LII
On est allés choisir un des véhicules comme convenu avec Raya. On a choisi un autre pick-up, un Toyota gris, hybride, relativement neuf donc parfait. Surtout que son conducteur s’était arrêté dès le début et le bouzin n’avait aucune trace de balle. Parfait, donc.
Lin a pris le volant, les frangins avec elle dans la cabine, le reste de notre patrouille à l’arrière. On ramenait avec nous Aryana, de V3, et le malik de V1, assis sur la banquette arrière du pick-up. Nous autres, les bidasses, on était sur le plateau, un peu plus court que celui du Land Rover. Frisé, lui, allait ramener la mère des deux garçons à V2.
Dans la cabine, les Islandais discutaient, aucune idée du sujet vu que je n’entendais rien. Si on doit le savoir, on le saura plus tard. Sinon… ben, ce sont nos officiers, ce sont eux qui décident, en gros.
Au bout d’un moment, j’ai vu Erk s’appuyer sur Kris et ce dernier et Lin échanger un sourire attendri. Soigner fatiguait le géant et il profitait du calme relatif de notre retour pour se reposer.
Quand on a déposé Aryana à V3, il dormait toujours. Aryana a souri, a dit quelque chose à Lin et on est reparti. Plus tard, Lin me dirait qu’Aryana lui avait dit de bien protéger le géant.
Il s’est réveillé avant notre arrivée au village, demandant sans doute la permission à Lin de passer un moment avec les enfants, vu qu’elle s’est arrêtée au village. On a suivi, forcément, nous n’étions jamais à l’abri de quoi que ce soit, même dans « notre » village. Il restait encore le Vioque et Higgins.
Les enfants se sont précipités vers nous dès qu’Erk est descendu du Toyota.
- Erk, Erk, on savait pas que c’était toi dans le camion.
- C’est parce qu’il est nouveau.
- Mais non, il est pas neuf.
- En effet. J’ai dit nouveau, pas neuf.
- C’est quoi la différence ?
- Très bonne question. Neuf, ça veut dire qu’il n’a jamais servi, en gros. Et nouveau, que ça ne fait pas longtemps qu’on l’a.
- Je crois que je vois. Donc il n’est pas neuf mais nouveau pour vous.
- Bravo, c’est tout à fait ça.
- Erk, Erk, on veut une histoire !
- Oui, une histoire, une histoire !
- Parfait, les affreux. Alors asseyez-vous devant moi, sagement.
Il s’est assis au sol lui aussi, le plus jeune sur les genoux et Soraya dans les bras. Elle lui faisait de grands sourires édentés. Eshani et Fazal lui avaient confié la petite car Lin, qui avait garé le Toyota dans un coin, nous avait demandé de rassembler les adultes, nous compris, pour discuter.
Elle leur a annoncé la mort de Durrani.
- Bon débarras, a dit Dina.
- Oui, bon débarras, ont enchéri les parents de Soraya, suivis par les autres adultes.
- Que va-t-il se passer maintenant, Lin ?
- Il reste le Vioque. Lui, ça va être plus difficile. Durrani était fou, le Vioque est loin de l’être. Tout ce que je vous demande, c’est de faire attention à vous et de nous prévenir quand vous voyez arriver ses hommes ou ceux de Jacobs. Et je vous avouerai que les Lions de Jacobs ne faisaient pas partie de ma mission.
- Ne faisaient ? a relevé Fazal.
- Oui. Ils ont failli tuer Tito, ont blessé Erik, et les ont forcés tous les deux à aller sur le territoire du Vioque pour leur échapper. Ils ont été capturés mais Erik a… ils l’ont forcé à tuer pour leur échapper. Sinon, j’aurai dû choisir entre céder aux exigences du Vioque ou laisser mes hommes souffrir.
- Le Vioque n’avait aucune raison de les torturer, Lin, a dit Fazal. Pourquoi dis-tu ça ?
- En effet, il n’avait aucune raison de les torturer, surtout s’il ne voulait pas que je les venge. Mais de ce qu’ils m’ont dit, le Vioque avait l’intention de les vendre aux Lions de Jacobs. Parce que leur nouveau chef leur en veut personnellement et est prête à tout pour les avoir. Et le programme n’était pas réjouissant. N’est-ce pas, Tito ?
