LIII

15 minutes de lecture

Je ne sais pas ce que les frères se sont dits ce soir-là, mais le lendemain matin, Kris semblait neutre. Je dis “semblait” parce que je ne suis pas dans sa tête et que son expression était neutre.

Avait-il discuté avec son frangin de ce qu’il devait faire ? Aucune idée. Erk était un peu… désolé, je dirais, en regardant ses yeux. Je commence à arriver à déchiffrer leurs expressions et je voyais bien qu’il n’était pas aussi content que d’habitude.

Le petit déj fut un peu tendu. Kris et Erk étaient assis côte à côte, comme à leur habitude, mais j’ai senti une distance. Elle n’était pas visible, mais je la sentais quand même. Puis :

- Pourquoi dois-tu y aller seul ?

- Plusieurs raisons, petit frère. Tu n’as pas été convoqué, Lin a besoin de toi, mais pas moi. Et puis, ça prendra à peine une semaine, dix jours au plus.

- Et si…

- Et si quoi, brodir ? J’apprécie ta sollicitude, mais je n’ai pas besoin, pour ça, de ma mère poule favorite.

- Crétin ! a assené Kris en se levant.

- Moi aussi je t’aime, Kris, a dit Erk en se levant, un air désolé sur son beau visage.

Kris, au lieu de secouer la tête ou de soupirer, lui a fait un doigt d’honneur bien raide en lui tournant le dos et en sortant. Erk l’a suivi avec un temps de retard mais s’est arrêté quand Kris est ressorti de l’armurerie, pare-balles sur le dos et casque sur la tête, EMA 7 dans les mains. Le petit frère est allé vers la barrière, Erk a suivi à distance, s’est arrêté à la barbacane, regardant Kris se diriger vers l'à-pic sud de notre promontoire, pour relever une sentinelle.

J’ai cru voir de l’humidité dans les yeux bleus du Viking et je ne pense pas m’être trompé. Je l’ai déjà vu pleurer, parfois sur des êtres qui ne le méritaient pas. Ces larmes ne menacent en rien sa virilité, sa masculinité, sa nature d’homme.

J’ai vu une main et un mouchoir blanc, et pendant un instant, j’ai cru voir de la dentelle et de la batiste, que c’était Kris, mais non. Un, ce n’était pas possible, je voyais encore le dos du jeune homme au loin et deux, ce n’était pas de la dentelle. Juste Lin qui connaissait ses Islandais par cœur.

Erk s’est mouché.

- L’hélico sera là dans trente minutes. Tu es prêt ?

- Autant qu’on peut l’être quand il s’agit de témoigner sur… ça.

- Hmm. J’imagine que faire remonter ton enlèvement et la suite ne doit pas être agréable, en effet. Tu as dormi, au moins, cette nuit ?

- Pas vraiment.

- Et lui ?

- Je… J’ai utilisé mon Don sur lui, pour qu’il dorme. Il s’en est rendu compte ce matin.

- Ça pourrait expliquer qu’il te fasse la gueule ?

Erk a secoué la tête, dégluti et s’est secoué.

- Ce qui me surprend, malgré ce que j’ai dit hier, c’est qu’il leur a fallu presque deux ans avant de me convoquer. Mais, bon… un voyage à la Nouvelle Hague aux frais de la princesse, je serai bête de refuser, il a dit d’un ton un peu trop jovial, et qui devait cacher beaucoup de choses, comme ses inquiétudes pour son futur.

En effet, que se passerait-il si la CEDH le considérait coupable et le classifiait comme arme vivante ? Nous ne le reverrions jamais et Kris serait… Je pense que Kris ferait des pieds et des mains pour le retrouver et peut-être le sortir du complexe militaire où il serait enfermé. J’ai pensé à ces films du début du 21ème siècle, ou à ces jeux vidéo qui mentionnaient des super-soldats, des humains augmentés… Erk en berserk était un super-soldat : puissant, infatigable, invincible. J’ai frissonné. Ce super-soldat ne pourrait pas exercer son merveilleux Don de guérison et nous faire don à tous de son incroyable sourire de gamin heureux.

- Mais sinon, je suis paré. Il me manque une chose, le Viking a dit, les yeux sur l’endroit où Kris devait se tenir.

- Tu veux que je le convoque ?

- Non, il faut qu’il rumine un peu avant.

