Chapitre 32

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Depuis dix heures, Véra était bloquée dans la salle du trône. Depuis dix heures, elle enchaînait les visites et je l’ai laissée volontairement seule. Depuis neuf heures, je courais dans tous le palais, une oreillette dans l’oreille pour communiquer facilement. Sélina était auprès de Véra et elle m’informait de tout. Celle-ci devait absolument rester dans cette pièce, avec son peuple, jusqu’à ce que tout soit prêt. Par manque de chance, nous étions en retard. Ma sœur et ma mère arrivèrent avec une heure d’avance, à midi, avec du matériel sonore. Pour ne pas trahir leur présence, on mangea rapidement ensemble dans la salle de bal et elles m’aidèrent à rattraper notre retard.


— Mademoiselle Élia ? m’interpelle Sélina dans mon oreillette. Madame demande à vous voir.

— Surtout pas, lui répondis-je. Qu’elle reste avec Lianna dans l’antichambre ou dans la salle du trône. Nous ne sommes pas prêts.

— Elle a encore des visites cette après-midi. Il y a beaucoup de monde pour lui fêter son anniversaire.

— Parfait. Prenez votre temps, ça m’arrangerait.

— Compris.


Dès l’arrivée des fleurs, ma sœur et ma mère m’aidèrent à les mettre en place. Iléna enchaîna sur la vérification du son tandis que ma mère partit aider en cuisine. De mon côté, je vérifiais la mise en place de la salle, ainsi que la disposition des buffets. On réussit à tout finir au bon moment, à quinze heures. J’échangeais ma place avec Sélina pour qu’elle puisse aider ma famille à se préparer pour le bal de ce soir, en l’honneur de ma fiancée.


— Tu étais passé où ? me questionna-t-elle dès mon arrivée.

— Ici et là.


Un jeune fermier, accompagné d’un chiot s’approcha, quand vint son tour. C’était le dernier. Il s’agenouilla et la salua. Le chiot, quant à lui, pencha la tête pour observer Véra.


— Joyeux anniversaire, Votre Majesté. Je vous apporte l’un de mes chiots de garde. Une pure race, très intelligente. Il est encore jeune et commencent tout juste son éducation, mais je suis certain qu’il pourrait être utile à votre armée.

— Je vous remercier pour votre cadeau. J’en ferais bon usage.


Elle fit signe à l’un des soldats en poste de récupérer le chiot, tout content d’avoir une nouvelle famille. Dès que le fermier s’éloigna, Véra s’adossa à son trône et soupira bruyamment.


— J’avais oublié que c’était si épuisant. L’année dernière, ton arrivée avait mis fin au défilé.

— J’espère que tu n’es pas trop fatiguée.

— Avec toi à mes côtés, ça ira. D’ailleurs, je suis déçue, Élia, tu m’as abandonnée, aujourd’hui. Tu n’es même pas venue manger à midi.

— Tu vois l’oreillette ? J’étais toujours en contact avec Sélina. Elle t’a gardé ici toute la journée, comme je le lui avais demandé.

— Tu as quand même oublié…

— Ton anniversaire ? Je ne l’oublierais jamais mon amour. Si tu veux bien me suivre, je vais te montrer ce qui m’a éloigné de toi.

— Tu m’intrigues.


J’attrapais sa main pour l’obliger à me suivre jusque dans l’antichambre. Pendant son bain, je lui préparais sa plus belle robe, toujours rouge.


— Tu ne veux toujours rien me dire ?

— Je te prépare pour un bal. Ce sera la seule information que je te donnerais.


Elle s’assit ensuite devant le miroir recouvert par un drap, et je commençais par sortir tout ce dont j’aurais besoin. Elle me coupa dans mon élan en attrapant mon poignet.


— Qu’est-ce que tu fais ? J’ai des coiffeurs pour ça.

— Mais tu vas me laisser faire oui ? Fais-moi confiance, mon amour, je sais dans quoi je m’embarque.

— Bon très bien, je ne te dérangerais plus.

— Merci.


Pour son anniversaire, pour nos un an ensemble, j’avais tout prévu. J’avais même demandé à l’une de ses coiffeuses de m’apprendre une coiffure. Je m’étais beaucoup entraîné pour la réussi aujourd’hui. La coiffer moi-même était l’un des cadeaux d’anniversaire que j’avais prévu. En plus de passer du temps avec elle, je savais qu’elle aimait quand mes doigts se mêlaient dans ses cheveux. Elle se détendait à chaque fois. Je terminais sa coiffure au bout d’une heure, satisfaite.


— J’ai fini. Tu es prête à voir ce que j’ai fait ?

— Bien sûr, mon ange. Je n’attends que ça.


Retirant le drap que j’avais mis sur le miroir, je la laissais s’admirer de longues minutes.


— Qu’est-ce que tu en penses ?

— C’est incroyable, merci Élia.

— Mais de rien. Tu es magnifique.

