Chapitre 37

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Je ne savais plus quoi faire. Devais-je continuer à vivre normalement, sortir et risquer qu’un voisin malintentionné dévoile la localisation d’Edel et de ma maison ou devais-je fuir ? Devrions-nous partir loin de l’Empire, rejoindre la famille de Véra en Carandis ?

Abandonnant mon dessert, je remontais dans la chambre. Téléphone à la main, j’hésitais. Devais-je appeler Véra pour trouver un lieu plus sûr ou devais-je lui faire confiance, attendre les renforts et rester ici ? Non, je devais agir par moi-même. Élise m’avait reproché d’être trop dépendante, trop faible. Je devais changer, je devais prendre les devants. Nous devions partir et Véra devait ignorer où nous allions. Au cas où le palais ne résistait plus.

Afin d’éviter d’être dérangé, je fermais la porte de la chambre à clef et composait le numéro de Lizéa Luisard. Celle-ci me répondit immédiatement.


— Que puis-je pour toi ?

— Tu a vu l’annonce de Véra ?

— Oui. Contente que tu aies appelé.

— Je ne peux pas rester à Edel. Les voisins ont toujours détesté ma famille. Mais je ne veux pas que Véra sache où je vais. Je ne sais même pas où aller.

— Venir en Carandis serait une bombe à retardement. Ma sœur est dans tous ses états à cause de Véra. Elle a peur. Je peux me renseigner auprès de la Reine de Thérénia, si elle peut t’accueillir avec ta famille.

— Tu la connais ?

— Emma est comme une tante pour nous. C’est une cousine lointaine de ma mère, mais aussi la gouvernante impériale avant qu’elle ne se marie. Si je lui demande personnellement, elle acceptera.

— Merci.

— Il n’y a pas de quoi. Préparez vos valises pour partir dès que je t’en informerais.


Une partie de moi était à la fois rassurée et paniquée. Une part de moi devait accorder une confiance absolue en Lizéa, en la famille Stinley. Mais l’autre me disait de n’avoir confiance en personne d’autre qu’en moi-même pour assurer ma sécurité et celle de ma fille. J’étais tiraillé et démuni. Comme ma fiancée quelques minutes avant.


— Élia ?


Ma mère toqua à ma porte, me sortant de ma rêverie, de ce tourbillon de contradiction. Je lui ouvris et la laisser entrer. Compréhensive, elle s’assit sur mon lit et attendit que je la rejoigne.


— Est-ce que je peux t’aider ? Tu n’es plus un bébé, je sais, mais je suis là pour toi. Tu ne dois pas hésiter à me parler.

— J’ai demandé à Lizéa qu’elle nous trouve un endroit plus sûr. Elle va sûrement nous transférer à Thérénia.

— Mais c’est loin ! Tu es en sécurité ici, ma chérie.

— Ce n’est pas vrai, maman. Tout le monde me connaît ici. Et maintenant tout le monde sait que je suis là fiancée de Véra et que Lianna est son héritière. J’en connais plus d’un qui nous dénoncera à la moindre occasion. Je dois agir en adultes, en tant que mère. Je dois protéger Lianna plus que ma propre vie. Et elle n’est pas en sécurité ici.

— Tu as bien grandi. Fait ce que tu as à faire, je te soutiendrais toujours.

— Et si tu venais avec moi ? Avec Iléna et Anton ?

— Je ne peux pas, chérie. J’ai des obligations ici et ta sœur aussi.

— Mais…

— Tu n’as plus besoin de moi à tes côtés, Élia. Tu as peut-être l’impression de douter, mais tu prends la bonne décision. Pour toi, pour Lianna. Continue de montrer à Élise qu’on te faire confiance en toute circonstance. Prouve-lui, par tes actes, que tu as les épaules pour être au côté de Véra. Agis comme la femme et la mère que tu es devenu. Je suis très fière de toi, ma chérie et ton père le seraient aussi. N’aie pas peur de prendre ton envol, de te débrouiller par toi-même.

— Tu as raison. Merci, maman.


Elle m’embrassa, rassurante, et je recommençais à faire mes valises et celles de Lianna. Pour la deuxième fois en deux jours. Dès qu’elle fut prête, avec l’autorisation de Sacha, on partit se promener sur le chemin aux fleurs, là où nous étions sûrs de ne croiser personne. Les enfants couraient devant nous et Ilena me gardait auprès d’elle, bras dessus bras dessous.


— Il y a quelque chose que tu ne me dis pas, p’tit moineau.

— Tu m’énerves à toujours tout comprendre toute seule.

— Je te connais, c’est tout. Ton visage est sombre.

— Je vais partir avec Lianna, lui avouais-je.

