Prologue.

8 minutes de lecture

Immobile, les yeux livides, je regardais le torrent de pluie s'abattre sur le bitume noir et abîmé de ce qui servait de rue pour les usagers chanceux de posséder une bagnole.

  • Ah que je les envie, ces fumier, pensais-je tout en regardant la longue trainée de pluie se diriger à la vitesse d'un pilote de Formule 1 vers l'égout, situé face à mes deux pieds placés de façon symétrique.

Je pensais à chacune des molécules composant ce liquide. J'esquissais un sourire lorsque mon esprit vint à comparer cela à des millions de spermatozoïdes se bousculant pour rejoindre l'ovule.

  • Pff, ricanais-je avec un sourire en coin, se dessinant sur mon visage. N'importe quoi, moi, ajoutais-je en portant ma main droite à mes cheveux comme pour me masser le crâne.

Quoiqu'il en soit, le brassage de l'eau venait de libérer certaines gouttes, bien dégueulasses au fur et à mesure de leur traversée sur le goudron qui venaient se projeter sur mes pompes.

  • Putain, grognais-je en m'éloignant de quelques centimètres du caniveau.

Voilà donc à quoi se résumait ma vie : vivre dehors en évitant de me salir avec la pluie.

  • Chouette, ironisais-je intérieurement.

Hm. Je manque à mes devoirs de bon citoyen. Laissez-moi me présenter. Je m'appelle Hadan, ça se prononce ADANE et j'ai la vingtaine. Je n'ai toujours pas d'emploi et je vis comme je le peux. Un ami a eu la gentillesse de m'héberger un moment... Trois jours pour être exact. Ce qui ne m'a même pas laissé le temps de chercher un travail. A qui la faute en même temps ? C'est moi qui ai décidé de me prendre en main. Enfin... Non. Pas exactement... Disons que j'ai arrêté mes études à l'âge de 16 ans et mes parents ne supportaient plus de me voir glander sur le canapé devant la console à bouffer des chips. Natures, soit dit en passant. Ce sont mes préférées. Enfin bref. Je dis bien qu'il "a eu" la gentillesse de m'héberger étant donné que sa pétasse de copine s'est pointée le troisième jour alors qu'elle l'avait largué comme une merde. Je vous laisse imaginer la suite. Monsieur a préféré la reprendre et me jeter dehors comme une sous-merde. Bon. Certes. J'exagère un peu. Il ne m'a pas flanqué à la porte comme un chien. Disons que j'avais bien vu qu'à l'arrivée de sa blondasse, il y avait une personne de trop dans l'appartement et ce n'était pas elle... Je l'ai surtout bien saisi quand il s'est mis à me regarder en tenant sa copine comme si nous avions passé un contrat qui stipulait que quand elle se pointerait de nouveau, je devais disparaître en un claquement de doigts. Sous ces airs de gentil garçon, je voyais bien qu'il voulait que je dégage au plus vite. A croire qu'elle allait nous prendre pour deux gays et que cela l'effrayait. Quand je pense que c'était mon meilleur ami. Bah putain ! Mon cul, ouais ! Un moins que rien ! Une merde ambulante ! Une bonne grosse merdasse de malade !

  • Enfin bref, soupirais-je. Maintenant que je suis à la rue, je n'ai pas d'autre choix que de vivre comme un clochard en attendant de trouver un travail et un petit studio. Finalement, je vais finir par me démener comme mes parents avaient toujours voulu que je le fasse. Quand j'y repense, il aurait pu me donner un peu d'argent, ne serait-ce que pour m'acheter de quoi manger. J'ai l'impression d'être parti comme un voleur ou plutôt d'avoir été chassé comme un voleur ! Heureusement qu'elle ne s'était pas pointée quand je coulais un bronze. C'est tout juste si j'avais dû sortir avec ma merde au cul, ici. Cette pensée, autant qu'elle me rendait nerveux, me faisait également rire. Tout cela était l'imagination plutôt what the fuck de mon esprit et j'en étais stupéfait.

La pluie continuait de tomber.

  • 21 heures passées..., soupirais-je. Mine de rien, cela m'emplissait d'un sentiment d'abandon. Comment peut-on laisser son meilleur ami, seul, sous la pluie à une heure pareille, en plus ?! Il doit avoir un cœur de pierre. Non. Il ne doit pas avoir de cœur tout court. Ou bien, n'est-il tout simplement pas humain. C'est peut-être un martien, qui sait ?, commençais-je à délirer.

Je continuais de marcher sans savoir où j'allais vraiment. J'évitais tout de même les quartiers sombres et mal fréquentés.

  • J'en ai marre. Ça ne fait même pas un quart d'heure que je marche et j'en ai déjà marre de cette vie de merde. Tellement marre..., disais-je en m'arrêtant un instant dans une ruelle étroite et sombre.

Je plaquais mon dos contre le mur en regardant les alentours à la recherche d'un quelconque possesseur du territoire sur lequel je venais de poser le pied. Je ne vis aucune crapule à l'horizon ou autre leader de quelconque gang.

  • Je me demande si je ne me fais pas trop de films, finalement, me rendais-je compte. C'est vrai quoi, qu'est-ce que ce tu veux qu'il m'arrive dans ce trou paumé ? Ce n'est pas comme si je vivais au Bronx, disais-je en secouant lentement ma tête de gauche à droite, accompagné d'un froncement de sourcils comme pour me convaincre de l'absurdité de mes pensées.

Mais j'étais là. Seul. Sous la pluie. A cette heure tardive. Dans une ruelle sombre qui puait la pisse.

Immobile, les yeux livides, je regardais les briques du mur présent face à moi. Je soupirais de plus en plus ne sachant que faire à cet instant.