- Il n’a plus que vingt minutes.

- Je sais.

- Erk, a dit Phone dans nos oreillettes. Helico en approche et pressé, ils feront juste un touch and go.

- OK, je file.

Dix minutes plus tard, en uniforme et sac sur l’épaule, le géant embarquait dans l’Eurocopter H2155-E qui redécolla une fois son passager à bord et partit vers le sud, survolant une certaine sentinelle.

L’Amiral nous rejoignait quand l’hélico a commencé à virer vers l’est.

Il a fait une embardée, Lin a sursauté.

Kris a hurlé : « Erik ! » et est revenu vers nous en courant, a sauté par-dessus les sacs de sable, s’est glissé autour de nous pour nous contourner.

L’hélico a commencé à tomber.

J’ai commencé à me tourner vers Kris.

J’ai entendu des coups de kick rageurs, alors j’ai chopé un casque et un pare-balles, enfilé à la va-vite et mal, et j’ai à mon tour sauté sur une des motos.

Kris a enfin réussi à démarrer sa meule et est parti vers la sortie comme un lapin sur une toile cirée.

J’ai eu plus de chance que lui, ma bécane a démarré au premier coup de kick et je n’avais que dix mètres d’écart avec lui.

- Lin, je le suis. Un visu sur l’hélico ?

« Les pales tournent encore, demi-vitesse selon l’Amiral, ce qui ralentit sa chute. »

Merde ! Si on perdait Erk, on perdait les deux frères.

J’ai accéléré. Il fallait que je rattrape Kris.

Il a donné le bon coup de pied pour franchir d’un saut le deuxième fossé, j’ai eu un peu plus de mal.

Je me suis rattrapé pour franchir le fossé d’Erk, le dernier.

Kris a accéléré. J’ai essoré mes poignées pour suivre.

« L’Archer, on prépare le Toyota. On vous suit. L’Amiral me dit que l’hélico est deux klicks du village »

- OK, merci.

Poignées dans le coin, j’ai rattrapé Kris et j’ai hurlé :

- Kris ! L’Amiral nous guide, suis-moi !

On a filé comme une paire de bas de soie, les poignées au max, et j’ai senti que le moteur passait de l’électrique au thermique. Ça se sentait à l’odeur et les vibrations, qui sont différentes quand on roule avec l’électrique.

Ça s’est mis à sentir le cramé, et j’ai cru qu’on avait niqué les bécanes. Mais non.

« L’Archer, l’hélico est au nord de votre position. Il est à vingt mètres du sol. Il fume. »

- OK.

Merde… on devait se grouiller.

- Kris, à gauche toute !

Il a viré, j’ai suivi.

Et l’hélico s’est crashé. Je l’ai vu tomber lentement devant moi, je l’ai vu giter sur le côté, ses hélices frapper les cailloux, tirant des étincelles et j’ai flippé.

J’ai encore accéléré, j’ai dépassé Kris en utilisant un caillou comme tremplin et je me suis crashé à l’atterrissage, faisant un roulé-boulé pour me rattraper, j’ai, je ne sais pas comment, fini debout, courant vers Kris pour l’attraper. Je ne voulais pas perdre l’autre Islandais.

Il courait comme une gazelle vers l’hélico au sol, j’avais du mal à le rattraper. Alors, je me suis jeté sur lui, espérant ne pas m’éclater la gueule sur la caillasse et non, je me suis à moitié assommé sur son pare-balles. J’ai serré les bras autour de lui et heureusement, mes 95 kilos de muscle l’ont stoppé et fait tomber.

- Lâche-moi, putain !

- Tu ne peux rien faire, Kris ! L’hélico va sauter !

- Au moins je serai avec lui ! Lâche-moi, espèce de salopard !

A ce moment-là, j’ai entendu des bruits de gravier, de freins et un aboiement.

Puis l’hélico a explosé.

J’ai entendu un jappement de douleur.

Kris a hurlé le pire « Non » que j’ai jamais entendu de ma vie. Vous dire exactement ce qu’il y avait dans ce cri, ce serait difficile, je ne suis pas dans la tête de Kris. Mais, moi, j’ai entendu de l’horreur, du déni, une douleur immense, une agonie…. Les mots me manquent pour décrire ce que j’ai entendu dans ce cri. Lin me dirait plus tard qu’elle avait entendu une souffrance intense, de l’horreur, aussi, et de la terreur.