Mon p’tit pote, qui écoutait silencieusement, a hoché la tête. Je l’ai regardé un peu mieux. Il avait l’air tendu. J’ai levé un sourcil. Il a de nouveau hoché la tête. Puis :
- Le nouveau chef des Lions est une femme, Higgins. Elle est folle. Elle est persuadée qu’Erk l’a violée alors qu’il ne l’a jamais touchée.
- Il ne ferait jamais ça, a dit Eshani, il est trop gentil.
- C’est vrai. Il est trop gentil. Et il ne tue pas non plus. Pourtant, ils l’ont obligé à le faire. Et ça l’a beaucoup secoué. J’ai eu du mal à le sortir de son état de choc. Il ne mérite pas ça. Rien que pour ça, je leur en veux. Et je ne pense pas me tromper de beaucoup en disant que c’est pareil pour Lin, pour Kris, ou d’autres.
J’ai hoché la tête avec les autres. Erk était un trésor à protéger et toute personne qui lui faisait du mal, physiquement ou mentalement, méritait ce qui lui arriverait.
Kris a jeté un œil au géant en train de raconter une histoire aux enfants et a hoché la tête, toujours tourné vers lui.
- Donc, a repris Lin, on va devoir s’occuper des deux à la fois. Et vous allez être deux fois plus en danger. Et ça, ça m’embête beaucoup.
- C’est gentil de vous soucier de nous, Lin.
Elle a fait une grimace. Je sais bien pourquoi. On se soucie d’eux, oui, parce que ce sont des humains et qu’Erk a déteint sur nous. Mais aussi parce que ce sont des monnaies d’échange. Des dangers, pour nous.
Elle a ouvert la bouche et je me suis demandé si elle allait leur en parler.
- Il y a quelque chose que vous devez savoir. Il y a quelque temps, je vous ai demandé de vous trouver un refuge et de l’équiper. Est-ce que vous l’avez fait ?
- Oui. A l’ouest d’ici, en suivant la route puis en prenant un sentier de chèvres, il y a un réseau de grottes à plusieurs sorties. L’une des sorties était sur le territoire de Durrani. On a mis des couvertures, des gamelles, du bois, des lentilles, pois chiches, etc. On a aussi des jerricans vides, parce qu’il y a une source côté Durrani.
- Je préfèrerai que vous stockiez de l’eau, mais je sais que ce n’est pas bon… Bien. On va vous trouver un moyen de chauffer l’eau sans feu. Je crois qu’on peut trouver un truc électrique à pédale.
- A pédale ? a demandé Dina, curieuse et surprise.
- Oui, comme nos lampes de poches, c’est une dynamo, mais plus grosse. On vend ça comme matériel de camping en Europe. On va vous en fournir quatre ou cinq.
J’étais curieux, je n’en avais jamais vu et je m’imaginais un truc attaché à un vélo, que je trouvais encombrant. Lin a continué :
- Ce que vous devez savoir, c’est qu’il est certain que vous allez servir d’otages contre nous, et c’est pour ça que j’insiste sur le fait que vous deviez vous mettre à l’abri absolument. Qu’aucun de vous ne serve de bouclier contre nous…
Elle a frissonné et s’est tournée vers le Viking entouré d’enfants pendus à ses lèvres.
- J’ai un scenario horrible en tête, dont je n’arrive pas à me débarrasser. Erik et sa patrouille qui arrivent dans votre village, les enfants qui courent vers eux, envoyés en avant par l’ennemi pendant que vous, vous êtes prisonniers. Les enfants servent à faire croire que tout va bien, parce qu’ils courent toujours vers lui mais là, ils servent de couverture à des soldats qui les massacrent, eux et les enfants…
Dina et son mari l’ont fixé avec des yeux inquiets. Les villageois autour chuchotaient.
- Je comprends pourquoi vous voulez qu’on aille à l’abri, a dit le malik. Très bien, on va demander aux adolescents de faire le guet et de nous prévenir.
- Merci. De notre côté, a dit Lin, on vous préviendra si on voit arriver quelqu’un, puisqu’on a une très bonne vue de la vallée. Je vais briefer mes sentinelles. Maintenant, nous allons rentrer prendre une bonne douche et préparer la suite. On vous tiendra au courant des risques de représailles.
Kris a sifflé un coup, Erk a levé la tête puis l’a hochée. Il s’est levé, la petite Soraya sur un bras et le fils de Dina sur l’autre. Dina lui a collé un bisou sur la joue en prenant son fils, Eshani et Fazal l’ont remercié.
