Chapitre 31

5 minutes de lecture

Laying in the silence / Waiting for the sirens / Signs, any signs I'm alive still -James Athur

 Un mois que la voix de mon frère m'a tiré de cette rêverie. Puisque s'en était une, n'est-ce pas ? Un mois donc que je ne vis plus. Je survis. Je survis comme quelqu'un à qui l'on a retiré l'espoir, l'amour et tout ce qui le maintenait debout. J'ai mal. Il y a quelque chose tout au fond de moi, par derrière mon esprit, par derrière mon cœur et mon âme entière, une petite voix qui me dit "cela n'avait rien d'un rêve...". Seulement, je ne peux la croire, je ne peux que l'enfouir encore un peu plus pour tenter de l'oublier. Qui aurait dit qu'un simple rêve pourrait avoir autant d'impact. Je ne m'aurais jamais cru capable d'inventer de tels personnages et d'imaginer en revoir d'autres. Je n'avais jamais repensé à Victoria par exemple et voilà qu'elle refait surface dans mon esprit, avec une place importante qui plus est.

 J'ai l'impression d'être revenu en arrière, que ce temps passé dans ma tête n'était rien. Me voilà de retour au point de départ. Tyler n'est plus là. Moi, si. Jack est là, lui aussi, il est l'unique raison pour laquelle je ne me suis pas couché pour l'éternité. J'ai repris le lycée, oui c'est une avancée, c'est encourageant dit-on. Non. Cela ne l'est en aucun cas, je croise son regard partout, j'ai l'impression de le voir à chaque coin de couloir avec son sourire radieux. Sourire qui n'avait rien de vrai d'ailleurs, mais j'ai été bien trop aveugle pour le voir. J'aimerais croire qu'il est quelque part là-bas, un peu plus loin, après la forêt, que Leyenda ne l'a fait disparaître que pour qu'il rentre chez lui. J'aimerais penser qu'il est là-bas, dans sa maisonnette, à discuter avec sa mère et son grand-père, sans se douter de ma douleur. Mais je n'en sais rien. Mon père m'a envoyé voir un tas de médecin lorsqu'il m'ont retrouvé, j'aurais passé presque deux jours allongé dans l'herbe, assommé par un arbre lors d'une chute un peu violente. moins de quarante-huit heures dans la mousse, deux semaines dans ma tête. Les spécialistes parlent d'un traumatisme lié à la perte d'un être cher et au coup sur le crâne. ils ont sûrement raison. De toute façon, j'ai abandonné, je n'y crois plus. Traumatisme et puis c'est tout, une aventure inventée de toutes pièces par mon imaginaire, dans tous les cas, cela ne pouvait être réel. Un chat capable de se transformer en panthère qui parle et lit dans les pensées ? Une légende ? Trois dieux en conflits avec une déesse ? Je me demande si le sol ne la forêt de contient pas des champignons hallucinogènes... J'ai clairement déliré.

 Les journées sont longues sans lui, jamais je n'aurais pensé qu'il serait si dur de reprendre une vie normale. Moi qui ai toujours été bon élève, je n'arrive plus à suivre, je ne rends aucun devoir, sèche des journées entières, répond aux professeurs. Je ne contrôle pas mes paroles, je suis parfois forcé de sortir de cours lorsque mon trop plein explose. Je ne parle plus à personne, à part pour les rembarrer lorsque c'est eux qui s'approche. Mes pensées sont toutes tournées vers lui, vers Tyler. Souvent, je me rends sur sa tombe, j'observe son beau visage figé sur la photo qui orne sa pierre et je lui parle. A lui. Même s'il ne m'entend certainement pas, même s'il en me répond pas. Ce serait un euphémisme de dire qu'il me manque. Je n'arrive plus à rien sans lui. Parfois, je déconnecte de la réalité, je n'entends plus rien d'autre que le brouhaha dans mon esprit trop bruyant. Une migraine insupportable me poursuit depuis que je me suis réveillé, mon médecin dit que c'est normal, qu'il s'agit d'un contre-coup du traumatisme.

*****

 Vendredi matin, en voilà une journée tant attendue. L e retour de Parker. Je le déteste encore plus qu'avant, je sais que c'est certainement mon esprit qui a inventé cette histoire mais...je ne sais pas, cette partie là me paraît bien trop réelle. Seulement, je ne peux rien assurer, je n'ai pas de preuves concrètes. Je ne pourrais qu'observer, tenter de trouver une faiblesse, quelque chose qui le trahirait...

 Pourtant, il est huit heures vingt, j'ai français dans dix minutes mais je suis toujours sous mes draps. Hier soir, je me suis enroulé dans un des pulls de Tyler. Grossière erreur si j'avais envie d'aller mieux, heureusement, ou malheureusement je ne sais pas trop, que ce n'est pas le cas alors. Je suis bien avec ma douleur, j'accepte de sentir mon cœur saigner tout le reste de ma vie, parce que cela me rappelle qu'il n'est plus là. Je ne sais pas, j'ai peur de l'oublier en allant mieux. Je n'ai pas envie de le mettre de côté, je ne veux pas l'enfermer dans un coin de ma tête, je ne veux pas passer à autre chose. J'ai mal parce que je l'aime plus fort que n'importe qui et jamais, au grand jamais, je cesserai de l'aimer.

 La porte de ma chambre s'ouvre dans un léger grincement, la lumière rampe doucement jusqu'à moi, en même temps que l'ombre de mon frère :

"Gabriel ?"

 Je me retourne sur le dos sans lui répondre, sans le regarder. Oui, je suis là mais je n'ai pas envie de m'en aller comme je n'ai pas envie de rester. Je n'aime pas cette sensation, celle qui me dit que dehors n'est pas l'endroit où j'ai besoin d'être mais que dedans non plus, que mon matelas n'est pas le refuge que je cherche mais qu'en même temps, si. C'est flou. Partout, c'est flou. Ma vision, floue, à cause des larmes, de la fatigue et de la colère. Mes pensées, floues, trop nombreuses, trop bruyantes. Trop de questions me traverse, pas assez de réponses...

 La porte se referme, la lumière s'enfuit, le parquet grince, le matelas s'affaisse sous son corps. Je sens son odeur mentholée sans émotion particulière. Les voilà de retours, ces gouttes d'eau salées, signe de chagrin, qui dévalent mes joues sans que je ne le veuille. Ses bras entourent ma taille et m'attirent à lui sans forcer, je me laisse faire et me retourne même pour me caler complètement contre son torse. Ses grandes mains tracent doucement des cercles dans mon dos et je pleure, pleure et pleure encore. nous y revoilà. Retour au point de départ. Comme si rien ne s'était passé parce que c'est ce qui est arrivé. Rien. j'ai rêvé, j'ai imaginé, voilà. Cela fait mal. Maintenant, je n'ai plus qu'à faire le deuil de mon Tyler, mais aussi celui d'Harcogne, Victoria, Tyr, Lili (une deuxième fois)...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Alexlecornflakes ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0