Welcome to the war we've only begun, so / Pick up your weapon and face it - League of Legend

Nous sommes à cinq heures du départ. Cinq heures du début de la fin. Et chaque minute nous rapproche un peu plus de l'heure fatidique. Le souffle frais de Tyler s'échoue doucement dans mes cheveux. Il dort profondément, comme si son corps profitait de la moindre seconde de répit avant l'orage. Moi, en revanche, je suis incapable de fermer l'œil. Mon esprit tourne, encore et encore, repassant les plans, les risques, les visages de ceux qui comptent sur nous, les visages que nous devons protéger. Hier, Lili nous a rejoins avec, derrière elle, une vingtaine de personnes venues de la forêt. C'est avec surprise que j'ai aperçu le vanvitrus. J'ai appris qu'Harcogne lui avait fait parvenir un message alors que nous quittions le Gouffre, c'était avant même que nous ne trouvions la Cache. A l'aide d'une invocation, ils sont arrivés et ils attendent désormais, comme nous, l'heure de repartir.

La Cache dort à moitié. Ou du moins, elle fait semblant.

Les guetteurs marchent silencieusement sur les passerelles, deux jeunes hommes que je reconnais comme un guérisseur et un combattant, vérifient une dernière fois leurs sacs, et certains résistants prient à voix basse. Je ne sais pas vers qui vont leurs prières, peut-être Tyr, les dieux inférieurs ou bien ils implorent Në Dashuri, lui demandant grâce... Une inquiétude sourde flotte dans l'air, comme une brume que personne n'ose balayer. Je soupire, me calle un peu plus contre Tyler, a sa respiration, je devine que je l'ai réveillé. Il chuchote :

"Tu ne dors pas ? 

-Non, je n'y arrive pas..."

A peine ai-je terminé ma phrase, qu'il se redresse et se lève, m'emportant avec lui. Il m'entraîne à l'écart, et dans un creux de la roche, ses bras entourent mes hanches et ses lèvres se déposent dans mon cou, une fois, deux fois avant qu'il ne murmure :

"De quoi as-tu peur ?"

De quoi ai-je peur ?

"De tout..."

Oui de tout. De ce qui nous attend, de faire une erreur, de perdre quelqu'un mais surtout... J'ai peur de repartir, j'ai de sentir mon cœur être réduit en cendres une fois encore, de ne pas réussir à vivre sans lui. J'ai peur des aux revoirs...

*****

Quand les premiers rayons du soleil apparaissent, l'appel de Tyr traverse le camp. Un simple signe de tête suffit. Tout le monde se lève. Tout le monde comprend. Personne ne dormait réellement.

Le départ. Le vrai, le premier pas vers la fin. Je secoue doucement Tyler qui s'était remis à somnoler, et il se réveille d'un coup, comme si son corps avait attendu ce moment précis. Ses traits sont détendus une seconde, puis la réalité revient, et son regard se durcit juste assez pour me rappeler que nous ne sommes plus des fugitifs : nous sommes une armée. Modeste, pas très grande et peut-être beaucoup moins puissante que celle de Në Dashuri mais nous, on a l'espoir, l'amour et la solidarité. Cela parait peut-être minime par rapport à ce qui nous attend mais c'est toujours un plus, une force particulière mais efficace. 

Nous sortons de la Cache dans un silence presque cérémoniel. Les pas de chacun résonnent dans les tunnels, réguliers, déterminés. La passeuse nous a expliqué que ces tunnels s'étendaient sur des kilomètres et qu'ils nous permettraient de rejoindre le palais sans passer par l'extérieur. En parlant d'Harcogne, elle marche juste à cotés de Tyr, tout en tête, des traces de son ancien corps persistes, elle a gardé sa queue au pelage clair et ses oreilles touffues sur le haut de son crâne. Elle est d'une beauté étonnante...

*****

Enfin nous débouchons à l'extérieur, la lumière pâle du matin éclaire la vallée, et au loin, sur son promontoire de pierre noire, le palais se dresse. Immense. Immobile. Prêt. Aussi impressionnant que la dernière fois.

Derrière moi, j'entends Aljann inspirer avec la solennité d'un prêtre, Höle grogner comme s'il entrait dans une arène, et devant nous, Tyr prononce quelques mots que je peine à entendre mais qui semblent suffire à tous.

Nous avançons ensemble. Une ligne. Une volonté. Ramener la paix. Les derniers mètres sont les plus lourds. Chacun sent que c'est ici que tout se décide. Chaque pierre du chemin semble peser autant qu'un choix, un souvenir, un regret. Quand nous atteignons les grandes portes principales du palais, personne ne parle. Le vent s'arrête. Les oiseaux, même les nichels, se taisent. Le monde entier semble retenir son souffle.

Je me place devant, juste un pas en avant des autres, sans l'avoir décidé. C'est instinctif. Je m'avance entre les dieux, juste à côtés d'Aljann qui pose sa main sur mon épaule et m'adresse un sourire avant de chuchote :

"Nous y sommes et nous t'en sommes reconnaissant. Sans toi, rien n'aurait bouger et nous n'aurions pas retrouver notre liberté. Ce n'est pas terminé, mais je t'en remercie et Höle aussi, même s'il se croit trop digne pour te le dire."

Mon cœur se sert si fort que j'en ai mal a la poitrine. Je ne pense pas comme ça. Oui, peut-être que j'ai été le déclencheur de la légende mais je n'ai pas servie à grand chose...

La voix d'Harcogne s'adresse à moi : 

"Même sous cette forme je sais à quoi tu penses. Et tu as tort, de nous tous, tu es celui qui a gardé espoir, c'est un rôle des plus importants. Et puis ce n'est pas terminé..."

Mes yeux me brûlent mais je garde mes larmes pour moi. Ce n'est pas le moment de qe montrer émotif. Doucement, les bras de Tyler entoure mon corps, m'attire à lui et j'enfouis mon visage dans son cou. Il me sert un peu plus et je me décale, j'ai l'impression que c'est un au revoir, mais ce n'est pas le moment. Ils l'ont tous les deux dit : Ce n'est pas terminé. 

Tyr pose sa main contre la porte. Une vibration sourde lui répond, comme un cœur monstrueux battant de l'autre côté.

— Alors, dit-il, c'est ici que tout commence.

Ou que tout finit. Suivant les points de vue. Les portes s'ouvrent dans un grondement lent. Et nous entrons au son de sa voix :

"C'est seulement maintenant que vous vous décidez ? Je commençais à croire que vous n'oseriez jamais venir m'affronter..."