Sur le moment, ça m’était bien égal. Mais plus tard, ce cri me hante encore. Et pourtant…

Kris s’est tellement débattu, juste après avoir hurlé, que j’ai glissé mes deux poignets dans sa ceinture, pour arriver à le maintenir au sol. C’était une connerie. J’avais oublié qu’il est capable de porter son frangin. Il est très fort. Et cette connerie, je l’ai payée très cher.

Lin est arrivée, a choppé Kris par la gorge et l’a étranglé jusqu’à ce qu’il se mette à haleter et s’immobilise. Mais trop tard pour ma santé. A force de se tordre dans mes bras, il m’a cassé les deux poignets. J’ai hurlé, le visage écrasé contre le pare-balles du lieutenant. J’ai cru que j’allais m’évanouir, mais je ne pouvais pas. Il fallait chercher le corps d’Erk et sauver Kris. Je devais sauver Kris. Pour Lin.

J’étais sûr qu’elle ne supporterait pas de perdre les deux petits garçons qu’elle avait vus naître, qu’elle avait gardés et qu’elle avait vus revenir vers elle une fois adultes. Un, déjà, et Erk, en plus, ça allait être difficile. Mais les deux, alors là, ça la détruirait.

Alex est arrivé pour l’aider. Kris avait du mal à respirer, et Lin le maintenait de tout son poids. Heureusement pour moi, il a vite arrêté de se débattre. Parce malheureusement mes poignets cassés m’empêchaient de les extraire de la ceinture de Kris.

Une demi-dose de morphine plus tard pour moi, et mes poignets étaient libérés. Encore une fois, j’ai failli m’évanouir, mais il fallait que je reste conscient. Pour les garçons. Pour Lin. Alex s’est occupé de moi. Mais je ne me souviens pas trop de ce qu’il a fait. Juste que Kris était immobile dans les bras de Lin, qui était au bord des larmes.

Puis JD est arrivé, s’est agenouillé près de nous.

- J’ai une bonne nouvelle.

On a tous les quatre levé la tête vers lui.

- Yaka a trouvé Erk.

Choc. Incrédulité. Angoisse. Voilà ce qui a défilé sur le visage des Islandais en face de moi. Moi, je ne savais plus ce que je ressentais.

- Il est vivant. Mais out.

Là, je me suis évanoui. Juste quelques dixièmes de secondes. Parce que je n’avais pas bougé quand j’ai de nouveau ouvert les yeux. Lin et Kris non plus.

Puis elle s’est levée, a tiré Kris derrière elle et ils ont suivi JD.

- Alex… Je veux y aller aussi.

- Tu n’es… D’accord.

Je crois qu’il commençait à nous connaître. Avec l’exemple des Islandais, on était capables d’aller au bout de la terre, même avec nos tripes à l’air. La patrouille des frangins, la mienne, était plus touchée, je pense, que les autres. Mais je pense que malgré tout, ils nous avaient insufflé un bon souffle héroïque, un bon coup de pied au cul vers la décence et l’honneur. Bref.

Il m’a mis debout, a utilisé son keffieh pour immobiliser mes bras et m’a conduit à la suite des Islandais.

Kris avait posé une main sur la joue d’Erk, Lin était debout derrière lui et aucun des autres n’osait toucher le Viking à terre.

Je l’ai regardé. Il avait un zip-tie large autour du poignet droit, ses poignets saignaient, le dos de sa main gauche aussi. Je me suis dit qu’il s’était débattu et qu’il avait réussi à libérer une main. Il avait du sang dans le cou, juste un peu. Il avait aussi des lacérations sur les bras, une plus longue sur une jambe. Sa veste était un peu cramée, mais ça ne sentait pas le cochon grillé. Il saignait mais c’était plutôt lent et il n’y en avait pas tant que ça.

Lin est venue me soutenir pour qu’Alex puisse s’occuper d’Erk. Elle a passé un bras autour de ma taille et s’est appuyée contre moi. Je voulais la prendre dans mes bras, mais… bon.

- Lin, ça va ?

Elle a reniflé, s’est redressée.

- C’est moi qui devrais te poser cette question, Tugdual. C’était… Merci.

