Chapitre 1

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Plus les heures s'égrenaient, plus la terre se rapprochait, plus Isadora s'impatientait. L'euphorie était à son comble, chacun attendait le moment où le navire entrerait dans le port. Du haut de la vigie, elle observait tous les faits et gestes de chacun et toute la progression du bateau vers le port.

Le soleil se couchait, teintant l'eau d'or, alors que la flotte entrait au port sous les acclamations enthousiastes de la foule Ouesae.

L'Empereur et sa "cousine" furent accueillis chaleureusement et Isadora aperçut du haut de son mât, accompagné d'un immense cortège de gardes, musiciens, soldats, danseurs et courtisans, le roi Shu.

Shu était un homme petit. Très petit. Bedonnant et souriant. Il se dégageait de lui un charisme incroyable et une joie de vivre monumentale.

Le petit roi s'approcha alors de la présidente pour la saluer d'une gracieuse courbette... légèrement ironique et grandiloquente.... Et le regard froid.

Ce regard confirma les doutes d'Isadora : il n'y avait aucun amour entre ces deux-là, au contraire. La brunette descendit de la vigie pour se mêler à la foule le plus discrètement possible.

一 Isadora !

La jeune fille s'immobilisa pendant que la foule s'écartait pour laisser passer un Brutus hors de lui.

一 Mon cher oncle, dit-il au roi, voici ma fiancée, Isadora... Bien sûr, notre mariage attendra l'âge légal de cette... petite sauvage. Espérons qu'elle se sera assagie.

一Je te déteste, grogna-t-elle à son oreille.

一 Je sais, répliqua-t-il, fière de lui.

S'il pensait ainsi la surveiller, il se trompait car quelques instants plus tard, elle discutait politique avec le souverain de l'Ouest. Ils étaient du même avis sur l'évolution de la société : la brutalité était de plus en plus présente.

L'homme et la jeune fille s'entendaient si bien que, délaissés, Lillyah et Brutus commencèrent à chuchoter dans leur coin de manière suspecte.

Les ayants repérés, Isadora souffla au roi :

一 Sire, je soupçonne Brutus et Lillyah de comploter contre vous, murmura-t-elle précipitamment.

一 Je m'en doutais...

Le cortège traversait les villes mais, contrairement aux Nordestae qui se déplaçaient à cheval, les Ouestae préféraient la marche.

Isadora se rappela alors des longues distance qu'elle avait traversée, enfant. Par la faute de Brutus... Ce dernier eût d'ailleurs la maladresse de se plaindre plus ou moins discrètement et le brunette lui répliqua vertement qu'il n'avait pas eu à subir un exil forcé précédé d'une lapidation, lui.

Le silence se fit lorsqu'ils entrèrent dans la cours du palais royal. La famille royale les regardait, le regard noir, l'air dégoûtés.

一 Ce n'est qu'une enfant ! lâcha une petite femme qui ressemblait beaucoup à Shu.

Tous se regardèrent, perplexes. Puis Lillyah s'avança :

一 C'est moi, la fiancée de Shu...

Isadora se tourna vers l'Empereur qui, voyant le coup venir, recula vivement, alors qu'Isadora ne masquait pas son déplaisir :

一 Et moi celle de... Brutus.

Tournant légèrement la tête, elle évalua la richesse du lieu.

Elle se souvenait légèrement du palais impérial, bien que la plupart de ces souvenirs soient affectés par ceux des bons moments passés avec le prince avant qu'il ne la repousse... La brunette se souvenait d'un immense bâtiment d'or blanc, d'or blanc, de marbre blanc, de calcaire blanc, de granite blanc et d'argent blanchit... Et de l'odeur forte de la peinture blanche qui régnait dans les couloirs.

Ici, les murs étaient de couleur pastel, dégradés de l'orange au bleu en une magnifique palette de couleurs. Les toits étaient bleus, se confondant avec le ciel... Tout semblait doux et cotonneux. Un tapis rouge pastel menait à la grande porte, jaune pastel. Tout avait un côté enfantin.

Dès qu'ils entrèrent dans la grand hall, elle découvrit un intérieur remplis de coussins, de tapis, de rideau... Un endroit chaleureux, doux et calme.

Isadora, pour la première fois depuis très longtemps se sentit chez elle. Elle souriait en parcourant la pièce du regard.

一 Prenez vos aises, sourit le souverain et se laissant tomber dans un canapé. Brutus s'assit à son tour, avec beaucoup plus de délicatesse que de grâce que le roi, mais nettement moins d'enthousiasme. Lillyah, elle, choisit un fauteuil ayant un dossier le plus haut possible afin de supporter son dos.

Isadora, elle, continuait à parcourir la pièce, folle de joie : cet endroit était une sorte de paradis pour elle.

一 Je peux regarder votre bibliothèque ? supplia-t-elle son hôte.

一 Bien sûr !

La jeune fille se rua vers le meuble de bois gris clair et observa avec attentions tous les livres de géographie - sa nouvelle passion - tentant de retenir le plus de choses possibles tout en écoutant ce qui se racontait quelques mètres plus loin.

一 Il faut signer cette alliance au plus vite !

一 Oui, et seul votre mariage convaincra le peuple.

一 Je n'ai guère envie de vous laisser envahir les autres pays !

一 Ne vous inquiétez pas... Le votre ne risquerait rien... Et vous serez le premier à rejoindre notre alliance.

一 Plus j'y pense et plus je trouve cette idée ridicule !

一 Pourtant, vous n'avez pas le choix !

Le ton montait entre les trois dirigeants qui tentaient chacun de se faire entendre des deux autres.

一 Dites !

Toutes les têtes se tournèrent vers Isadora qui se dirigea en courant vers Brutus et le menaça de sa dague.

Les termes qu'il avait employés l'avaient révoltée. Il n'avait pas le droit de revendiquer tous les trônes de Silisisma ! Il n'avait pas le droit de menacer un autre dirigeant ! Il n'avait pas le droit d'agir ainsi ! Acheter le silence d'un homme contre la paix ! Et puis quoi encore ?

Du sang perlait sur sa gorge mais elle s'en moquait. Il était allé trop loin cette fois ! Elle-même se refusait d'aller jusque là pour conquérir le pouvoir...

一 Tu as une minute pour revenir sur tes propos !

一 Et sinon ?

一 Je te tue.

Le sourire moqueur de son ancien ami lui fit rapidement perdre son sang froid. Elle en avait assez. Il l'avait trop fait souffrir. Même ce qui avait ressemblé à de la connivence sur le bateau n'avait été qu'une mascarade.

La dague s'enfonça jusqu'à la garde dans la gorge du - trop jeune - Empereur. Son corps s'écroula face contre terre.

Isadora se tourna vers la présidente et le roi.

一 Veuillez m'excuser, sire... Et vous, madame, vous devriez changer vos projets.

Puis elle sortit et traversa la cour au pas de course.Après avoir été accusée à tord et contrainte de fuir, elle se trouvait à tuer de son plein gré et à partir comme une voleuse…

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