  • Ah, frémissais-je. L'humidité du mur, due à la pluie qui s'était abattue sur ce dernier, venait de traverser mon froc ainsi que le fond de mon slip. Super ! J'ai le cul tout mouillé, maintenant, grognais-je.

Je commençais à être de plus en plus énervé. La colère montait en moi comme si je blâmais la Terre entière d'être responsable de ma situation. Alors qu'au fond, je savais que cela n'était que ma faute.

Je quittais la ruelle quand soudain des voix d'hommes se faisaient entendre. Je tournais ma tête en leur direction et vis trois mecs bien fringués. Tout droit sortis d'une grande agence reconnue. Ces derniers passèrent devant moi sans même un regard.

  • Tss. Tu parles ! Ils passent devant moi sans même me regarder. A croire que je vais les bouffer !, disais-je tout en augmentant l'intonation de ma voix pour qu'ils m'entendaient. Au lieu de m'ignorer, vous ne ferez pas mal de me donner une pièce bande de connards !, hurlais-je en leur direction.

Je n'ai eu comme réponse qu'une accélération de leurs pas dans le sens opposé au miens comme s'ils cherchaient à me fuir.

  • J'hallucine, disais-je étonné. Bande de snobinards, marmonnais-je en plissant les yeux. Sales richards complexés de la zigounette !, ajoutais-je à haute voix comme si je m'adressais à un public.

Mais il n'en était rien. J'étais seul... Et devant cette réalité décevante, je laissais tomber ma tête entre mes bras et commençais à pleurer. Je me mettais à imaginer que chacune des larmes de mon corps représentait les grammes de loositude qui sommeillait en moi et ce, depuis ma naissance.

Soudain, le vide qui m'emplissait avait été remplacé par une rage incroyable. Une rage que je n'avais encore jamais ressenti auparavant. Je me levais alors et regardais en direction du ciel. Les larmes continuaient de coulaient telles la pluie sur le bitume. Je m'avançais au milieu de la route comme si je venais d'avoir une illumination.

  • Et toi, hein ?! Qu'est-ce que tu fous, là haut, hein ?!, criais-je tout en tendant les bras, les paumes de mains dirigées vers le ciel. Ne peux-tu pas t'occuper de moi, un peu ?! Ne vois-tu pas que je vais mal ?!, ajoutais-je en faisant valser mes bras de bas en haut. Mais merde ! A quoi tu sers, putain ?!, continuais-je en m'énervant de plus belle. Je ne te demande pas la mort... Juste un peu d'argent... Un studio..., disais-je en atténuant ma voix comme si j'essayais de marchander avec une quelconque divinité. Si tant est qu'elle existait et qu'elle acceptait, qui plus est ! Ma voix baissait à chaque mot que j'émettais de ma bouche. Une belle vie... C'est tout ce que je veux. Rien de plus, renchérissais-je d'un air malheureux comme si l'on venait de me battre. Je ne te demande qu'une seule chose. N'importe laquelle tant qu'elle me fera me sentir mieux, chuchotais-je tout en baissant mes bras et mon regard vers le sol d'un air défaitiste comme si ma prière n'avait pas était entendue.

La pluie cessait de tomber. Je relevais alors la tête en direction du ciel.

  • Serait-ce un signe ?, m'étonnais-je tout excité tel un enfant qui aurait reçu un énorme paquet de bonbons.

Je contemplais les nuages dans l'attente d'une réponse.

  • Beh quoi ? L'espoir fait vivre comme on dit, espérais-je.

Les gros nuages sombres laissaient place à d'énormes nuages noirs. Ce qui m'effrayait quelque peu. Des éclairs se dessinèrent dans le ciel suivis de leur brouhaha insupportable, ce qui me fit tressaillir de peur, je devais l'admettre. Une pluie monstrueuse s'abattait sur moi comme si Dieu en personne venait de me pisser à la gueule que je devais interpréter comme un refus.

  • Ok..., lançais-je comme si je venais de perdre un combat et que cela me faisait vraiment chier.

J'avais l'impression de mettre pris une tonne d'eau sur la tête. Rien que ça. Soudain, quelque chose qui me semblait être solide, était tombée sur cette dernière et avait atterri sur le sol. Après avoir laissé échapper un petit râle de douleur, je m'approchais en direction de l'objet en question pour mieux l'identifier car la pluie m'en empêchait.

  • C'est une blague..., soupirais-je en m'accroupissant vers l'objet pour le ramasser. Un cahier ?, questionnais-je le ciel tout en le ramassant.

La pluie était redevenue calme à cet instant.

  • Attends..., disais-je en m'adressant au ciel comme si cela était tout à fait normal de recevoir à la demande des objets de ce dernier. Un cahier ? C'est une blague ?! Tu te fous de ma gueule ?! Qu'est-ce que tu veux que je foute avec ça, bordel ?!, disais-je en m'énervant de plus en plus. Déjà que je ne vais plus en cours depuis des lustres... Je m'arrêtais. Quoi ?! Mais c'est quoi ce délire ?! Il n'y a rien d'écrit là-dedans !, m'étonnais-je en feuilletant le cahier. C'est une caméra cachée, ce n'est pas possible, pensais-je.

J'étais dans l'incompréhension la plus totale. Je venais de prier le Seigneur et il m'avait offert un cahier. Je n'en croyais pas mes yeux. Dieu avait donc décidé de me laisser dans la merde.

  • Why not ?, ironisais-je.

Au delà même du fait qu'il puisse semblait bizarre que cela puisse venir de Dieu en personne, j'étais plutôt intrigué par le pourquoi du comment de ce cahier. Malgré cela, je le tenais fermement entre mes mains car il me semblait être important pour mon futur...

Et cela, j'allais vite le découvrir !

Annotations

Vous aimez lire Pluton_Nium ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0