Chapitre 6

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La révélation invoqua un flot d'interrogations dans la tête d'Isadora.

Avait-il un fils ? Où vivait-il ? Comment l'aborder ? S'il avait un fils, voulait-il devenir soldat ? Et avait-il un quelconque talent particulier ? En rapport avec le feu, par exemple ? Quel âge avait-il ? Alors qu'elle dressait mentalement la liste des questions à poser et celle à garder pour elle, Isadora remarqua qu'elle était seule.

Le roi se tenait un peu plus loin dans les bras d'un grand blond aux vêtements couverts de terre. Elle ne se voyait pas interroger le menuisier comme si de rien était alors qu'il était en plein travail.

一 Mais je ne veux pas devenir menuisier !

Alors qu'elle s'apprêtait à faire demi-tour, l'exclamation la retiens.

一 Tu feras ce que je te demanderais de faire !

一 Mais...

一 Pas de discussions !

Elle aurait bien voulu s'approcher et faire comprendre à cet homme que parler ainsi à quelqu'un ne fait que renforcer la rébellion, mais elle s'abstint de tout mouvement. Elle ne voulait pas s'approcher avant d'être persuadée qu'il s'agissait bien de Flamme.

Après tout, il pouvait bien avoir plusieurs enfants...

Mais l'attitude du menuisier lui déplaisait fortement.

Le pire, c'était l'attitude soumise de son fils.

C'était... Pitoyable.

La jeune fille se détourna un instant avant d'aviser le chantier. Puis la lumière du soleil. Le temps qu'elle retourne à sa cache, il ferait nuit et les pires malfrats sortiraient... Même si elle n'avait jamais eu affaire à eux, elle en savait suffisamment pour ne pas vouloir se promener de nuit. Discrètement, elle se cacha derrière un obélisque et attendit.

Le soleil se coucha doucement sur la ville, offrant un spectacle de rouge, d'orange et de violet... L'ombre des bâtiments se devinant sur la toile colorée du coucher de soleil.

Au loin, elle entendait la charrette du menuisier partir. Elle entendait encore les rires de Shu et du jardinier mais ils s'éloignaient.

Le chantier était désert.

C'en était presque effrayant.

Mais les ombres ne devaient pas l'effrayer.

Du moins, pas celles des obélisques.

Ni celle de l'individu qui marchait silencieusement, si...

Réprimant un cri d'horreur, Isadora se plaqua contre la pierre froide de la colonne, tentant désespérément de retrouver un rythme cardiaque normal, malgré ses poumons sur le point d'imploser.

Qui était-ce ?

Un jardinier ? Certainement pas à cette heure !

Un Dieu Maléfique ? Il l'aurait déjà repérée !

Nuit ? Elle ne serait certainement pas aussi effrayante !

Flamme ? Il était partit avec son père !

Le roi ? Il était dans le château !

Alors qui ?

一 Isadora ?

La jeune fille plaqua une main sur sa bouche pour étouffer le son de surprise qui allait lui échapper.

Non…

Pas lui !

一 Je sais que tu es là...

Non... Non... Non... Non !

一 Allez, sors de ta cachette...

Ce n'était pas possible ! Un cauchemar... Elle allait se réveiller, elle allait se réveiller...

一 Isadora ! Dépêche-toi !

Respirer... Lentement... Doucement... Ce n'était qu'un mauvais rêve... Allez, à trois elle ouvrirait les yeux et tout ira bien... Un... Deux...

一 Ah ! Tu te cachais ici ! Ce n'est pas très malin ! Un obélisque, c'est facile à contourner !

Trois.

Ce n'est pas un rêve.

一 Tu es vivant.

Brutus sourit et caresse doucement la cicatrice noire sur sa gorge.

一 Non. Je suis mort. Cela fait un an que je suis mort...

一 Tu ne peux pas être mort... Sinon, je ne te verrais pas...

Livide, tremblante, elle était plaquée à la pierre comme si elle voulait s'y incruster.

一 Si, je suis mort... Mais ne t'en fais pas, je repartirai. Je voulais juste te voir. Je ne sais pas pourquoi... J'étais avec mes ancêtres lorsque j'ai été appelé, comme aspiré. Puis je suis arrivé ici et j'ai été persuadé que c'est toi qui m'a appelé.

一 Eh bien tu t'es trompé.

一 Oui.

Il la regardait, patient, attendant qu'elle se calme.

Dans la tête de la brune, tout un tas de pensées s'entrechoquaient. Elle était face à un mort - qu’elle avait elle-même tué - , collée derrière un obélisque de pierre.

Et Brutus… Brutus lui souriait, Brutus avait admit s’être trompé, Brutus… Brutus était différent.

一 Tu as changé.

一 Oui.

一 Tu... Tu voulais me dire quelque chose ? murmura-t-elle, hésitante.

一 Hum...

Il semblait hésiter.

一 Oui ?

Silence...

一 Tu sais au point où on en est, je pense que tu peux tout me dire.

Il eut un léger sourire.

一 Merci.

一 Merci ?

Pourquoi la remerciait-il donc ?

一 Merci de m'avoir ôté la vie.

La bile monta en flèche en la petite qui maîtrisa sa nausée comme elle le pouvait. Il n'avait pas dit ça ! Si ?

Elle se refusait à ouvrir la bouche, de peur de vider ses entrailles.

Il sembla comprendre mais continua.

一 Dans la mort, j'ai appris beaucoup de choses... J'ai compris tout ce que tu m'as dit, sur le bateau... Tu avais raison : il faut accepter ses erreurs... Et je suis bien plus heureux mort que vivant.

La nausée s'intensifia.

Elle ne voulait pas qu'il la remercie. Il n'avait pas le droit !

一 Et puis, je le méritais... J'espère que tu m'as pardonné pour toutes les horreurs que j'ai commises...

C'en était trop. Pliée en deux, Isadora vomi aux pieds de l'apparition.

一 Va-t-en... marmonna-t-elle.

Obéissante, la silhouette du prince s'évapora alors qu'Isadora s'adossait au pilier de pierre, en larmes.

Pourquoi était-il apparu ? Comment ?

Doucement, elle se releva et marcha en titubant, toujours tremblante comme une feuille, vers les arbres du Jardin d'Été.

Elle pourrait dormir sous l'un d'entre eux...

De loin, elle avisa un peuplier attrayant.

L'arbre lui sembla parfait.

Elle s'allongea à son pied et ferma les yeux sans pour autant s'endormir.

Une journée qui avait si bien commencé... Une si belle découverte... Et ces retrouvailles !

Pourquoi fallait-il que l'on lui rappelle si soudainement le seul véritable crime qu'elle n'ai jamais commis ? Et pourquoi de manière aussi violente ? Était-ce un message des Dieux Maléfiques ? Une manifestation de son pouvoir ? Un signe ?

La brunette s'endormit, épuisée.

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