Chapitre 10

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Isadora n'avait pas embarqué depuis plus de dix minutes et elle était déjà occupée à récurer les canons. Le vent balayait ses cheveux et le froid la mordait jusqu'aux os. Ses bras et son dos la faisaient souffrir, tant sa position était mauvaise. Le capitaine avait annoncé un voyage de quatre ans... C'était bien trop long ! Mais elle avait déjà prévu de s'échapper dès qu'elle en aurait l'occasion. Dès la première escale si possible. Mais en attendant, elle était coincée là, pliée en deux, à nettoyer les armes qui n'avaient sans doute pas vu de torchon depuis des lustres.

Derrière elle, nombreux étaient ceux occupés à laver, récurer, recoudre... mais c'était à elle que l'on avait offert la tâche la plus ingrate. La poudre encore présente lui collait à la peau.

Des ricanements se firent entendre dans son dos... Loin de se démonter, la petite se tourna, prit un chiffon et le lança sur le capitaine qui se moquait d'elle.

一 Aidez-moi, ça ira plus vite !

Approximativement trente seconde plus tard, elle se trouvait suspendue au dessus de l'eau, la main du gros bonhomme se resserrant autour de sa gorge. Elle tenta faiblement de se débattre alors que l'air se raréfiait et que l'étreinte se resserrait autour de sa gorge. Un cercle se formait autour d'eux, tous se demandaient pourquoi le capitaine ne se contentait pas des punitions habituelles.

Adossé à l'un des mâts, le blond observait. Calme. Il attendait. Isadora le voyait, lui et ses yeux bleu océan, elle avait l'étrange impression de la connaître... Et qu'il allait l'aider. Elle voulait qu'il l'aide, après tout, sans lui elle n'aurait pas été acceptée...

Elle le regarda dans les yeux, alors que ceux-ci se remplissaient de larmes dues au manque d'oxygène.

一 C'est bon, Jo, tu t'es bien amusé, lâche-le maintenant, finit par dire le blond, toujours nonchalamment adossé au mât.

A ces mots, l'étreinte se resserra autour de sa gorge. Isadora ferma les yeux. Elle ne voyait plus rien ainsi. Elle pourrait mourir tranquille. Pourtant, si l'étau se desserrait, la poigne semblait moins forte, comme si le bras faiblissait. Elle ouvrit les yeux et vit avec effroi que le capitaine avait sorti son pistolet et qu'il le braquait sur le blond, un air méchant sur le visage. L'homme, lui, semblait toujours détendu.

一 Tu m'as dit qu'il était à ma charge. Il l'est. Tu m'as dit qu'au moindre pas de travers, il ira dans la cale. Pourquoi tente-tu de le tuer ?

Le capitaine appuya légèrement sur la détente. Son visage rouge était devenu cramoisi. Isadora peinait à rester consciente, le blond était calme et des protestations commençaient à se faire entendre. Puis, brusquement, la main qui l'étranglait se relâcha et elle tomba à l'eau.

Privée d'oxygène depuis trop longtemps, affaiblie et le cou douloureux, la petite se laissa couler. Sous la surface, tout était calme. Les sons lui semblaient lointains, les problèmes imaginaires... Tout était flou, brun et vert, elle qui avait toujours tout imaginé bleu. Doucement, elle remonta à la surface. Sur le bateau, elle voyait uniquement le dos du capitaine et les silhouettes des autres marins.

Elle prit une grande bouffée d’air, sentant avec délectation l’oxygène passer dans ses poumons, puis cligna des yeux en regardant le ciel. Son coeur et sa respiration enfin calmés, les poumons douloureux, une question s'imposa sans son esprit :

Comment remonter à bord ?

Les voix du blond et du gros rougeau lui parvinrent.

一 Tu te trompes de voix, Jo, notre but n'est pas de tuer des enfants innocents.

一 Innocents, ma parole ! Ils sont vicieux !

一 Il faisait de l'humour.

一 Ce gosse n'a rien d'un marin, qu'il reste au fond de la mer !

Ne se retenant plus d'exploser, la brunette hurla :

一 Eh ben il est pas loins votre fond ! Aussitôt, tout l'équipage s'ameuta sur le bord du navire sous les cris de rage de leur chef. On lança une corde et Isadora put revenir sur le plancher...

Pour se retrouver sous la menace du couteau du gros capitaine. Elle était bien tentée de le mordre, mais elle trouvait que cela faisait trop "fille" et qu'elle se ferait démasquer.

一 Je peux aller dans la cale si vous voulez, se contenta-t-elle de dire, fatiguée par le destin qui s'acharnait sur elle.

D'abord les Dieux, puis Brutus, puis la capitale tout entière, puis les rochers dans la forêt, puis le tronc d'arbre en plein milieu de la route, et maintenant ça !

Non, vraiment, le destin était cruel avec elle.

Le blond sourit.

一 Tu vois, Jo, il est d'accord.

Grognant en voyant que tous se ralliaient à son adjoint, Jo attrapa la brunette par la peau du cou et la poussa dans les entrailles du navire.L'endroit qu'elle découvrit était sombre, sentait les excréments et grouillait de... d'enfants nus.

Où était-elle donc tombée ?

一 Voici ta nouvelle demeure jusqu'à nouvel ordre, essaie seulement de t'échapper et tu mourras...Il allait partit lorsqu'il se retourna vers elle et déclara :

一 Fais comme tout le monde et enlève tes vêtements.

La rage qui habitait à cet instant Isadora était phénoménale. Elle se sentit bouillir d'une telle haine qu'elle se jeta sur Jo et commença à le marteler de petits coups de poings en hurlant. Elle le griffa et tenta de déchirer ses habits pour atteindre la peau. Elle rêvait de le voir souffrir, tout en sachant qu’elle n’avait pas la force suffisante pour y parvenir.

Si ses gesticulations n'eurent d'autre effet que de faire rire le cruel homme, elle alerta l'adjoint blond qui descendit à son tour.

一 Jo ! On avait dit, “bien traités” ! Il décolla Isadora du capitaine et remonta en criant :

一 Je veux que chaque matelot m'emmène une de leur tenues, maintenant !

Quelques minutes plus tard, chaque enfant était habillé et avait mangé. Isadora fut réquisitionnée comme mousse du second, qui se révéla s'appeler Wylliam. Son travail ? Laver, récurer, faire le lit, plier le linge... Et lui tenir compagnie lorsque la mer se ferait moins douce. Ce n'était pas une place amusante, mais Wylliam lui promis qu'il la laisserait passer du temps avec le couturier, qui réparait les voiles. Rien de mieux que de faire de la couture lorsque l'on veut se faire passer pour un garçon, n'est-ce pas ?

Mais là, au moins, Jo ne l'embêtait pas.

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