Chapitre 4

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Le ciel bleu et sans nuages remontait le moral de l'enfant au fil des secondes passées au soleil. Isadora avait mal aux pieds d'avoir dansé avec l'équipage. Le capitaine en personne lui avait demandé de dîner avec les officiers ! Elle savait bien qu'il lui fallait se préparer pour ce repas, tenter de retirer tout le sel de ses cheveux et de tenter de mettre autre chose que ces habits dans lesquels elle venait de se dépenser... Mais elle voulait profiter de ces derniers instants de liberté.

Au loin, elle voyait le soleil se coucher sur l'océan... Combien de temps était-elle restée à contempler le ciel, sans penser ? Elle l'ignorait, et ne voulait pas le savoir, car, pour la première fois depuis trois ans, elle espérait pouvoir accomplir la mission qui lui avait été confiée. Elle se dirigea vers sa cabine, attacha ses cheveux et se changea, n'ayant aucun vêtement féminin, elle se contenta d'habits de mousse propre et repassés.

La cabine du capitaine était pleine, il fallait avouer qu'elle n'était pas très grande, car le capitaine touchait le plafond de la pointe de ses cheveux. Il y avait trois sous-officiers, quatre officiers et le second... Ainsi qu'une autre personne. Un enfant. Plus âgé qu'elle... Pas vraiment très grand, le visage carré, les cheveux noirs et plutôt gras...

一 Brutus. souffla-t-elle.

Il y avait tant de haine dans ce simple mot que toutes les têtes se tournèrent vers elle.

一 Et toi, tu es... ? répliqua l'autre, plein de dédain.

Le sang de la brunette ne fit qu'un tour. Comment osait-il ?

一 Isadora, ça ne te dis rien ?

Les adultes observaient en silence l'affrontement. N’osant intervenir, sachant pertinemment quel était le titre de l’enfant.

L'adolescent pâlit. Légèrement, maîtrisant ses émotions. Mais elle, elle le vit.

一 Tu me croyais morte, peut-être ? ricana la brune, cynique.

一 Non, bien sûr...

一 Brutus !

Le silence s'était fait. Isadora, le regard noir, les mains sur les hanches, prête à sortir sa dague, attendait que son ancien meilleur ami s'explique...

一 Nous étions des enfants, tu ne vas m'en vouloir pour quelque chose qui date de... dix ans ?

一 Trois.

一 Si tu veux.

一 Ah, mais je ne voulais pas ! C'est toi qui t'es amusé à raconter n'importe quoi ! Tu sais ce qu'ils mon fait, tes merveilleux petits sujets ? Ils m'ont lapidée, pourchassée, jusqu'à épuisement... Tout ça parce que tu as vu quelque chose que tu ne comprenais pas.

一 Tu n'es pas normale !

一 Personne ne l'est.

一 Et-

一 Et certainement pas toi, alors tu vas te taire, t'asseoir, ranger ton épée, je sais que tu l'as dégainé, et m'écouter bien attentivement.

Le prince obéit, surpris. Il ne l'avait jamais vue ainsi. Et il devait admettre que l’autorité lui allait très bien.

一 Nous étions les meilleurs amis du monde.

一 Nous étions des enfants...

一 Je t'ai dis de te taire !

Le voyant baisser la tête, elle eut un léger sourire. C'était trop facile.

一 Brutus... Un jour, tu seras amené, je ne l'espère pas, à devenir Empereur. Un bon Empereur ne doit pas juger les personnes qu'il voit à partir de stupides préjugés.

一 Je-

一 Ais-je été assez claire ?

一 Oui, bien sûr, ce qui ne veut pas dire que je vais t'obéir au doigt et à l'œil, je ne suis pas un chien. Tu remarqueras aussi, que mon père est déjà mort, et que je suis donc déjà Empereur, je me rends au mariage de ma cousine... Sache que je suis très aimé de mes sujets et pas aussi idiot que j'en ai l'air.

一 Ah oui ?

一 Parfaitement.

一 Dis moi, Brutus, toi qui est si parfait, sais-tu ce que vivent ceux qui sont traqués ? Ou ceux que l'on condamne parce qu'ils aiment ? Ou encore, les petites filles qui aident leurs amis ?

一 Tu es fatigante.

一 Je suis réaliste. Je l'ai vu, moi, le monde extérieur. Et je sais que L'Empire est loin d'être à tes pieds.

一 Qu'est-ce que tu insinue ? On traque ceux qui le méritent ! Tu m'as pas aidé, tu as tenté de me tuer ! Et on n'a jamais condamné quelqu'un parce qu'il aime ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ! Tu es devenue complètement folle !

Les hommes autour d'eux suivaient l'échange sans réellement comprendre.

一 Et les relations entre personne du même sexe ?

一 C'est illogique ! L'Homme est fait pour se reproduire !

一 Il est fait pour aimer. Tu ne peux pas contraindre la nature de quelqu'un.

Il la regarda un instant.

一 Tu en sais quelque chose, toi, n'est-ce pas, sur la nature des personnes. Démon !

一 Je n'ai jamais tenté de te tuer ! Jamais ! Tu le sais ! Je t'aurais servie jusqu'à la mort ! Tu le sais !

Son regard glissa sur le sol.

一 Oui, je le sais...

Elle s'approcha de lui. Doucement.

Elle ne s’en rendait compte que maintenant, mais son cœur battait douloureusement vite dans sa poitrine.

一 Brutus... C'est ta dernière chance. Change les lois. Rends les Nordistae heureux.

一 Et sinon ?

一 Je te tuerais.

一 Tu vois que tu veux ma mort ! souffla-t-il avec un sourire moqueur qui laissa Isadora de marbre, à son grand désespoir.

一 Seulement depuis que tu veux la mienne.

Son regard sur elle avait changé, il était à la fois méfiant et admiratif.

Leurs regards s’étaient accrochés. Des informations fuientaient de ses yeux, l’adolescent le savait. Il savait aussi qu’Isadora était parfaitement capable de les interpréter…

Et Isadora comprenait. Elle comprenait très bien ce qu’il se passait dans la tête de son ancien ami. Et elle avait presque pitié de ce grand gamin qui disait tout le contraire de sa pensée. Il avait été tellement formaté qu’il s’était oublié.

Le silence quelque peu lourd qui pesait dans la petite pièce fut interrompu par un éclat de rire venant du prince.

一 Comme l'as-tu su ?

Comme lorsqu'ils étaient enfants, elle avait directement compris de quoi il parlait.

一 Je l'ai toujours su.

Le repas fut servi, et, malgré la tension encore évidente de la part d'Isadora envers son ancien ami, aucun événement notable apparut... Du moins, avant le dessert...

一 Dites moi, mademoiselle, qu'avez-vous donc bien pu faire pour mériter un tel châtiment de la part de l'Empereur ?

Les deux concernés se regardèrent un instant et optèrent immédiatement pour leur tactique favorite : le mensonge.

一 Nous jouions dans les bois et elle me poursuivait. Je suis tombé dans un trou, qui était un piège de chasseur. L'intérieur était tapissé de pièges à fermoirs à dents... Un véritable piège meurtrier. Comme son père pratique occasionnellement la chasse, je les ai soupçonnés. C'est tout.

La brunette acquiesça doucement. Puis, les deux enfants se remirent à manger tranquillement, sans répondre aux autres questions. Il valait mieux enfouir le passé.

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