On est rentrés à la base. J’avais l’impression de l’avoir quitté deux mois plus tôt, tant ce qui s’était passé était intense.
Je n’attendais que quelques trucs, une bonne douche, un bon repas, peut-être un câlin avec Lin. J’ai eu les deux premiers. L’autre, c’est elle qui décide et ce soir-là, elle a décidé que non. Faut avouer qu’elle avait une bonne raison.
Pas de repos pour les braves, on dirait.
A peine le moteur du Toyota avait-il cessé son barouf que le Gros est sorti du bureau de Lin et que les Islandais l’ont suivi pour retourner se planquer dans son burlingue. Bon.
- A la douche, les mecs ! j’ai dit, ramassant le linge sale que ma patrouille déposait à l’entrée des douches.
Kitty m’a aidé, on a tout apporté à la laverie et on a lancé les premières machines. Les sacs à dos sont restés dehors, retournés sur les perches des haricots, qui n’étaient pas encore sortis, heureusement pour nous. Sinon, Cook nous aurait tiré les oreilles. Les bottes ont été ouvertes, dézippées jusqu’en bas, et alignées près de la porte des douches, pour qu’ils puissent les remettre une fois propres et secs.
Ensuite, on est allés chercher des tenues propres. Heureusement, je connais la taille de mes gars par cœur, donc on a mis caleçon – et soutif pour Baby Jane et Kitty –, teeshirt, pantalon et chaussettes dans les paniers à l’entrée. Puis on a pris notre douche aussi.
On a été rejoints par les frangins qui sont entrés à poil au moment où on finissait. Baby Jane a souri et a donné une petite tape au fessier du Viking, qui a sursauté et rougi. Kris a gloussé.
- Alors maintenant, même les filles te font rougir…
- Mais non…
- Alors, c’est moi ?
Le géant avait l’air interloqué, un peu off. Kris a secoué la tête avec un sourire tendre mais un peu… off.
- Allez, mon grand, viens donc que je te frotte le dos.
On les a laissés. J’ai trouvé l’interaction un peu forcée. Je me suis demandé ce qui s’était dit dans le bureau de Lin. Donc je suis allé la voir dans son bureau. Le Gros était là, et l’atmosphère était électrique.
- Qu’y a-t-il, l’Archer ?
- Rien de particulier, juste que je vous trouve tendus, que les frangins ont eu un échange artificiel, alors je me demande s’il y a quelque chose qu’on devrait savoir.
Lin m’a fixé droit dans les yeux.
- C’est aux garçons d’en parler, je pense.
- Ils vont tout garder pour eux… j’ai commencé à dire.
- Je ne crois pas, m’a interrompu le Gros. Kris n’est pas ravi et…
- J’aimerai en parler après le dîner, a ajouté Lin, mais je dois voir comment sont les frangins. Il faut qu’ils en discutent ensemble avant. Je croyais savoir comment ils allaient réagir, mais depuis l’aveu d’Erik…
- Ils auraient réagi comment, avant ?
Je suis curieux, oui, je sais, merci.
- Erik l’idéaliste aurait tenu à suivre les instructions et Kris le pragmatique aurait essayé de l’en dissuader, mais pas trop longtemps. Aujourd’hui… Je ne sais plus.
- Hâte d’être au dîner, alors, si c’est le seul moment où on apprendra quelque chose.
- Tu es curieux, Tugdual. Comme un chat. Et tu sais ce que disent les Anglais à propos du chat et de sa curiosité ?
- Miaou… Et il me reste huit vies, ça devrait aller.
- Mouais. Allez, tire-toi, va donc préparer le matos de ta patrouille pour repartir.
J’ai souri en sortant. J’ai décidé d’aller à la source trouver mes informations et j’ai fait quelques pas vers la chambre des frangins. Mais je me suis arrêté, parce que la porte était entrouverte et que j’ai entendu que ça parlait vite et… pas fort, mais le baryton d’Erk était relativement calme, et le ténor de Kris un peu agité et insistant. Ils parlaient islandais, que je ne comprends pas, mais le ton était clair: Erk cherchait l’apaisement, Kris ne voulait rien entendre.
J’ai hésité. Et puis, merde, j’ai frappé à la porte entrouverte. Si je pouvais les aider…
Kris a poussé un gros soupir, très audible. Un peu de silence puis :
- Qui est-ce ? a demandé Kris.
- L’Archer.
