Chapitre 6

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Le temps passait lentement sur le bateau, entre dîners chez le capitaine ou les officiers et soirées à la belle étoile avec Brutus.

Après tout, ils étaient désormais fiancés.

Fiancés ! Cette idée la faisait bien rire, car son ancien ami ne faisait pas beaucoup d'efforts pour masquer son mauvais caractère.

La nuit, elle dormait très peu. La jeune fille avait emprunté des cartes à Herbert. Du matin au soir, du soir au matin, de jour comme de nuit, elle lisait et apprenait chacune des cartes...

Et aucune ne mentionnait les îles Perdues.

Remarquons une certaine logique, avait-elle pensé, ces îles sont justement perdues. Si je les avais trouvées aussi facilement, je me serais inquiétée…

Les îles Perdues. C'était son obsession depuis qu'elle avait appris leur existence.

De nombreux mythes circulaient dessus dans son ancien navire. Certains y voyaient des îles d'or, d'argent et de diamant, d'autres la résidence des Dieux... Certains imaginaient un lieu de transition entre la vie et la mort, les uns disaient que c'était la fin du monde et les autres un endroit où l'on pouvait obtenir la vie éternelle. Tous s'accordaient à dire que cet endroit était introuvable... Et beaucoup le cherchaient.

Isadora, elle, était persuadée que les Dieux Maléfiques s'y cachaient... Qu'ils les attendaient, et qu'il y dirigeaient la vie des hommes à leur guise. Comme des petites marionnettes.

Elle savait déjà que dès qu'elle aurait retrouvé tous ses homologues, elle et eux, iraient chercher cet endroit. Il existait forcément, puisque tous avaient connaissance de son existence... sans vraiment pouvoir la prouver.

Les cartes mentionnaient tout ce que la jeune fille connaissait déjà, de part ses leçons avec Wyll et par celles de Brutus et de son précepteur qu'elle avait espionné bien plus tôt.

Cela la surprenait toujours, l'idée d'être fiancée à Brutus... Elle savait déjà que ce dernier serait incapable d'être un bon mari. Elle savait aussi qu'il cherchait à se débarrasser d'elle d'une manière ou d'une autre... après s'être fait pardonné.

Cet esprit d'analyse, elle l'avait rencontré au palais. Là-bas, elle avait vite compris que si on ne complotait pas ou si on ne courbait pas l'échine, on était exécutés. Alors elle avait commencé à surveiller tout le monde...

Cette presque paranoïa l'avait rendue très susceptible et atrocement intelligente pour le pauvre prince qui peinait à additionner deux et deux... Aussi, elle faisait bien souvent ses devoirs. Elle le faisait car elle aimait l'idée que son ami soit dépendant d'elle. Isadora avait toujours aimé le pouvoir.

Mais là, dans ce bateau, au milieu de l'Océan Bleu, elle avait peur. Peur de ne pas réussir. Peur de devenir mauvaise. Maléfique.

Alors elle bridait son caractère. elle le modelait... Sans vraiment arriver au résultat escompté. Souvent, son tempérament de meneuse prenait le dessus... Et elle et Brutus se mettaient à se crier dessus.

Mais comme il disait, "au bout de trois ans, il ne fallait pas s'attendre à moins" et, pour une fois, elle était bien d'accord.

Mais ce qui impressionnait le plus dans ces nouvelles relations, ce n'était pas les disputes avec l'Empereur, non.

C'était Herbert.

Il était d'une gentillesse et d'une prévenance rare.

Il avait fait décorer sa cabine et teintures rouges et bleues, et avait demandé au couturier de lui coudre des robes dans certaines étoffes, qui étaient censées être pour les dames du Pays de l'Ouest...

Herbert semblait tout faire pour qu'elle se sente bien, en confiance.

Isadora lui en était reconnaissante, car elle n'avait pas été choyée depuis bien trop longtemps. Elle le soupçonnait de faire cela à cause de sa grande ressemblance avec le fille du capitaine, mais ne lui en tenait pas rigueur. Qui aurait pu ?

Parfois, le voilier tanguait, la nuit. A son habitude, elle restait éveillée, mais ne pas être en état d'alerte constant lui offrit quelques surprises... Il est parfois désagréable de tomber de son lit aux alentours de trois heures du matin.

C'était d'ailleurs une autre chose que l'enfant avait découvert : le décalage horaire... En effet, un regard plus affûté avec le temps lui avait permis de constater que son précédent voyage... n'avait été que de tourner en rond dans la Mer Brune, alors qu'ici, ils avançaient.

Ils avançaient très vite. Si vite qu'ils réussirent à semer quelques pirates et les autres frégates les accompagnant. Mais cela ne dérangeait point le capitaine qui continuait sa route.

Mais ce soir là, il avait fait un temps venteux toute la journée et la nuit, alors que seuls deux matelots se relayaient, un grand bruit fit sortir tous les passagers sur le pont : le mât venait de se briser sous les assauts des vents contraires.

Le bateau tanguait. Des vagues hautes comme des montagnes s'élevaient et se rapprochaient. Isadora, elle, n'avait pas réfléchi.

Courant de chaque côté du navire, elle donnait des ordres, comme si aucune autorité n'était présente.

Elle hurlait contre la tempête, raccrochant elle-même les voiles déchirées.

Quelques minutes plus tard, malgré toutes ses précautions et son œil enfoncé dans la longue-vue, ils heurtaient un rocher...

La panique s'emparait du navire : ils allaient tous mourir !

Les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, Isadora regardait ce qu'avait heurté le navire. Ce n'était pas un rocher.

一 C'est une baleine !

La grande dame des cétacés nageait dans les eaux agitées comme dans de la soie, le navire ne lui posant aucun souci apparent...

La jeune fille était au bord du désespoir : accroché à l'animal géant, le bateau suivait chacun de ses mouvements et des voies d'eau s'ouvraient dans les cales.

一 Nuit ! Nuit ! Aidez-moi ! Je vous en supplie !

Mais aucune réponse ne lui parvint, si ce n'est un début d'orage peu rassurant. Impuissants, l'équipage entier tentait d'endiguer la catastrophe, de limiter les dégâts... mais, déjà, la coque se scindait en deux...

一 Nuit !

Les cris d'Isadora déchiraient le ciel d'encre. Elle était désespérée face au chaos et aux ténèbres qui l'entouraient. Désespérée, elle se jeta dans l'océan, comme s'il allait lui apporter le moindre réconfort.

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