Chapitre 45

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I think I've seen this film before / And I didn't like the ending – Taylor Swift & Bon Iver

PDV Gabriel & Aljann

Mon cœur se déchire et s'effrite encore une fois dans ma poitrine. Sommes-nous maudits, Höle, mon amour ? Je n’ai eu droit qu’à quelques secondes de ta précieuse présence… Que se passe-t-il dans notre monde ? Qui est cette femme à la magie aussi sombre que son âme ? Pourquoi refuse-t-elle de nous voir ensemble ? Et qui étaient ces jeunes gens entourant notre père ? Ainsi que ce petit chat et ce nichel ? Mon instinct me dit que des choses bien obscures se sont passées depuis que nous avons été séparés… Mon esprit est enfermé dans l’ignorance. Je croyais l’amour de ma vie disparu, mais voilà qu’il réapparaît avant de m’être retiré de nouveau… Qui est donc l’âme qui se cache derrière toute notre peine ?

Non. Pas encore. Pas une troisième fois. Qui que vous soyez, ne me retirez pas mon bonheur et mon amour si tôt, pas sans prévenir, pas comme ça… La fraîcheur de la main de Tyler a quitté la mienne. Si vite, si soudainement que je refuse d’y croire. Je ne veux pas le perdre encore une fois. Je n’ai pas pu lui dire au revoir. Je refuse que l’on me l’arrache ainsi encore et encore. Je ne veux pas atterrir dans ce cimetière alors que ma dernière aventure n’est pas finie…

*****

J’atterris au beau milieu d’un grand couloir qui m’est familier. D’une grandeur à couper le souffle, d’une beauté incomparable et d’une blancheur parfaite. De chaque côté du corridor se tiennent une vingtaine de statues de marbre, des femmes aux visages parfaits et quelques hommes noblement habillés. Le palais de Tyr… Un froissement d’étoffe retentit derrière moi ; lorsque je me retourne, je tombe sur les yeux couleur ambre du dieu du « paradis ».

Ses yeux d’un vert rare croisent les miens dans ce palais que je connais si bien. Il faisait partie de cette petite équipe qui attendait Höle sur le sable. Pourquoi suis-je ici ? Pour lui aussi, est-il présent ? Et quelle est la source de cette douce souffrance qui traverse ses iris ? Ce jeune garçon m’est inconnu, seulement ce que je sais, c’est que sa place n’est pas ici. Il n’est pas de ce monde. Que fait ce petit vivant parmi les morts ? Est-il celui de la légende ?

« Quel mal te traverse et par quel procédé es-tu arrivé dans ce monde, humble vivant ? »

Alors que le dieu Aljann m’adresse la parole, je ne sais comment réagir. Je fais donc la première chose à laquelle je pense : je baisse la tête et m’incline rapidement en répondant :

« Je suis ici grâce à la légende, votre altesse. »

Je l’entends rire doucement :

« Voyons, redresse-toi ! Et je t’en prie, appelle-moi Aljann. Je ne suis ni mon père ni Höle ; je ne te laisserai pas me servir du monsieur et encore moins du votre altesse ! »

Je m’exécute et lui souris timidement. Sa présence n’est que puissance ; de lui émane une sorte d’aura à la fois rassurante et imposante. On ne peut que respecter cet homme. Je me crispe lorsqu’une voix résonne autour de nous :

« Mes préférés ! »

Je reconnaîtrais cette voix entre toutes : celle d’une enfant joyeuse et épanouie, celle d’une jeune femme sereine et souriante. La voix de celle que je considère comme ma propre fille, l’allégorie de notre amour à Höle et moi. À ce son, je ne peux m’empêcher de sourire ; elle aussi m’a manqué. Pourtant, le jeune vivant écarquille les yeux en face de moi, et j’aperçois la terreur emplir ses pupilles. Je ne comprends pas. De quoi a-t-il peur ? Connaît-il Në Dashuri ?

Devant moi, Aljann sourit, puis fronce les sourcils en voyant ma mine effrayée. Il ne sait rien. Il ne sait pas comment a agi sa fille, ni ce qu’elle est devenue… Je n’ose rien lui dire. Se rendra-t-il compte par lui-même que la déesse aux fleurs bleues n’est plus l’allégorie de leur amour, qu’elle a développé ses propres objectifs et des ambitions bien dangereuses et nuisibles ? Je ne sais pas. J’ai mal pour lui.

« Que me vaut l’honneur de votre présence ? Le vivant qui me tourne autour tel un moustique insupportable, et l’homme qui m’a enfermé dans une case bien trop étroite pour moi… »

Le sourire du dieu disparaît en un instant. Je lis l’incompréhension dans ses yeux.

L’homme qui l’a enfermée dans une case ? Est-ce de moi qu’elle parle ? Qu’est-ce qui a mal tourné ? Que s’est-il passé ? Tout cela m’embrouille l’esprit, si bien que j’en parle à moi-même à haute voix.

« Je ne comprends pas… »

Le jeune homme se rapproche et chuchote, comme s’il avait peur d’être entendu par la jeune déesse aux fleurs bleues :

« Ce serait trop long à vous expliquer mais votre Höle n’a jamais disparu : c’est Në Dashuri qui l’a enfermé dans le Gouffre. Pendant plus d’un siècle, elle a utilisé votre faiblesse à tous les trois — Tyr, Höle et vous. Elle s’en est servie pour acquérir du pouvoir et s’emparer du monde des morts. »

Në Dashuri ? Ma fille ? La déesse aux fleurs bleues ? Cette jeune femme souriante, généreuse et bienveillante ? Celle que tous aimaient ? Dis-tu la vérité, jeune vivant ? Mon cœur n’en croit pas un mot mais ma raison m’oblige à y réfléchir. Cela n’est pas invraisemblable. Je croyais que c’était mon père qui avait scellé ma forteresse, mais cela peut bien être Në Dashuri. Cela fait sens : il n’y a qu’elle qui aurait pu me libérer ; seulement, étant l’allégorie de notre amour, Höle et moi avons pu le faire également.

J’observe le visage du dieu inférieur en pleine réflexion. Étrangement, il a l’air de me croire ; du moins, il ne me regarde pas comme si je venais de lui faire outrage ou comme si j’étais un fou bon pour l’asile. C’est déjà ça. Il ouvre la bouche une fois avant de la refermer. Il hésite ? Entre quoi et quoi ? Ses yeux s’ancrent dans les miens et il finit par chuchoter :

« Si tu dis vrai, il faut s’en aller. Et maintenant. »

Sans que j’aie besoin de faire le moindre geste, sa main se dépose sur mon épaule et un éclair blanc nous emporte…

Si ce jeune vivant dit vrai, mon cœur en restera meurtri. Quelles sont tes intentions, ma fille ? Qu’est-ce qui t’a poussée à te rebeller ainsi ? Qu’est-ce qui t’a rendue assoiffée de pouvoir et de puissance au point de prendre la place de mon père sur ce trône ?

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