Chapitre 10

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Isadora ruminait.

Elle avait la preuve selon elle, qu'elle avait vu juste... Sans réelle preuve, justement ! Et Brutus qui, malgré ses espoirs, n'était, effectivement, qu'un imbécile sans cœur ni âme... Alors comme ça il aurait préféré la voir morte ? Il s'en mordra vite les doigts, elle s'en était fait le serment ! Du haut de la vigie où la petite était discrètement grimpée pour éviter les foudre du capitaine, elle guettait la moindre parcelle de terre en vue.

Le vent fouettait ses cheveux, l'air marin emplissait ses poumons... Elle adorait grimper en haut de la vigie. Elle avait le sentiment d'être libre.

一 Isadora, tu descends, immédiatement !

Repérée par le capitaine hyperprotecteur, le jeune fille lui sourit à pleine dents avant de lui tirer la langue et riant. Puis elle reprit son activité de recherche...

L'océan était d'huile, bleu et clair... Pas un nuage en vue. Le temps idéal pour trouver un port Ouestae.

Alors que son regard se perdait dans la contemplation des reflets du soleil dans l'eau, elle aperçut une longue forme sombre…

一 Terre en vue ! hurla-t-elle.

Nombreux furent ceux qui sautèrent de joie.

Acclamée par tous les navires, elle se retrouva bientôt face au capitaine papa-poule, comme elle le surnommait dorénavant.

一 Tu aurais pu tomber !

一 Comme si ça m'effrayait, rit-elle avant de lui flanquer un bisou sur la joue. Le silence se fit sur le bateau.

一 Que...

Elle riait encore, grisée.

一 Tu est vraiment fatigant à t'inquiéter comme ça !

Brutus, lui fronçait les sourcils…

一 Tu as bu ?

J’ai onze ans, idiot ! grogna-t-elle en son fort intérieur.

一 Non ! Je suis libre !

Isadora était ivre de bonheur, pour la première fois depuis trois ans, elle allait retrouver la terre ferme !

Elle attrapa la main de Brutus et commença à danser.

La joie qui transparaissait dans ses traits était irréelle.

La jeune fille était transportée.

Elle allait pouvoir marcher sur la terre. Revoir les arbres. Courir dans les ruisseaux. Jouer avec les autres enfants. Respirer un air sans sel. Rencontrer des personnes nouvelles. Trouver les autres Élus. Voyager. Prévenir le roi Shu. Détruire le Complot. Éloigner Brutus... Tant de rêves qu'elle allait pouvoir réaliser !

La terre n'était pas loin, d'ici de lendemain, ils seraient tous au port...

Les Ouestaes étaient un peuple connu pour son vin et ses fêtes, et cela la faisait rêver, elle qui avait vécu dans un pays fermé et triste.

Brutus tentait de s'échapper de son étreinte et de sa ronde endiablée. Les autres marins avaient suivi le mouvement... Plus l'Empereur se débattait, plus elle resserra l'emprise sur lui pour le forcer à danser.

一 Qu'est-ce qui te prend ?

一 Cela s'appelle être heureuse, Brutus, laisse moi en profiter.

Mais il continuait à se débattre.

Finalement, elle le relâcha, pour former une ronde avec les matelots. Durant des heures, elle dansa. Avec les marins, les matelots, les officiers et le capitaine. Elle dansa avec toute sa force, toute sa bonne humeur.

Pour une fois, rien qu'une fois, elle décida d'agir de manière enfantine. De mettre de côté la quête des Élus, le mariage avec Brutus, le complot et sa ressemblance avec le capitaine. Elle voulait avoir une vie insouciante durant ne serait-ce que quelques heures.

La sensation de légèreté qui accompagnait son attitude infantile la rendait euphorique. Elle avait l'impression de pouvoir tout faire, tout réussir...

Elle attrapa l'harmonica d'un mousse et commença à jouer. D'abord hésitante, puis, voyant qu'elle n'avait rien perdu de ce qu'elle avait appris lors de son premier voyage, elle commença à accompagner le fêtard en tapant la mesure du pied devant du Brutus médusé.

一 Mais... Qu'est-ce qui t'arrive ?

Elle cessa de jouer un instant pour lui répondre en criant :

一 T'es bouché ou quoi ? J'ai dit je je suis heureuse ! Laisse-moi profiter, bon sang ! Vas ronchonner ailleurs !

Elle le poussa sur le côté et continua à jouer, le sourire aux lèvres, savourant ce bonheur simple qu'était rendre les autres heureux.

Elle avait sauvé le bateau, elle allait sauver un roi, elle allait sauver le monde...

Dans ce nouveau pays, elle serait, certes, étrangère, mais plus le monstre, la fille bizarre... Et elle pourrait facilement fuir avec toutes les cartes qu'elle avait apprises par cœur.

Par la première fois depuis très longtemps, elle ne se sentait pas fatiguée, au contraire : elle rayonnait de vitalité !

Les rayons du soleil tombaient sur sa peau hâlée avec le temps et son avenir semblait sans nuages... Rien de tel pour une bonne fête en plein milieu d'un Océan !

Elle ne pensait à rien, toute sa concentration étant tournée vers l'harmonica et les marins qui dansaient autour d'elle.

Du coin de l'œil, elle voyait le capitaine papa-poule se détendre et rire, tout en la surveillant plus ou moins discrètement...

Isadora avait réfléchi et pensait être la petite-fille du capitaine... Mais ça, elle le gardait pour elle, sa vie était déjà assez compliquée comme ça !

Surtout qu'une simple enfant de marin ne pourrait jamais accéder au pouvoir...

一 A quoi pense-tu ? lui demanda maître Koq.

一 Au bonheur de revenir enfin sur la terre ferme...

一 Tu n'as pas l'âme marine ?

Elle s'esclaffa :

一 Pas du tout ! Je suis terrienne, moi !

一 Pourtant, tu as l'air d'aimer la vie en mer...

一 Pas vraiment... Mais je m'y suis fait. je pensais être faite pour ça, mais je me suis trompée... Et puis, en mer, c'est un peu la routine ! Moi j'aime m'attendre à tout !

一 La routine ? En mer ? On a pas la même perception de la routine, alors !

Isadora éclata de rire.

Coupant court à la conversation, Isadora remonta dans la vigie. Elle avait décidé d'y passer les derniers jours, afin de ne rien manquer de leur rapprochement du Pays de l'Ouest...

En quelques heures, elle avait monté en haut du mât coussins et couvertures ainsi que quelques vêtements. Libre.

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