- Ah… la concierge de service.
Ouuuuuuh que c’était vexant.
- C’est vexant, j’ai dit.
- Mais vrai, il a répondu.
C’était pas faux, j’étais curieux de beaucoup de choses, et peut-être un peu trop curieux…
- Je peux entrer ?
- Ouais. Et ferme la porte derrière toi.
Pendant cet échange, Erk n’avait pas pipé. J’ai obéi. Kris était assis sur son propre lit, qu’il n’avait plus occupé depuis Noël, apparemment. Bon, il y avait de l’eau dans le gaz.
- Pourquoi tu es là, Tudic ? a demandé le Viking.
- Parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas entre vous deux. Dans la douche, vous étiez bizarre. Et comme la porte était entrouverte, j’ai pu saisir le ton de votre conversation. Et comme je vous aime bien, je voudrais vous aider.
Ils ont échangé des regards chargés, mais de quoi, aucune idée, je ne sais pas déchiffrer les émotions des autres.
Kris s’est affaissé et Erk a failli se lever. Puis il l’a fait.
- Allons voir Lin et le Gros, il a dit, et nous l’avons suivi dehors et on a voulu se tasser dans le micro-burlingue.
- Allons plutôt à la vigie Bravo, elle a dit, on aura plus de place et moins d’oreilles là-bas.
Kris a rougi, je me demande bien pourquoi.
Sur le chemin de la vigie, il s’est baissé et a retourné un caillou plat pour montrer sa face noire. Je me suis encore demandé pourquoi. Lin m’a dit qu’elle m’expliquerait. Bon, OK.
Une fois à l’abri des regards, on s’est assis par terre, en cercle. Lin a froncé les narines un peu puis a regardé le Gros.
- A toi, Cap’, il a dit.
- Bon. Pendant qu’on revenait de chez Durrani, on a reçu un mail de la CEDH. C’est une convocation à la Nouvelle Haye. Pour Erik.
- OK. Et pour quelle raison ?
- Les FER.
- Hein ? C’est… Oh…
Je venais de comprendre. Ils voulaient savoir ce qui s’était passé dans la forteresse, j’imagine.
- Y a pas prescription, là ? Et puis, il est pas sensé être protégé par la… carte blanche que tu as ?
- Si. Mais ils veulent éclaircir quelques points.
- Lesquels ? j’ai demandé. Comment un seul homme a pu se débarrasser des FER ? Mais on en avait tué plus de la moitié avant. Ceux qui restaient étaient, quoi, à peine une trentaine.
- C’est ce qui coince, apparemment. Ils veulent savoir si Erik risque d’être accusé de crimes de guerre, a dit Lin d’une voix lasse.
- Mais… Mais c’étaient pas des civils, c’étaient des assassins, des meurtriers… Exactement les mecs pour lesquels la CEDH vous a embauchés, non ?
- Oui, Tugdual, mais la bureaucratie a besoin de détails.
- Des détails dont ils pourraient se passer, a grommelé Kris.
- J’aime autant que mon nom soit blanchi, a dit Erk, et si c’est comme ça que ça doit se faire, alors ça se fera comme ça.
- Ben ça me plaît pas du tout, ce truc. Je ne le sens pas. C’est… louche.
- Comment ça ? Pourquoi tu trouves ça louche ?
- C’est… Je sais que la CEDH met un peu de temps, mais là, c’est très long, un an et demi après les faits ? Erik aura oublié la moitié des détails…
- Non. Je n’ai rien oublié, Kris. Je ne sais pas ce que j’ai fait entre le moment où ce fils de pute a voulu me castrer et le moment où j’ai monté les marches du trou où ils m’avaient mis. Mais le reste, je ne l’ai pas oublié.
- Cette amnésie partielle est très emmerdante, Erik, tu sais, a dit Lin.
- Je sais. Je…
Notre gentil Viking a détourné le regard. Il était triste et Kris s’est coulé contre lui, un bras autour de sa taille. J’ai regardé Lin, plein de questions dans les yeux.
- Après cet exploit, Erik risque d’être catégorisé comme arme vivante, elle a dit.
Le Gros et moi avons sursauté.
- Comment ça ? Le berserk, ça compte pas ! a dit le lieutenant, surpris.
- Après trente morts, si, ça compte, a dit le berserker en question.
- Merde… j’ai soufflé.
- Qu’est-ce que ça veut dire, pour Erk, s’il est catégorisé arme vivante ? a demandé le Gros.