— Tu sais que je t’aime toi ?

— Dit le moi encore, je crois que je n’ai pas bien entendu.

— Je t’aime Élia, je t’aime…

— C’est bon, j’ai compris, rigolais-je. Joyeux anniversaire, Véra.

— Quelque chose me dit que je ne suis pas au bout de mes surprises.

— Tu as raison. Ça fait un an qu’on se connait. Si on ne compte pas celui de l’année dernière, c’est ton premier anniversaire avec moi. Et je veux que tes vingt-trois ans soient le point de départ d’une longue série d’anniversaires ensemble. Donc j’ai fait les choses bien.

— J’ai hâte de voir ce que tu as organisé.

— Tu veux bien m’attendre dans la chambre ? Il faut que je me prépare maintenant.


Elle se leva, m’embrassa et sortit de la chambre. Liva entra quelques minutes plus tard.


— Madame est magnifique. Ce que vous avez fait est incroyable, mademoiselle Élia.

— Merci, Liva, mais elle est belle naturellement. Je n’ai fait que mettre en valeur sa beauté.

— Vous n’avez pas tort. Mais elle est encore plus rayonnante depuis qu’elle a officialisé votre relation.


Concernant Véra, j’avais toujours raison. Qu’elle soit en tenue de bal ou même en robe de nuit avec les cheveux en bataille, elle était toujours très belle. Depuis que nous avions avoué au palais notre liaison, depuis que nous ne nous cachions plus, l’une comme l’autre était bien plus à l’aise. Plus, nous-mêmes.


— Qu’est-ce que je vous fais comme coiffure du coup ?

— Fait simple. Que ça ne me dérange pas pour danser.


Liva me tressa les cheveux avant de les attacher en chignon. Quand elle eut fini, en une trentaine de minutes, je me maquillais légèrement avant d’enfiler l’une de mes robes de bal. Je retrouvais ensuite Véra qui m’attendait, comme prévu dans la chambre. J’autorisais Liva à partir, me retrouvant seule avec ma fiancée.


— Tu t’embellis, mon ange.

— Être à tes côtés, ça aide. Avec toi, ici, je me sens enfin moi-même. J’ai trouvé ma place au sein de la société. Je ne peux rêver mieux.

— Si, tu peux avoir mieux. Ce que tu auras une fois qu’on sera mariée.

— Et si on choisissait enfin une date ?

— Tu n’es toujours pas majeur, mon ange.

— Mais je le suis bientôt. Et je suppose qu’un mariage impérial, c’est long à organiser.

— Il parait oui. Tu es sûre de ton choix ?

— Certaine.

— Alors je réunirais tous les responsables pour déterminer, avec eux, d’une date. Et j’annoncerais ensuite officiellement notre mariage.

— En fait… je leur en ai déjà parlé. On a décidé de trois dates. Tu dois choisir maintenant.


Véra me regarda bouche bée. J’avais enfin réussi à la surprendre. Pour une fois, c’était moi qui ai une longueur d’avance sur elle. Je vais récupérer mon petit carnet où j’avais écrit les fameuses dates. Elle les étudia avant de le refermer, satisfaite. Elle avait choisi une date définitive.

Elle attrapa ma main et je finis assise sur ses genoux. Elle m’embrassa avant que je reprenne le contrôle et l’emmène vers la salle de bal, où régnait un grand silence. Je la laissais quelques instants dans le couloir pour avertir Marcus de notre arrivée.


— Prête ? la questionnais-je à mon retour.

— Oui, mon amour.

— Quelle beauté !


Derrière moi, je reconnais la voix de ma guide. Discrètement, je me retournais. Elle était bien là. Vêtue d’une robe blanche, discrète, ses cheveux détachés, elle observait ma fiancée de haut en bas. Véra ne s’apercevait pas de sa présence, confirmant que j’étais bien la seule à parler avec elle.


— Qui est-ce ? Que vais-je donc apprendre sur toi, une fois cette porte passée ?


D’un signe de tête tout aussi discret, je l’invite à me suivre. Ma main dans celle de Véra, j’ouvris les portes de la salle de bal. Marcus lança alors la musique d’anniversaire et tout le monde se mit à chanter. J’avais réussi à faire venir toute sa famille, sauf son frère. Le seul que je n’avais pu contacter, malgré l’aide d’Elena.


— Tu es géniale, Élia. Merci.

— Joyeux anniversaire, Véra Stinley.

— Stinley ? Intéressant.

— Je veux la première danse.


Sans la laisser répondre, ma mère et ma sœur s’approchèrent.


— J’ai appris que votre mariage serait bientôt officiel, commença ma mère. Félicitations.

— Merci Madame Aubelin.


Véra eut droit à plusieurs joyeux anniversaires. Toute sa famille était réunie, en son honneur.


— Oh bah merde, tu as pris un coup de vieux, Elena.


