Chapitre 36
Far away from the memories / Of the people who care if I live or die - Muse
Les branches craquent sous nos pieds alors que les plaines se dessinent à quelques arbres de nous. Tyr ouvre la marche, enroulé dans son capuchon et sa cape sombre, Harcogne le suit de près, sous sa forme de chat, elle est moins visible ainsi. Malgré la nuit et l'obscurité des bois, Tyler et moi sommes également recouvert d'une épaisse étoffe vert foncé, une capuche de la même couleur nous tombe sur les yeux. Je fixe mes pieds, faisant attention aux racines des arbres et aux ronces emmêlées. Une main entre mes omoplates et l'autre empêchant le tissu de lui obstruer la vue, mon copain jette des coups d'oeils régulier tout autour de nous. Il vérifie sûrement qu'il n'y a personne.
"Nous arrivons bientôt dans les plaines, attention à vos yeux."
A quelques pas de nous, le soleil est haut, la lumière est puissante, je ferme les yeux en prévention mais un craquement derrière moi attire mon attention. A ma droite, Tyler se retourne et Harcogne s'approche, s'arrêtant entre nos pieds.
"Qu'étais-ce ?"
Je ne sais pas. Je ne vois personne pourtant, serait-ce Leyenda ? Non, elle n'aurait jamais commis l'erreur de faire du bruit... Soudain, je les vois. Entre les fougères, au pied d'un vieil arbre. Deux grands yeux globuleux nous fixent sans ciller. Je les ai déjà vu... Je chuchote :
"Là, au pieds de cette arbre..."
Tyler plisse les paupières, avant d'écarquiller les yeux si fort que ses sourcils disparaissent presque dans ses cheveux.
"Qu'est-ce que c'est que ça ?"
Le porteurs de ce regard avance une patte d'un bleu roi, puis une seconde, sa truffe apparaît et je le reconnais :
"C'est un nichel... Celui de Victoria je crois."
Comme s'il avait compris que je parlais de lui, le nichel sort complètement et se rapproche en sautillant légèrement. Ses grands ailes blanches, repliées sur ses flans, brillent sous la lune. Tyr emet un petit rire :
"Ca alors, ce petit à l'air de bien t'aimer, Gabriel. Est-il inoffensif ?"
Je hausse les épaules, oui, certainement. Il possède la force d'un petit tigre mais la seule chose dont il a été capable, c'est de me lécher le visage :
"Je suppose..."
Petite chose bleue se frotte maintenant contre mes jambes à la manière d'un chat quémandant des caresses. Je soupire :
"Je crois qu'il est parti pour nous suivre..."
Tyr hausse les épaules, il n'est dangereux, il faut juste espérer qu'il ne nous fasse pas repérer... Je pénètre dans les plaines en même temps que Tyler et le nichel. La lumière soudainement bien plus vive me brûle la rétine et il me faut bien cinq minutes avant de pouvoir regarder devant moi. Le silence est pesant alors que nous foulons le sol des plaines, l'herbe est douce et chaude sous mes doigts. Petite chose bleue fait des aller-retours entre moi et Tyler qui sommes séparé par un mètre à peine. Il ralentie et glisse sa main dans la mienne. L'ambiance, douce et lourde à la fois, des plaines fait se dresser les poils sur mes bras. Je ne suis pas serein comme la dernière fois...
*****
Nous traversons les plaines dans la matinée, aux alentours de quatorze heures, nous nous arrêtons au pied de la montagne, profitant de sa fraîcheur pour nous reposer quelques instants et manger. Je m'assois à même le sol en face de Tyler et petits chose bleue s'approche pour fourrer sa truffe humide contre ma joue. Je lui jette une tranche de jambon trouvé dans mon sac et, en un éclair, la voilà engloutis. Quelle vitesse... J'ignore si cela lui suffit mais elle s'allonge à mes côtés sans demander plus. Nous dégustons nos sandwiches préparé avec soin par Lili et Tyr avant notre départ.
*****
J'ai mal aux pieds, je suis sûr d'avoir au moins une dizaine d'ampoule rien que sur le talon gauche... Il n'est pas loin de dix huit heures trente d'après la passeuse. Nous suivons la pierre du mont depuis trois ou quatre heures et mon corps est courbaturé. Après un mois durant lequel ma seule activité fut de me rendre au cimetière à pied, c'est à dire marché pendant environ dix minutes, mes jambes réclament du repos que je ne peux leur procurer. Le nichel, lui, n'a pas du tout l'air fatigué, il court tant et plus, passant par dessus Harcogne, entre Tyler et moi, puis autour de Tyr. Il me fait rire. Il n'a pas l'air de se soucier de ce qu'il se passe en ce moment dans le monde des morts, il sautille joyeusement, en toute innocente. Son seul intérêt est de trouver le tas d'herbe le plus haut afin de sauter dedans.
"Nous arrivons aux villages, arrêtons nous là, la nuit n'est pas encore tombé."
Nous obéissons sans discuter et je m'allonge dans la végétation après avoir retiré mes chaussures et observé mes talons douloureux. Petite chose bleue décide de sauter sur mon torse pour s'y mettre à son aise, me coupant momentanément la respiration. Alors qu'elle se roule en boule est pose sa tête au niveau de mon épaule, j'entends mon copain rigoler doucement :
"Dis-donc, cette chose t'aime presque autant que moi !"
Je souris. Il faut croire, pourtant je ne lui ai rien dit ou fait de particulier, j'ai même cru qu'elle allait me dévorer tout cru la première fois que je l'ai rencontré. Nous restons ainsi longtemps, le temps que la nuit tombe sans que nous le voyons. De ce côté, le soleil est encore haut, à vrai dire il n'a pas bougé, je me demande combien de temps ces champs resteront figés dans le temps. Le nuage au dessus de ma tête n'a pas bougé d'un iota non plus.
"Relevez-vous donc, je pense que le soleil est couché désormais."
Je roule sur le côté, dégageant le nichel par la même occasion. Il se secoue et le voilà reparti à gambader en un millième de seconde. Je lui intime de ce calmer et de se rapprocher, ce n'est pas le moment, et curieusement, il obéis et se colle contre ma jambe droite. Nous avançons tous en ligne et un pas plus tard, l'obscurité à fait son retour autour de nos corps encapuchonnés de nouveau. Une douce brise nous accueille, à quelques mètres seulement, se tient un petit village, en tout point semblable aux deux autres. De petites maisons entourées d'humbles jardins dans lesquels poussent tout types de plantes. Nous y pénétrons sans bruit, c'est à peine si j'ose respirer. Les rues sont désertes et le silence est seulement perturbé par le hululement des oiseaux de la nuit et le bruissement des feuilles des arbres fruitiers présents dans certaines cours. Petite chose bleue s'arrête brusquement, me forçant à l'imiter. Elle fixe un point sur notre droite. Y a t-il quelque chose ? Une petite angoisse monte doucement en moi, mais elle redescend lorsque l'animal se détourne, continuant sa route. Nous rattrapons les autres et avançons encore.

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