- Moins de liberté, utilisé par l’armée comme... un outil, l’obligation d’être sous calmants presque tout le temps et avec ses allergies…
- C’est une condamnation à mort… a dit le Gros.
Kris a gémi et s’est encore plus collé à son frère. Le géant a passé un bras autour de ses épaules et posé sa joue sur sa tête. Puis il l’a soulevé – sans bouger, bordel ! – et l’a assis sur ses genoux, serrant ses bras autour de lui. Kris s’est fait tout petit, les épaules secouées, roulé en une boule serrée entre les bras du Viking. On s’est tus, on a attendu que le jeune homme se calme.
Il s’est redressé, les yeux secs mais rougis. Erk a fait un petit soin pour faire disparaître tout ça. Kris est resté blotti un moment puis il s’est levé avec l’aide d’Erk et s’est assis à côté.
On a fait comme s’il ne s’était rien passé.
- Avant qu’Erik aille aux Pays-Bas, j’aimerais demander à… mon hacker de vérifier si ce n’est pas un faux.
- Pourquoi serait-ce un faux ? a demandé le Viking.
- C’est trop…. Je ne sais pas, c’est un feeling que j’ai.
- Ton Don de prescience ?
- Non…
- Hmm, plutôt parce que tu n’as pas envie de me voir partir sans toi, alors, a dit Erk, avec un petit sourire.
Kris a détourné le regard sans rien dire. Erk a eu l’air triste, mais n’a pas commenté.
- Bon, j’y vais comment ? le Viking a continué.
- Un hélico vient te chercher demain matin… a commencé le Gros, lisant sa tablette.
- Déjà ! a dit Kris, agitant les mains. Je ne… c’est trop tôt pour le hacker ! Il faut demander un délai !
- Kris, arrête de paniquer, a dit le géant en attrapant les mains de son frère. Je vais y aller demain, et tout va bien aller.
- J’ai demandé confirmation à la CEDH, utilisant le mail générique, dès que j’ai reçu le mail, mais je n’ai pas encore de réponse, a dit le Gros.
- Et on ne peut pas attendre.
- Pourquoi ? On peut prétexter notre isolement…
- Non, on ne peut pas. Pas avec un hélico qui vient chercher Erik spécialement. Et tout retard sera un mauvais point pour ton frère.
Lin a tiqué en disant ça. Je comprends, quand on passe vingt-cinq ans à considérer deux mecs comme frères, même s’ils ne le sont que de cœur, puis à devoir revoir tout ça parce qu’ils s’aiment plus que fraternellement…
- Bon, après l’hélico ?
- Tu passes une nuit à Abou Dhabi, il y a une chambre pour toi à la caserne de la Légion.
- Parfait. J’irai voir si Mercier est toujours là. Ensuite ?
- Il y a un vol régulier pour Amsterdam via Zurich. De Schipol, un train vers la Nouvelle Haye et une chambre t’attend à dix minutes à pied de la CEDH.
- OK. Et la convocation ?
- Dans trois jours, à 10h du matin. J’ai créé des invitations pour tout ça, dans un e-agenda, avec tous les papiers nécessaires, sur un smartphone
- Très bien. Je vais faire mon sac ce soir. Par contre, je n’ai pas de tenue n°2 ici…
- Normal, a dit Lin, tu n’en as pas besoin ici. Elle est restée où ?
- Je crois que je n’en ai plus. Souviens-toi de ma cérémonie de naturalisation.
Alors là, j’étais dévoré par la curiosité.
- Comprends pas, Erk. Tu as dit que tu avais été blessé en Sibérie, non ? Et ça faisait à peine un an que tu avais intégré la Légion. Tu aurais dû être « Français par le sang versé », non ?
- A priori, oui, mais ça faisait partie de ma « punition » pour avoir sauvé un soldat russe, Mischa, de la mort.
- Et pour n’avoir pas pu sauver Ivan, je crois aussi, a ajouté Kris.
- Possible.
- Bon, OK, a dit le Gros. Mais comment se fait-il que tu n’aies plus de tenue de cérémonie ?
Les Islandais ont échangé des regards.
- Ce sera une histoire pour une autre fois, Gros. Je vais prendre une tenue neuve, mettre mes galons officiels et mes médailles, faire briller mes bottes et ça devrait aller.
Kris n’a rien dit et on est allés dîner.
Annotations