Chapitre 29

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La fin du cours approchait à grands pas. Comme tous les nouveaux, je devais mettre les bouchées doubles pour arriver au niveau des anciens. Et je devais surtout travailler plus avec mon partenaire.


— Tu as quelque chose de prévu cet après-midi ? le questionnais-je en ramassant mes affaires.

— Non pourquoi ?

— Ça te dirait que l’on continue de s’entrainer ?

— C’est une bonne idée, mais ma salle de danse perso sera trop petite pour deux.

— On peut aller chez moi. Il n’y a aucun souci. Ma fille est à l’école, on ne sera même pas embêté.

— Tu es maman ?

— Depuis peu oui. Alors ça te tente ?

— Je te suis.


J’informais Sacha que Gaëtan allait nous suivre jusqu’au palais, avec sa propre voiture. Comme je m’y attendais, une fois arrivée, il fut surpris et intrigué.


— Attends, tu habites au palais impérial ?

— Oui, j’ai un deuxième travail ici.

— Et on a le droit de s’entrainer… comme ça ?

— Mais oui, fais-moi confiance.


Je le vis hésiter alors j’attrapais sa main pour l’emmener dans la salle de bal. Je l’invitais à poser son sac prés de la chaine hi-fi puis le laisser observer cette magnifique salle.


— C’est magnifique, souffla-t-il. Tu es sûr qu’on ne va déranger personne ? Il n’y a pas de bal ou de je ne sais quoi de prévu ? L’Impératrice ne va pas…

— Fais-moi confiance, rigolais-je. C’est moi qui organise les bals donc non, il n’y en a pas. On ne va déranger personne, car l’ensemble du personnel du palais sait qu’ils ne doivent pas entrer quand j’y suis, quand il y a de la musique. Quant à l’Impératrice… elle pourrait venir, juste pour voir.

— Pas du tout rassurant.

— Ne t’inquiète pas. Aller, reprenons.


J’envoyais un rapide message à Véra pour la prévenir, branchais mon téléphone à la chaine hi-fi et lançais la musique que nous travaillons actuellement. Pourtant, malgré maints essais, nous butions à chaque fois sur le même pas.


— Je n’y arrive vraiment pas ! s’énerva-t-il.

— Je conviens qu’il est dur. J’ai un peu de mal aussi. Reprenons-le lentement.

En le décomposant par étape, on y arriva beaucoup mieux. On eu quand même besoin de revoir la vidéo.

— C’est beaucoup mieux. Et si on changeait ? Un peu d’impros ?

— Partant. Impro sexy ou soft ?

— Oula pas de sexy ici, rigolais-je. Même si je conviens que ce serait bien plus bénéfique pour toi.

— Dommage, une prochaine fois.

— Tu es joueur toi.

— Hum… oui. J’aimerais bien savoir pourquoi tu refuses d’ailleurs.

— Tu sais quoi, faisons-nous plaisir. Après une petite pause.


J’attrapais ma bouteille d’eau au vol puis mon téléphone. Je me devais de convier mon amante à cette démonstration. Mais surtout, je n’avais pas peur de dévoiler à Gaëtan la nature de ma relation avec l’Impératrice. Pour danser ensemble, nous devions nous faire confiance. Et je savais aussi que j’allais souvent l’inviter à s’entrainer au palais.


— Bonjour, je vous ai ramené de l’eau fraiche.


Véra entra en douceur. Elle avait abandonné sa couronne et donc son titre d’Impératrice. Elle était simplement venue nous regarder, en tant qu’amante.


— V… Votre Majesté, bégaya Gaëtan. Élia ! Tu m’avais dit que…

— Je t’ai dit de me faire confiance. Merci pour l’eau, Ma dame.

— Bon alors, pourquoi tu m’as fait venir, Élia ?


Je récupérais les bouteilles, en donnais une à mon partenaire et m’approchais de Véra pour lui murmure à l’oreille.


— Pour te chauffer, mon amour.


Elle rougit immédiatement. Je me retournais et retrouvais mon partenaire, la laissant exprès ainsi.


— Il se passe quoi ? s’inquiéta-t-il.

— Il faut que je t’avoue quelque chose. Ma relation particulière avec l’Impératrice.

— Tu la connais personnellement ?

— Oui. Dansons, sexy, et tu comprendras tout.

— Devant elle ? Mais ça ne va pas ?

— Surtout, ne te retiens pas. Si tu arrives à la rendre jalouse, je parlerais de toi à ma sœur, future grande chanteuse.

— Jalouse ? Je suis partant.


D’un geste de la tête, j’invitais Véra à se décaler. Je pris le temps de choisir la chanson la plus adaptée possible et la lançais. Dès les premières notes, Gaëtan suivit mes mouvements. Il n’était pas à l’aise de danser devant l’Impératrice, mais finit par se détendre, entrainer par mes pas et la musique. Moi non plus, je ne m’étais jamais autant lâchée en public. J’explorais un nouveau sentiment. J’avais eu un vague aperçu lors de ma danse du bal de fin d’année, mais cette fois-ci, c’était exacerbé. Je savais déjà à quoi m’attendre à la fin de la musique.

