There will come a poet / whose weapon is His word - The Oh Hellos

Lorsque je sors enfin de la tente, l'air vif de la Cache me surprend. Il porte une odeur de pierre humide et de poussière soulevée par les nombreux pas. J'inspire profondément, la fraîcheur revivifie mes sens et me réveille doucement : mes muscles sont encore un peu engourdis, mais la fatigue écrasante qui m'a submergé a disparu.

Autour de moi, la Cache semble agitée. Les habitants se rassemblent petit à petit en un large cercle irrégulier, comme un amphithéâtre improvisé au milieu de la roche. Certains se tiennent sur les hauteurs, d'autres sur les passerelles en bois suspendues, d'autres encore serrés autour du grand pilier central. Des murmures parcourent la foule, brèves vagues de chuchotis qui montent, retombent, puis recommencent. Je cherche des yeux Aljann, Höle, Tyr ou même Pyrios (l'homme aux pattes de bouc) et Manera (la seconde amie des dieux amoureux, la Déesse des Sorcelleries). Mais je ne les vois pas.

Le seul que je remarque est Tyler, en train de vérifier des caisses remplies de bandages et de plantes médicinales avec deux résistants. Il jette un œil dans ma direction, me sourit de loin pour me signaler que tout va bien, puis retourne à sa tâche. Je m'approche juste assez pour ne pas les gêner et demande à l'intention de mon petit ami :

« Où sont Tyr, Aljann et Höle ?

— Bonjour, beau garçon... » rigole-t-il.

« Pardon, bonjour mon Tyler... »

Je l'embrasse sur la joue pour me faire pardonner et il répond à ma question avec un signe de tête vers les habitants regroupés :

« Ils sont au centre de l'attroupement. Tyr a demandé à parler à la population, certainement pour demander si d'autres résistants veulent nous rejoindre ou un truc dans le genre. »

Je le remercie et me faufile entre la foule pour rejoindre le centre. À peine suis-je passé derrière Harcogne que Tyr s'avance. Sa simple présence crée un mouvement dans la foule. Les murmures cessent presque aussitôt. Il est toujours impressionnant : grand, calme, solide, entouré d'une lumière douce et pourtant indiscutable. Mais aujourd'hui, quelque chose a changé dans son regard. Une détermination froide, nette. Il lève doucement une main, faisant taire les quelques oiseaux qui chantaient encore. Dans la Cache, le silence est complet.

Puis il parle, sa voix résonne juste assez pour que tout le monde l'entende parfaitement. Il parle calmement, avec une telle clarté qu'on dirait qu'il fait de l'ombre au soleil :

« Habitants de la Cache, Survivants du mensonge... Vous avez survécu. Vous avez résisté. Vous avez protégé votre foyer, et même si vous êtes peu nombreux, jamais vous n'avez cessé de croire qu'un redressement est possible. »

Un applaudissement éclate quelque part à ma droite. Timide, isolé. Il s'arrête aussitôt, comme si son auteur n'était pas certain d'en avoir eu le droit. Tyr continue :

« Aujourd'hui, nous venons vous demander plus que de l'espoir. Nous venons vous demander votre force. »

Un frisson parcourt la foule. Certains baissent les yeux. D'autres se redressent, piqués par la fierté. Je sens le poids de la tension, comme si la Cache retenait son souffle.

« Në Dashuri étend son pouvoir un peu plus chaque jour. Si nous n'agissons pas maintenant, alors vos familles, vos terres, vos souvenirs... tout disparaîtra. »

Une femme serre la main de son compagnon. Un jeune garçon lève le menton, défiant quelqu'un que lui seul voit. Même les nichels ont l'air d'écouter attentivement.

Le Dieu Suprême incline la tête, presque humble :

« Nous ne vous ordonnons rien. Mais nous vous invitons à marcher avec nous. Ensemble, nous pouvons reprendre ce qui nous a été volé. »

Cette fois, deux ou trois personnes applaudissent. Faiblement, mais plus assurées. Puis cinq. Puis dix. Les applaudissements deviennent une onde qui se propage, hésitante d'abord, puis plus franche. Les cris suivent. Ils scandent leur espoir et leur force à l'unisson.

Avec vous !
Pour la Cache !
Pour nos familles !

La vague de sons me frappe de plein fouet. Je sens mon cœur accélérer, porté malgré moi par cette énergie nouvelle. Les cris rebondissent contre les parois, comme un battement régulier, vibrant. Comme les pulsations d'un cœur commun alimenté par l'espoir et la détermination.

Le sol tremble sous les pas de plusieurs résistants qui s'avancent pour se mettre derrière les dieux. D'autres hésitent encore, mais les applaudissements les encouragent. Je vois un jeune homme lever le poing avant de rejoindre le groupe. Une vieille dame frappe sa canne contre le sol en criant : « On ne se cache plus ! ». Les plus jeunes courent tout autour des dieux inférieurs et Aljann semble aux anges alors que Höle grimace légèrement. Je ris devant leurs expressions opposées. Le Dieu du Gouffre ne peut pas être gentil et aimable à ce point... Tyr laisse la ferveur monter un instant, puis il lève de nouveau la main, et tout se calme progressivement.

« Alors écoutez bien, reprend-il. Nous ne partirons pas sans préparation. Vos guérisseurs resteront parmi nous. »

Son regard glisse un instant vers Tyler, qui relève la tête.

« Vos éclaireurs seront formés. Vos armes seront reforgées. Nous vous attribuerons à chacun un rôle en accord avec vos capacités. Et lorsque viendra l'instant... nous serons tous prêts et nous frapperons ensemble. »

La foule réagit d'une même voix, comme un tonnerre :

« ENSEMBLE ! »

Je sens ma poitrine vibrer. C'est la première fois depuis longtemps que je perçois autant d'unité, autant de volonté. C'est étrange, c'est beau. Zarhaël s'approche de moi et dit calmement :

« Tu vois, Gabriel ? C'est pour vivre des moments comme celui-ci que la résistance vaut la peine... »

Je hoche la tête, incapable d'ajouter un mot tant l'émotion me serre la gorge. Autour de moi, les habitants reviennent vers leurs postes, mais leurs pas ont changé : ils sont plus rapides, plus sûrs, comme guidés par une même impulsion nouvelle. Leurs traits sont déterminés, leurs gestes vifs. Tyr se tourne vers les dieux inférieurs, puis vers Harcogne — désormais sous forme humaine — et leur fait signe de le rejoindre. Ils vont certainement commencer à distribuer les rôles.

Je reste en retrait, m'entraînant silencieusement, observant la seconde suivante de chaque mouvement, enregistrant les détails, les micro-gestes, les choix qui façonnent l'avenir. Bientôt, mon rôle de veilleur commencera vraiment, puisque c'est ce qui m'attend. Et cette fois, je serai prêt.