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Alexlecornflakes ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0