Ma danse ayant eu l’effet escompté, dès que le silence emplie la pièce, Véra se rapprocha, attrapa ma main, m’attira à elle et ses lèvres se posèrent sur les miennes. Ses mains glissèrent dans mon dos.


— Tu es terrible, Élia. Je suis censée faire quoi maintenant ?

— M’aimer à la folie ? jouais-je.

— Je t’aime déjà à la folie, pauvre idiote.

— Je comprends mieux, intervint Gaëtan, en rougissant à son tour.

— Bien évidemment, ça doit rester secret.

— Je prends note. Merci pour l’entrainement Élia, mais je vais devoir rentrer.

— On se voit demain.


Près de moi, je sentais que Véra se retenait, attendant que mon partenaire s’en aille. Dès que la porte fut refermée, elle me poussa contre le miroir et m’embrassa. Finalement, ses mains se posèrent de chaque côté de ma tête, m’emprisonnant.


— C’était quoi, ça ?

— La preuve que je suis prête à être officiellement ta fiancée. Je ne veux plus me cacher.

— Tu es sûr ? J’aime bien que tu sois juste mon amante, que je t’ai que pour moi.

— Ne sois pas si possessif, mon amour. Sinon je ferais moi-même la démarche. Et comme je sais que tu aimes tout contrôler…

— Très bien, très bien. Je vais réfléchir à comment annoncer tout ça. Par étape, hein ?

— Ne me dis pas que c’est toi qui n’es pas prête ?


Je rigolais et ses joues rougirent. J’avais visé juste. En même temps, je la comprenais. Elle était Impératrice, elle ne pouvait pas annoncer n’importe comment ses fiançailles, surtout avec une femme et l’une de ses domestiques.


— J’ai une idée. Convoque ici tout le personnel, soldats compris.

— Tous de suite maintenant ? paniquais-je.

— Tous de suite maintenant, mon ange. Sauf si tu te défiles.

— Jamais, jouais-je.


Je l’embrassais, me libérais de son emprise et fis le tour du palais pour prévenir tout le personnel qu’ils étaient attendus de toute urgence dans la salle de bal. La plupart refusèrent au début, trop occupé avant d’accepter. En une demi-heure, tout le monde était réuni. La salle était remplie de discussion. Tous cherchaient à savoir ce que l’Impératrice avait bien à leur annoncer. Juste avant qu’elle commence, je récupérais ma bague de fiançailles dans ma table de nuit et la lui rendit, temporairement.


— Votre attention, s’il vous plait. J’ai une annonce très importante à vous faire. C’est… bon sang, c’est plus dur que d’annoncer une loi.


À ses côtés, je ne pus me retenir de rire. Tous les regards convergèrent vers moi, y compris celui de Véra.


— C’est ça, moque-toi. Tu n’as qu’à le faire…

— Faut pas le dire deux fois, jouais-je.

— Tais-toi !


J’explosais encore plus de rires. Ma fiancée secoua la tête, glissa sa main dans mon dos et me rapprocha subitement d’elle. Je me tue instantanément, mon visage à quelques centimètres du mien. Mon cœur s’accéléra dans ma poitrine quand je me perdis, à nouveau dans ses yeux.


— Tu n’es qu’une idiote, Élia, murmura-t-elle.

— C’est pour ça que tu m’aimes, répondis-je de la même façon.


Son visage s’empourpra et elle me repoussa délicatement.


— Bien. Vous ne le savez pas, mais j’ai rencontré quelqu’un, commença-t-elle, provoquant des chuchotements. Et… nous avons décidé de nous marier.


Des cris de joie retentirent dans la salle. L’annonce d’un mariage impérial avait toujours cet effet. Plus qu’à espérer que leur joie continue quand il saurait qui allait se marier avec l’Impératrice. Devant la foule, Sélina, Liva et Rosalie restèrent perplexes. Elles étaient parmi les plus proches de Véra et n’avais jamais rien sur.


— Si j’ai tant hésité à vous en parler, c’est parce que c’est une femme.


Les conversations se turent immédiatement, les regards bloqués sur Véra. Celle-ci paniqua et me regarda à nouveau. Je lui fis un signe de tête pour l’encourager.


— Non, mais j’y crois pas ! intervint Rosalie. Je suis votre assistante, Madame, et vous ne m’avez rien dit ? Je suis déçu.

— Oh, mais tu sais qui c’est, rigola Véra, reprenant son sourire. Elle te la dit, mais tu n’as pas écouté.

— Hein ? Je le saurais si c’était le cas.

— Élia, on a été trop discrète, je crois.

— Même Sélina et Liva n’ont rien remarqué et pourtant elles dorment juste à côté et nous voient tous les jours, jouais-je.


Les trois concernées firent alors les yeux ronds. Elle venait de comprendre que c’était moi, mais ne dit rien. Le regard de Rosalie s’illumina. Elle venait de rassembler les morceaux du puzzle. Elle venait de comprendre pourquoi ma relation avec Véra était si spéciale.