- Je t’en prie. Je crois que je vais tomber dans les pommes. Tu m’aides à m’asseoir ?

Elle m’a pris dans ses bras et m’a porté jusqu’au Toyota, qui s’était approché. J’ai couiné quand elle m’a soulevé, tellement j’étais surpris. Ça l’a fait sourire. Bien.

Elle m’a posé sur le plateau du pick-up et est repartie vers les frangins. Je me suis détendu, appuyé contre quelqu’un que je n’ai pas vraiment identifié, vu que j’étais un peu dans le coaltar, et j’avais mal. J’ai senti une piqûre et la douleur est partie. Quelqu’un avait dû m’injecter de nouveau un peu de morphine et je me suis plus ou moins détaché de ce qu’il y avait autour de moi.

Puis j’ai vu revenir la civière pliante avec le Viking, portée par Kris, Lin… j’ai perdu le fil.

- L’Archer ?

- Mmm ?

Bon sang, j’avais la bouche pâteuse…

- Yaka a été blessée, j’ai besoin que quelqu’un la réconforte. Tu peux faire ça ?

- Mmm…

Merdouille… Je voudrais bien pouvoir parler, moi…

- Ce n’est pas très grave, mais elle a besoin d’un câlin. Je sais que tu n’as pas de bras, mais si elle reste avec toi, on ne lui marchera dessus.

J’ai hoché la tête, la chienne est venue se coucher sur mes jambes. Mon dossier a rigolé doucement.

- Comme ça, a dit Tito, t’es bien au chaud, avec sa tête sur tes couilles.

- Mmm…

- Cherche pas à parler, Tudic. Repose-toi, il a dit en tapotant mon torse.

Donc c’était lui mon oreiller. Bien. J’ai perdu le fil, encore un peu.

Puis j’ai ouvert les yeux à l’infirmerie. J’ai inspiré, quelqu’un a fait pareil à côté de moi.

- Gnin ?

- Hé, tu es réveillé ?

J’ai voulu parler, mais j’avais la bouche trop pâteuse.

- Tiens, bois.

J’ai eu une paille et j’ai pu boire. C’était un peu acide, j’ai fait une grimace.

- Le citron, c’est parce que tu as la gueule de bois… Enfin, tu es déshydraté, et la perf ne réhydrate pas ta bouche.

J’ai fini par identifier mon buddy, Tito, seul.

- Où est ton ours ?

- C’est ta première question ? T’es sûr que Kris t’a pas filé un trauma crânien en plus, Tudic ?

Mon cerveau s’est remis en état de marche.

- Ça y est, je suis fonctionnel. Comment va Erk ?

- Toujours dans les choux. Ses blessures sont vraiment minimes, mais il est inconscient. Lin lui a fait une prise de sang parce qu’il a une blessure au cou qui ressemble à un site d’injection, alors elle veut savoir ce qu’ils lui ont refilé.

- On sait ce qui… non, bien sûr, on ne peut pas, s’il est inconscient, il ne peut pas parler.

- Non, mais… Lin et Kris pensent qu’ils ont essayé de le maîtriser, qu’ils ont injecté quelque chose quand ils n’ont pas réussi. Ils lui ont passé les zip-ties après l’avoir drogué mais il a réussi à se libérer. Elle a entendu un coup de feu quand l’hélico était encore en l’air, mais Erk n’a pas de trace de balle, alors elle pense que les autres ont voulu lui tirer dessus et ont eu le pilote, c’est pour ça que l’hélico est tombé. Le pilote, ou un élément clé du système de propulsion…

- OK. Et les lacérations ?

- Sans doute en sortant de l’hélico. Il a dû réussir à s’extraire quand le machin est tombé, puis à se traîner à l’écart avant de sombrer.

- Tu dis qu’il est dans les choux. Mais ses constantes ?

- Hmm…

Ah. Il n’avait pas hésité à répondre à mes autres questions, mais là…

- Tito, crache le morceau.

- Je pense que ce serait mieux si c’était Lin qui disait quelque chose.

- Bon. J’ai le droit de me lever ?

- Du moment que tu ne te casses pas la gueule, oui.