Comme je m’y attendais, après avoir entendu la réaction de ma guide, Elena s’approcha à son tour. Donc elles se connaissaient ? En même temps, quand elle avait appris le nom de Véra, elle avait l’air intriguée.


— Joyeux anniversaire, ma grande.

— Merci mamie. Merci d’être venue.

— Heureusement que tu as une fiancée en or, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas fêté ton anniversaire en grande pompe.

— À propos, on a décidé d’une date de mariage. Je pourrais avoir ton avis ?

— Évidemment. Élia, ne laisse pas ma petite fille te filer entre les doigts.

— Promis, m’dame, jouais-je.

— Mon amour, ma chérie, même avec les cheveux gris, tu es toujours aussi magnifique.


Comprenant ce que ma guide venait de dire, je m’étouffe avec ma salive. Ma guide, c’était la première femme d’Elena. Océane Luisard.


— Tout va bien, Élia ? s’inquiéta Elena.

— Oui, ne vous inquiétez pas. Véra, tu m’excuses un instant ?

— Bien sûr.


Je sortis de la salle de bal, prendre l’air à l’extérieur. Océane m’avait suivie, comme je le voulais.


— Il semblerait que tu as compris mon identité, commença-t-elle.

— Vous êtes Océane Luisard ?

— C’est exact. Mais je n’ai pas compris ce qui nous lie.

— Véra, celle qui fête son anniversaire, c’est ma fiancée.

— Tu vas te marier ? Félicitations.

— C’est la fille d’Elise. Votre fille.

— Oh ! Je vois. Tu fais bientôt partie de la famille alors. Si je suis grand-mère, qui est actuellement sur le trône ?

— Vous êtes même arrière-grand-mère, soufflais-je. Véra est sur le trône. Enfin, Véra est l’Impératrice d’Eryenne et Benjamin est le Roi de Carandis.

— Mon fils s’est marié avec l’une des filles de Stephania ?

— C’est ce que j’ai compris, oui.

— C’est amusant. Je suis morte depuis plusieurs années, mais grâce à toi, j’ai une vision sur ce qu’est devenue ma famille. Retournons là-bas. Je veux en apprendre plus. Je n’ai pas encore vu mes enfants. Tu dois connaitre Lizéa aussi, du coup ?

— Elle ne passe pas inaperçue, rigolais-je.


Quand on parle du loup, celui-ci se montre. Une voiture tape-à-l’œil entre dans la cour et se gare dans un dérapage contrôler. Sur des talons toujours plus haut, Lizéa sortit de la voiture. Ses longs cheveux blonds volaient dans son dos. Voiture de luxe, montre de luxe, vêtement de marque, Lizéa Luisard était reconnaissable de loin.


— Bah alors Élia, qu’est-ce que tu fais dehors toute seule ?

— Bah alors Lizéa, en retard ? jouais-je.

— Il faut savoir soigner ses entrées, ma belle. Je ne suis pas la fille de ma mère pour rien.

— Et fière de l’être en plus, la taquinais-je.

— Je ne peux qu’être fière d’être la fille d’Océane.


À mes côtés, la mère est question était bouche bée devant sa fille. Je ne lui avais pas menti, Lizéa ne passait pas inaperçue.


— Excuse-moi pour le retard, j’étais retenue à l’agence avec les nouvelles. Problème de contrats. Le nouveau directeur est un type louche alors j’essaie de protéger autant que possible mes filles.

— Ses filles ? Elle est maman ?

— Non, lui répondis-je en essayant de la cacher. Heureusement qu’elles peuvent compter sur toi.

— Ce n’est pas simple de faire ses premiers pas dans le monde de mannequinat, surtout si on n’est pas accompagné. Et sinon, avant que je ne rejoigne ma nièce, comment tu vas ?

— À merveille. Véra va annoncer la date de notre mariage.

— Génial. Je serais invitée j’espère.

— Évidemment. D’ailleurs, j’aurais besoin de toi pour son cadeau de mariage. J’ai un gros projet en tête qui va prendre beaucoup de temps à être mise en place.

— Tu peux compter sur moi. On en discutera officiellement plus tard. Tu n’as qu’à passer à l’agence un de ses quatre.

— On fait comme ça. Je t’accompagne.

— C’est plutôt moi qui t’accompagne.

— Et modeste par-dessus le marché.

— La grande Lizéa Luisard n’est pas modeste, joua-t-elle. Je suis connue sur tout le continent, je te rappelle. Et pas parce que je suis une Princesse.

— Une Princesse qui n’a rien d’une Princesse, la taquinais-je.

— Hé oh ! Je suis indépendante, moi.


À mes côtés, Océane rigolait. Lizéa était unique en son genre. C’était ce qui faisait tout son charme et la rendait attachante. Elle n’avait jamais cherché à se montrer supérieure à moi. Dès notre rencontre, elle m’avait placé sur un même pied d’égalité qu’elle.

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