Chapitre 3

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Ce furent des cliquetis d'armes qui réveillèrent Isadora. Doucement, elle entrouvrit les yeux pour observer ce qu'il se passait : tous les hommes s'entraînaient, se jetant les uns contre les autres sans se soucier s'ils blessaient leur adversaire ou non. Le sol n'étant pas le meilleur endroit pour dormir, elle souffrait de par tous les recoins de son corps et n'avait qu'une envie : délier ses muscles.

Isadora les regarda un long moment, analysant comme elle le pouvait leurs techniques de combat. Puis, elle se leva et saisit son glaive avant de se jeter dans la mêlée.

Sa jeunesse et sa souplesse l'avantageaient grandement, mais, malgré toutes les épreuves endurées, son inexpérience se faisait ressentir. Elle ne faisait que frapper là où elle le pouvait sans logique apparente… Créant de la surprise, mais aussi de l’amusement chez ses adversaires.

Mais dans sa tête, tout était calculé, analysé, prévu... Elle observait les moindres failles dans les mouvements autour d'elle et frappait. Ainsi, elle se trouva vite au milieu d'un cercle d'hommes étrangement admiratifs...

一 Comment fais-tu ?

Elle ne répondit pas, les yeux posés sur le sang sur la lame... Elle devrait s'arrêter avant de faire quelque chose qu'elle regretterait. La violence ne devait pas devenir une habitude... Pourtant, au fond d'elle, elle se sentait attirée par le sang et les armes. Elle réprima son désire meurtrier et répondit avec autant de calme que son état perturbé lui permettait :

一 Je ne sais pas. Je regarde. Et je devine. C'est tout.

一 C'est tout ? répétèrent ensemble les truands.

一 Oui, c'est tout...

La jeune fille laissa tomber le glaive sur le sol de pierre, les yeux toujours fixés sur le sang. Alpha s'approcha d'elle, rassurant :

一 Le premier sang coulé est souvent difficile à digérer... Mais ne t'en fait pas, tu vas t'en remettre. Il était si gentil lorsqu'il lui parlait... Isadora repensa aux mendiants si ivres du Sans-Arêtes. Ils étaient comme eux : laids avec un cœur en or. Pourquoi n'avait-elle pas insisté pour qu'ils viennent avec elle ? Qui sait ce qui leur était arrivé ?

一 Hé, gamine, 'faut pas culpabiliser, hein ! La mort, ça fait partie de la vie ! dit-il avec sagesse.

La brunette renifla avant de demander :

一 Pourquoi vous vous cachez, vous ?

Ils se regardèrent un instant avant de hocher simultanément la tête.

一 Nous ne sommes pas qu'un simple gang de truands, fillette.

一 J'aurais dû m'en douter, il n'y a que sur moi que ça tombe ce genre d'aventure.... elle marqua une pause avant d'ajouter : Vous êtes quoi, alors ?

Ce n'était guère poli comme question, mais à cet instant, elle était atrocement vexée par son manque de chance récurrent.

一 Service Secret, gamine, Service Secret ! Au Service de Sa Majesté Shu, second du nom ! chantonna Alpha avec un clin d’oeil.

Stupéfaite, elle se laissa tomber sur un matelas - qui se révéla moins confortable que le sol - et fondit en larmes.

Autour d'elle, un grand brouhaha avait pris place, chacun demandant à l'autre comment réconforter une enfant en pleine crise de larmes.

一 Ma femme elle donne le sein à la petite... disait l'un.

一 Ta fille a six mois ! répliquait un autre.

一 'Faut p'têtre lui taper dans l'dos ? suggéra un grand blond.

一 Non ! Tu ne maîtrises pas ta force, tu vas la briser ! le réprimanda un petit roux.

一 Ah ces gamins ! soupira une personne dont le visage était caché par sa cape noire.

一 Euh, on fait quoi ? réinterrogea un grand brun à l'air stupide.

一 On dit : Comment-fait-on ? le repris un beau blond.

一 Excusez-moi, monsieur l'ex-aristocrate ! se fâcha le brun.

一 Alpha a eu dix enfants il sait comment s'y prendre, lui ! se rappela le petit roux.

一 Hey ! Ne me regardez pas comme ça ! J'les ai pas élevés, mes gosses ! se récria Alpha.

一 Mais pourquoi elle pleure ? se plaignit un géant à la peau sombre.

Isadora rêvait de leur hurler de se taire, mais un mal de crâne lui clouait la bouche. Elle ne pouvait s’empêcher de pleurer. Sa respiration s’emballait. Elle était si fatiguée. Elle avait fait couler du sang. Et ces types auraient pu le faire à sa place ! Et était si faible… Si fatiguée…

一 J'en sais rien ! s'énerva un autre, blanc comme un linge.

一 Dis, tu crois que c'est parce que c'est une fille ? demanda jeune homme à un autre.

一 P't'être... répondit ce dernier.

一 On dit : C'est fort probable ! reprit le beau blond.

一 Dites-moi, monsieur l'ex-aristocrate, vous nous ferez le plaisir de vous taire et de cesser de critiquer et d'interrompre, s'il vous plaît ! s'agaça le le bun.

一 Là c'est dit correctement ! le félicita l'ex-aristocrate.

一 Il m'énerve ! hurla le pauvre homme.

一 Dites ! On ne s'entends plus penser ici ! s'exclama Alpha.

一 Je crois qu'on a un léger problème... marmonna un jeune roux.

一 Quoi ? interrogèrent sèchement tous les autres.

一 Elle s'est évanouie.

Effectivement, la migraine due aux cris des hommes l'avait achevée et la jeune fille dormait sur le matelas inconfortable d'Alpha.

Elle rêvait...

Il y avait quelque chose dans cette pièce qui s'apaisait, qui l'aidait à trouver le sommeil, à oublier ses soucis... Tout s'était envolé lorsqu'elle l'avait réellement perçu... La veille, ça avait été quelque chose de ténu. Mais à cet instant, elle le sentait au plus profond d'elle-même...

Quelque chose ou quelqu'un lui était bénéfique.

Qui ? Quoi ? Elle n'en savait rien.

Elle était bien trop occupée à rêver.

Elle était reine. Elle avait sauvé le monde. Tout le monde l'aimait. Tout le monde avait oublié le sang versé. Wyll était en vie. Ils étaient mariés...

Oui, c'était un très beau rêve, avec de l'or, du pouvoir et de l'amour.

Ce que lui avait promis Brutus lorsqu'ils étaient enfants.

Ce dont elle avait rêvé depuis sa disgrâce.

Ce qu'elle craignait, parfois.

Ce qu'elle aimait.

Ce qu'elle désirait.

Un si beau rêve...

Elle sentait qu'on l'appelait.

Qu'on la secouait.

Mais elle ne voulait pas se réveiller.

Elle était si bien, détendue...

一 Hey, gamine ! 'Faut se réveiller !

一 Non... Dormir... Wyll... Oh ! ... Or... Elus...

一 Laissez la dormir, ce n'est qu'une enfant, fit la voix douce du roi.

Isadora se réveilla brusquement.

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