Je me suis levé avec son aide. J’avais encore mon futal et mes chaussettes, mais j’étais torse nu. Bon. Les nouveaux moniteurs sont sans fil, donc j’ai pu aller jusqu’à la petite chambre sans tirer derrière moi tout un merdier de câbles et écrans, malgré le nombre impressionnant de pastilles collées sur mon torse et tirant sur mes poils quand je bougeais. Je savais que j’étais relié à la tablette de Doc et qu’elle savait donc que j’étais réveillé et actif. Heureusement, les moniteurs sont maintenant silencieux, ce qui est nettement moins stressant pour le malade.

Tito m’a enfilé une paire d’espadrilles puis posé un genre de poncho ouvert devant (ou un châle) sur les épaules. Un bouton-pression pressé et je ne risquais pas d’attraper froid. Avec mes attelles, même modernes et fines, je ne pouvais pas enfiler de teeshirt. D’où ce châle.

- Attends, Tudic. Il faut les écharpes.

Il m’a équipé d’un truc double assez encombrant… Je ne m’étais pas raté.

- Dis, tu veux aller pisser avant, peut-être ?

- Oui.

J’avoue, j’ai pas réfléchi. Et j’ai passé les dix minutes suivantes à rougir comme une pucelle, Tito plié en deux de rire mais essayant de se retenir et repartant à glousser comme une pintade quand il me regardait. Il était à côté de moi, me tenant, donc, dos tourné pour ne pas voir ce qu’il tenait et pour ne pas me faire rougir. Mais moi, je…. j’étais pas à l’aise du tout. Et du coup, je n’arrivais pas à me détendre assez pour pisser… Et quand il a fallu qu’il me rhabille, j’étais encore plus rouge. Ceci dit, heureusement que c’était lui. Si ça avait été Lin… ç’aurait été plus agréable et plus gênant aussi…

Bref.

On est allés voir le Viking, ensuite.

Il était allongé sur le dos, torse nu lui aussi, des pastilles sans fil un peu partout, tempes, torse, et tout et tout. Il n’avait plus son pantalon, lui, et Doc et Alex, avec l’aide de Nounou, s’occupaient de l’estafilade sur sa jambe. De l’autre côté, Kris était allongé le long du géant, un bras en travers de sa poitrine, la tête sur son épaule. Pas endormi, mais les paupières à mi-drisse.

Je me suis approché, Tito a tiré le tabouret et j’ai posé mon cul dessus.

- Hé, Kris. Ça va ?

Il s’est tourné un peu vers moi, juste la tête.

- Il ne se réveille pas.

Puis il a remis sa tête sur l’épaule du Viking.

- Quand je pense que mes derniers mots ont…

- Hop hop hop, je t’arrête tout de suite, Kris ! Vous méritez mieux qu’un cliché, tous les deux !

Ça l’a fait sortir de son apitoiement. Il s’est tourné vers nous.

- Ben oui, j’ai dit. On dirait une phrase sortie d’une comédie sentimentalo-cucul… J’aime bien les clichés, ça pose le décor, mais là, vraiment, c’est un peu trop, tu ne crois pas ?

Il a ouvert la bouche pour me répondre puis ses yeux se sont baissés.

- C’est moi qui… ?

- Ouais.

- Merde. Désolé, l’Archer. J’ai perdu la tête.

- Ouais. Et la raison, et ton sens commun. P’tet être même ton bon sens.

- Ouais, n’en rajoute pas trop. Mais tu as raison. Je suis vraiment désolé.

- Je sais. Bon, où est Lin ?

- Dans son burlingue, a dit Nounou. D’ailleurs, elle nous a demandé de faire une annonce, un bulletin de santé après le déjeuner. Donc allez bouffer, tous les trois.

- Non, je…

- Kris, j’ai commencé. Si tu veux que je te pardonne pour mes poignets, tu vas devoir me faire manger. J’ai besoin d’aide, là. Alors autant en profiter pour bouffer aussi, non ?

- Tu as raison.

Il s’est levé, a posé un baiser sur le front du Beau au Bois Dormant et m’a accompagné au mess. La patrouille nous attendait. Ils nous ont fait de la place, ont apporté la bouffe à table… C’était royal. Kris a joué son rôle de nounou à la perfection.

Je mentirais si je vous disais qu’on avait oublié Erk. C’était faux. On y pensait. Mais je crois que Kris avait compris certaines choses depuis Noël. Comme faire confiance à nos médecins. Comme prendre soin de lui, aussi. Et s’occuper de moi était une bonne façon de le faire.

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