— Pourquoi les faire attendre plus longtemps ? enchainais-je. C’est qu’ils ont du travail.

— Comme toi peut-être ? me provoqua-t-elle.

— Ça, c’est vicieux. C’est de ta faute si je n’ai plus rien à faire.

— Oh, tu viens de me tutoyer devant tout le monde.


Véra me rapprocha à nouveau d’elle et plaqua ses lèvres contre les miennes. Les premiers applaudissements, timides, se firent entendre. Ceux-ci s’accentuèrent quand elle passa ma bague de fiançailles autour de mon doigt. Cette fois-ci, elle y resterait définitivement.


— Je vous annonce officiellement qu’Élia est ma fiancée depuis son retour au palais, continua-t-elle sans me lâcher du regard. J’ai promis à sa mère d’attendre qu’elle soit majeure pour nous marier. Je t’ai promis d’adopter Lianna, ta fille, après notre mariage. Et je t’ai promis de te protéger, quoi qu’il arrive, mon ange. Parce que je t’aime plus que tout au monde. Toi et notre fille.

— Je t’aime aussi, mon amour.

Je glissais mes mains dans son dos et l’embrassais à mon tour. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Je le savais prêt à bondir hors de ma cage thoracique à tout moment.

— Alors ? Comment tu te sens ? me questionna-t-elle.

— Je me sens plus légitime. Je ne suis plus ton amante, mais ta fiancée, désormais. On a plus besoin de se cacher.


J’observais l’assistance et ne vis que des sourires. Ils m’acceptaient auprès de Véra. J’avais réussi la première étape. En même temps, eux me connaissaient. Ils avaient toujours su qu’avec Véra, nous entretenions plus qu’une simple relation de dame de chambre/Impératrice. Rosalie fut la première à s’approcher.


— Félicitations. Par contre, Élia, comment as-tu pu me cacher ça ?

— Tu comprends mieux pourquoi Véra prenant tant en compte mon opinion lors de ton entretien ?

— Vous étiez déjà… en couple ?

— Oui, reprit ma fiancée. Je voulais quelqu’un qui s’entende avant tout avec Élia.

— Vous formez un beau couple.

— Merci Rosalie.


D’autres personnes se succédèrent pour nous féliciter. Leur en avoir parlé, c’était en poids en moins sur mes épaules, sur mon cœur. On se retrouva rapidement seule dans cette immense pièce. Je bloquais à nouveau mon regard dans ses yeux, protégée dans ses bras. Nous pouvions désormais nous aimer aux yeux de tous. Je pouvais enfin être totalement moi-même en sa présence.


— J’aimerais ne pas avoir à te lâcher. Je veux te garde rien que pour moi, pour toujours, chuchota Véra.

— Tu as du travail et je vais devoir aller chercher Lianna à l’école.

— Sacha n’a qu’à y aller à ta place.

— Ne me dis pas que tu es jalouse d’une petite fille ?

— Si. Maintenant que c’est officiel, je ne veux plus jamais te quitter.

— Tu es un peu trop envahissante, mon amour, la taquinais-je.

— Je sais.


Je l’embrassais et réussis enfin à me libérer. Je l’obligeais à retourner dans son bureau, où Rosalie l’attendait puis parti, avec Sacha, récupérer ma fille.

Heureuse, la fin d’après-midi avait filé à une vitesse folle. Allongée sur le lit, Véra jouait avec mes cheveux, ma tête posée sur sa poitrine. Les bougies parfumées brulaient, répandant le délicat parfum dans la chambre.


— J’ai rencontré quelqu’un qui ta bien connu, au Conservatoire, commençais-je.

— Ah oui, quoi ça ?

— Mathilde, la fille de Margot.

— Ah oui, se rappela-t-elle. Ça fait longtemps. Est-ce qu’elle t’a fait du mal ?

— Pas du tout, elle approuve même ta décision et m’a prise sous son aile.

— Tant mieux. Si elle est toujours celle que j’ai connue, tu peux lui faire confiance. C’est dommage qu’elle ait arrêté de venir du jour au lendemain. C’était une bonne amie. La seule que j’avais en dehors de l’école.

— Je pourrais lui proposer de revenir.

— Je ne sais pas.

— Hormis ta famille, Caroline et ceux qui travaillent ici, tu ne vois personne. Tu t’enfermes sans cesse dans ton rôle d’Impératrice.

— Qu’est-ce que tu essayes de me dire ?

— Arrête de faire ton insociable. Trouve-toi des amis, une activité et sors. J’ai la danse, mais toi tu n’as rien.

— C’est exactement pour ça que j’ai besoin de toi. Je vous récupère toute les deux demain après votre journée ?

— On finit à dix-huit heures, exceptionnellement.

— C’est noté.

— Merci.


Je l’embrassais, repoussais son bras et la couverture pour aller éteindre les bougies et la lumière. Je retournais ensuite me lover dans ses bras. Pour une fois, j’étais apaisée. Je ne craignais plus qu’on nous surprenne ainsi.

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