Chapitre 1

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Les journées étaient mornes à bord. Le matin, Isadora s'occupait de la cabine de Wylliam, l'après-midi, elle aidait à recoudre les voiles et les habits des autres marins, et le soir, Will lui donnait des cours particuliers d'astronomie et de géographie.

Elle découvrit alors les points cardinaux et les différents pays. Ainsi, elle apprit que le Capitaine était à la recherche d'îles où vivraient les Dieux... Et qu'il comptait leur offrir les enfants en sacrifice.

A cet instant, les rouages de son cerveau se mirent en marche et la déduction qu'elle fit lui donna la nausée : c'était le lieu de résidence des Dieux Maléfiques...La décision qu'elle prit ce jour-là fut des plus difficiles...

Elle s'était attachée, au fil des ans, au bateau. Les escales ne lui avaient jamais offert d'échappatoire. En trois ans de navigation, elle était désormais celle sur qui on comptait. Même le gros Jo la considérait comme un bon marin. Ironique, pensait-elle souvent en se massant la gorge. S’il n’y avait pas une trace de strangulation, le souvenir de l’affreux moment était bien vivace dans son esprit.

Elle avait appris à nager, à ne pas se plaindre, à se taire, à écouter, à organiser, à se battre, à se faire respecter. Elle était capable de se priver de nourriture durant plusieurs semaines lors des pénuries, elle arrivait à remonter le moral des troupes lorsqu'il était au plus bas. Les esclaves lui faisaient confiance, car elle leur avait promis la liberté dès la fin du voyage.

Et trois ans, ses muscles s'étaient développés, elle était également devenue une excellente combattante, et si elle s'exerçait toujours au tir à l'arc, elle connaissait maintenant le maniement des dagues, épées, pistolets, fusils et canons.

Grâce à l'enseignement de Wylliam, elle était désormais capable de se guider à l'aide des étoiles.

Wylliam.

Il était beau, Wylliam.

Du haut de ses onze ans, elle le voyait comme l'homme idéal, celui qu'elle voudrait comme compagnon : grand, beau, fort, protecteur, loyal, gentil, intelligent...

Et un peu trop âgé pour elle.

Et puis, elle était un garçon, désormais. Les amours, c'est impensable. Le travail et le bateau d'abord. Elle avait aussi découvert l'autre aspect des marins... Certes, il étaient buveurs, débauchés, violents, fainéants... Mais ils avaient une qualité, une seule notable pour tous : ils étaient obéissants.

Et ça, elle l'avait bien noté, remarqué, analysé. Et en avait déduit une chose : lorsqu'elle serait Impératrice, elle irait d'abord chercher les marins.

Car elle n'avait pas abandonné ses rêves de puissance.

Non.

Mais la priorité était aux Dieux.

一 Isidore, tu rêvasses encore. Concentre-toi sur la leçon, soupira une voix bien connue.

一 Dites-moi, sir Wylliam, pourquoi faites-vous parti de cette expédition, si vous ne croyez pas en les Îles dont parle Jo ?

一 Le capitaine Joséphan.

一 Le Gros Jo, oui... Alors, pourquoi ?

Il y eu un temps d'hésitation, puis, le blond lâcha :

一 Pour impressionner. Mon père refuse que je sois marin. Si j'arrive à survivre aussi longtemps en mer, et que, en plus, nous trouvons les Dieux... Peut-être me couchera-t-il sur son testament ? Il refuse de reconnaître que je suis son fils depuis que je n’ai démontré aucun talent et aucune passion pour les meurtres et aux horreurs...

一 Ton père est un espion ?

一 Non. C'est l'Empereur.

一 L'Em...

Wylliam haussa les épaules, désabusé.

一 Oui.

Et il reprit la leçon.

C'était étrange... L'Empereur Balaman, Isadora l'avait déjà vu, il était comme Brutus : grand, brun, les yeux noirs et le visage large.

Wylliam, lui, était blond, les yeux bleus et avait le visage fin.

Rien en lui ne lui rappelait la famille impériale.

L'Impératrice non plus, ne lui ressemblait pas. Elle était petite, ronde et avait les cheveux noirs et gras.

Non, vraiment.

L'évidence était là : ou l'homme mentait, ou il n'était pas légitime.

Isadora espérait fortement la première solution, car, pour obtenir le pouvoir, il ne lui faudrait aucun prétendant au trône. L'autre solution étant d'épouser cette personne... Or, lorsque l'enfant aurait atteint l'âge minimum pour prétendre au mariage, Wylliam, lui, serait marié depuis longtemps. Il lui faudrait le tuer, ou renoncer. Bien que l'idée la répugne, elle ne voyait pas d'autre option que d'avoir son sang sur les mains... Quoique, un accident est si vite arrivé… Elle secoua la tête pour se sortir de ces pensées morbides. L'heure n'était pas à la fermentation de meurtre.

Non.

Il fallait trouver les autres Élus et sauver les Dieux... Puis trouver ces îles où se cachaient lâchement leurs geôliers.

Soudain, la porte s'ouvrit à la volée :

一 Des pirates ! hurla le mousse.

La petite se rua alors à l'extérieur et vola la longue-vue du capitaine.

一 Ils sont à cent mètres au sud. Nous ne pourrons pas les semer. Ils ont sept-cent canon, et nous trois-cent cinquante. Il va falloir doubler la vitesse du bateau et celle du tir. Je veux quatre boulets à la minute.

一 Nous ne tiendrons pas le rythme ! protestèrent la plupart des marins. Les autres, eux, regardaient le petit mousse avec surprise : il avait prit le rôle du capitaine si facilement !

一 Nous devons tenter le coup ! répliqua fermement la jeune fille.

Aussitôt, tout le navire se mit en état de guerre, la moitié des effectifs dirigeant les voiles, doublant ainsi la vitesse du bateau. L'autre moitié chargeait les canons de manière à augmenter le nombre de tirs.

Isadora, elle, dirigeait les opérations avec autorité, comme si elle l'avait toujours fait.Dès les premiers tirs de l'ennemi -qui tombèrent dans les flots- la petite comprit que les pirates n'en étaient pas... du moins pas des plus expérimentés...

Enfonçant presque la longue-vue dans son œil, elle observa les mouvements du navire adverse.

一 C'est un navire commercial...

Son cerveau analysa la situation avec rapidité.

一 Modifiez l'angle ! Ne le faites pas couler !

S'ils ramenaient ce bateau plein au pays le plus proche, elle monterait peut-être en grade et pourrait quitter l'univers de la navigation.

Elle avait beau rêver de puissance, la violence, ce n'était qu'une solution de défense, pas d'attaque. Pour ça, il y avait la négociation, et cette étape semblait grillée.

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