Chapitre 32
We jumped, never asking why / We kissed, I fell under your spell / A love no one could deny - Miley Cyrus
J'ai la nausée. Cette envie de vomir à chaque évocation de nourriture. Je ne peux rien avaler depuis quelques temps. Depuis que je me suis réveillé, assommé dans la mousse, j'ai l'estomac retourné, les intestins noués et la gorge serré. Il y a comme une petite bête enragée dans le creux de mon ventre, un boule avec des griffes qui me lacèrent de l'intérieur, qui me bousille, crache un feu digne des enfers en moi. Il y en a une autre, ailleurs, plus haut, près de mon cœur, celle-ci est plus calme mais sa poigne est puissante et froide, elle enserre mon palpitant, l'empêchant de battre normalement, le faisant chuter plus bas que mes baskets. Dans ces moments là, je sors sans rien dire, je traverse la rue sans regarder, ni à droite, ni à gauche, j'avance presque les yeux fermés. Puis j'ouvre cette grille rouillée qui grince rendant l'endroit encore plus sinistre qu'il ne l'est déjà, ce geste, je l'ai fait des centaines de fois en un mois. Je passe le portail, un pas, rotation en direction de l'allée sept, dix huit pas, deuxième rotation, sept pas jusqu'à la numéro neuf...
Pierre tombale n°9, allée n°7.
C'est ce qui été écrit sur ce petit bout de papier, glissé dans ma veste par Jack. Je l'ai trouvé sur le chemin du lycée il y a 32 jours exactement. Depuis, je crois que je suis plus souvent ici qu'en cours. C'est triste, c'est la vie, enfin la mort, ou peut-être le mélange des deux. Aujourd'hui, rien ne change par rapport aux autres fois, je m'assois sous ce ciel gris perle, laisse mon regard s'égarer sur sa photo et mes doigts glisser sur le marbre clair. Je respire, doucement, je m'attends presque à sentir son odeur boisé et son parfum aux effluves d'orange... L'écriture dorée brille légèrement sous la lumière, me rappelant son nom qui traîne toujours dans un coin de ma tête, son âge, la date de son décès et sa cause...
Tyler Bells,
17 ans,
25 janvier, suicide
Je dépose une rose rouge et blanche au centre de la pierre. Je l'ai trouvé chez un fleuriste du coin, je n'ai pas hésité une seconde. Blanc neige pour rappeler sa personne, rouge sang pour témoigner de mon amour. Mes paupières sont lourdes tout d'un coup. Je suis fatigué. Il y a toujours cette migraine qui m'empêche de dormir. Mes pensées ne se tournent que vers lui. J'ai mal. Je suis en colère. Contre qui ? Je ne sais pas. Contre moi, sûrement.
Assis dans la terre, devant sa photo, je repense à ce rêve. Il avait l'air tellement réelle... Je me laisse tomber sur le dos, peu m'importe que la terre tâche mon T-shirt clair, mes yeux se perdent dans l'immensité du ciel nuageux.
"Salut..."/
Je soupire... J'en suis là. Parler à un mort plutôt qu'à ma famille. Mais cela ne m'empêche pas de continuer et de recommencer comme hier avant hier, comme je le ferais demain et après demain.
"Tu te souviens de ce rêve dont je t'ai parler la dernière fois ?"
Seul le bruissement des feuilles malmenées par le vent me répond. Je ne sais pas ce que j'attends, ce que j'espère, qu'il me réponde peut-être ? Cela n'a pas de sens, il est mort. Il est enterré à quelques centimètres de mon propre corps. Nous sommes dans la même position, seulement moi, je suis à la surface.
"J'aimerais que ce soit vraiment arrivé... J'aimerais pouvoir me dire que oui, c'est bien cette vie là qui nous attend tous après la mort, je veux me dire que tu es bien là où tu es, que oui, tyr t'a renvoyé chez toi, que tu es au côtés de ta mère est de ton grand père. Que quelqu'un à soigner Harcogne, que Victoria est rentrée elle aussi, peut-être même que Në Dashuri n'est plus, que Höle et Alajnn sont libres, qu'ils se sont retrouvé... Mais c'est débile. Ce n'est pas le cas puisque tu es là, sous la terre, je ne sais même pas si tu m'entends. Si tu m'écoutes, j'espère que les journées ne sont pas trop longues... pour moi, elles le sont."
Une larme chaude coule sur ma joue, je n'ai ni la force de l'essuyer et encore moins d'en laisser sortir d'autre.
"Et moi, j'aimerai pouvoir te répondre."
Je me relève brusquement. C'était sa voix, j'en suis sûr...
"Tu m'as entendu ?!"
Je hoche la tête, j'ai beau regardé autour de moi, je ne le vois pas... je l'entends seulement et c'est déjà tant.
"Retourne toi, cela m'étonnerai mais peut-être que..."
Je m'exécute et mes yeux s'écarquille. Il est là. Bel et bien là mais sous une forme...déconcertante. Je reste figé, incapable de bouger, je laisse mon regard détailler sa nouvelle apparence :
"C'est bizarre, pas vrai ? Mais d'après Tyr, ce n'est que temporaire, le temps de trouver un moyen de me ramener dans le monde des morts.
- Je- Mais- Attends- c'est-"
Je bégaie maladroitement, les mots me manquent... N'était ce donc pas un rêve... Pourquoi m'ont ils retrouvé à l'entrée de la forêt alors, exactement là ou je me suis entraver dans la racine ? Ou plutôt... non, je suis tomber avant, à cette endroit, c'est... là où le nichel m'a sauté dessus.
"Ce n'est pas parce que je suis un... un fantôme ? Je sais pas, enfin bref. Je ne suis pas capable de lire dans tes pensées mais ce rêve dont tu parlais : c'est arrivé."
Je deviens fou. La voilà la solution. Je deviens sénile avant l'âge, complètement timbré... La migraine en était le premier signe, j'en suis sûr. Ou alors peut-être est-ce le coup à la tête qui m'a fait disjoncter ? Je n'en sais rien mais il y a quelque chose qui a fait sauter les plombs dans mon cerveau. Je me lève, faisant face à Tyler ou alors à l'illusion produite par mon esprit.
"Je- Tu es réel ou simplement dans ma tête ?
- Oh. Le voilà le problème, tu n'y crois plus... Le problème, c'est que là tout de suite, c'est compliqué à dire. Mais une chose est sûr, tu ne m'imagines pas et tu n'as rien imaginé de ce monde après la forêt, de cette légende, d'Harcogne, de Victoria, de Në Dashuri, de Leyenda, de Tyr, d'Aljann et de Höle. Tous existent, tous sont quelque part là-bas, à faire je ne sais quoi.

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