— Où ? Pourquoi ?

— Nous ne sommes pas en sécurité ici. Surtout après l’annonce de Véra. Et je ne veux pas te dire où nous allons. Pour te protéger.

— Maman sait ?

— Oui. Je lui ai dit pour la rassurer.


Ma sœur était celle qui me comprenait le mieux, sans que je prononce le moindre mot. J’aurais aimé qu’elle vienne avec moi, qu’elle le suive, mais ce serait la mettre en danger pour rien. Comme ma mère avant elle, elle me rassura. Je prenais la bonne décision, pour ma fille. Elle me soutenait aussi dans le fait de ne rien dire à Véra. Elle aussi, aurait sûrement fait pareil.

Pour assurer la discrétion et la sécurité du déplacement, Sacha avait décidé de partir de nuit. La tante de Lizéa, Emma si je me souvenais bien, acceptait de nous recevoir, ma fille et moi. Après avoir rassuré ma mère ainsi que ma sœur et leur avoir dit en revoir, on s’installa dans la voiture, profitant que Lianna dormait.


— Nous rejoignons l’aéroport le plus proche, où nous rejoignent les renforts. Nous irons tous ensemble en avion à Ameldia, la capitale du royaume de Thérénia. Vous devez savoir que la Reine de Thérénia n’est pas réellement la Reine.

— Comment ça ?

— En réalité, il s’agit de leur fille dont l’identité est toujours restée secrète. Ils l’ont adoptée à leur mariage et elle est née sourde. Pour l’aider dans ses fonctions, bien que l’ensemble du palais parle la langue des signes, ses parents occupent, pour leur peuple, le trône. Son mari, quant à lui, s’occupe de l’éducation de leurs enfants. Leur fille aînée, Janna, termine ses études à la fin de l’année et montera sur le trône à son tour, officiellement.

— Je n’ai pas tout compris, avouais-je.

— Tout ce que vous avez à retenir, c’est la Reine Lola est sourde. Ça vous évitera de nombreux problèmes.

— Très bien. Merci.

— Essayez de dormir un peu.


Je m’assurais que Lianna était correctement installée, remontais la petite couverture sur ses épaules et fermais les yeux à mon tour. Je ne parviens à m’endormir que dans l’avion, épuisée pour tous ses bouleversements en si peu de temps.

En arrivant au palais royal de Thérénia, il faisait trop noir pour que je puisse apprécier la bâtisse. Sans réveiller Lianna, je la sortis de la voiture et plaquais sa tête contre ma poitrine. Une fois sur le porche, une grande femme brune, élancée, aux cheveux parsemés de bijoux, à la robe violette, d’une quarantaine d’années nous accueillit. Elle fit des signes avec ses mains. À côté d’elle, un homme du même âge à la carrure impressionnante s’avança.


— Soyez la bienvenue, Mademoiselle Aubelin. Ma belle-mère est déjà couchée. Elle a demandé à ma femme de vous accueillir. Je suis le Roi Consort Stanislas et voici ma femme la Reine Lola. Ma femme lit sur les lèvres, si vous parlez lentement, termina-t-il.

— Merci de nous accueillir en de si terrible circonstance.

— Vous devez être fatiguée. Ma femme va vous accompagner à votre chambre.


Le couple échangea rapidement en langue des signes avant qu’elle ne m’invite à la suivre d’un sourire affectueux. Resserrant mes bras autour de ma fille, je fis le premier pas dans ce lieu inconnu. Combien de palais allais-je visiter en compagnie de Véra. En silence, je suivis la Reine Lola tout en haut d’une tour. Le palais était parfaitement éclairé, fait de marbre réfléchissant la lumière. Lola s’arrêta devant une immense porte en bois, finement sculpté. Après un sourire, elle ouvrit la porte et m’invita à entrer. La chambre était bien plus grande de celle de Véra. Éclairée par les rayons de la lune, décorée avec soin. Je déposais délicatement Lianna dans le lit et remontais la couverture sur ses épaules. En même temps, la Reine Lola avait récupéré un papier qu’elle me tendit.


« On m’a informé que vous ne connaissiez pas la langue de signe. Ce n’est pas grave. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez surtout pas. Ma chambre est à l’étage au-dessus. »


Je la remerciais d’un signe de la tête. Elle s’approcha de Lianna, toujours endormie, déposa un doux baiser sur son front avant de sortir de la chambre. Cette femme ne semblait être que pure douceur et amour. Mes valises furent rapidement montées. Je revêtis ma robe de nuit avant de rejoindre ma fille. Dès que ma tête se posa sur l’oreiller, je sombrais dans le sommeil.

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