Chapitre 3

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Une semaine plus tard...

En débardeur noir, un coup de soleil sur chaque épaule, la sueur faisant luire notre peau, trempant nos cheveux, perlant et coulant sur notre front, en plein cagnard : voilà notre état actuel.

Sloane, Liago et moi nous relayons pour boire à la fontaine, au bord du stade, essoufflés après avoir couru 10 tours de terrain. Pour le moment, mon amie est arrivée la première de nous trois, mais, de toute façon, c'est demain que tout se jouera.

Demain.

À cette seule pensée, je sens le stress monter. La Compétition aura lieu demain, à 8 heures du matin, ici même, sur ce stade, rendu brûlant par le soleil de midi et, plus ce moment approche, plus je le redoute.

Cela fait une semaine maintenant que nous n'avons pas cours, une semaine que nous nous entraînons intensément, mais le premier jour où je commence à sentir les effets positifs de toutes ces souffrances.

Nous sommes seuls sur le terrain (est-ce vraiment surprenant vu les conditions ?), il faut profiter de ce calme pour courir tranquillement. De plus, tous les autres adolescents se disent qu'il ne faut pas s'épuiser pour garder des forces pour le lendemain. D'ailleurs, si nous n'étions pas suicidaires, peut-être que nous aurions pensé de la même manière.

Mais tous ces entraînement ne reflètent pas ma motivation. Elle est forte, bien sûr, mais égale l'envie de rester ici, tranquillement, vivre une vie paisible aux côtés de mes amis. Seule la curiosité me pousse à participer à cette course : comment vivrons-nous, là-bas ? Comment sera la Base ?

- Allez, on y retourne ! s'exclame Liago, décidé, son tee-shirt trempé lui collant au corps.

Il essuie d'un revers de main l'eau restée autour de sa bouche. Quelle élégance.

- Hérion ? interroge Sloane. T'es prêt ?

- Ouais, réponds-je, allons-y.

Nous nous mettons tous les trois en position de départ.

- 3, commence la jeune fille. 2... 1... GO !

Nous partons doucement, persistant au fond de nous l'espoir de tenir les 15 tours à venir. N'étant pas narcissiques au point de nous inventer un talent, nous savons pertinemment que nous n'en sommes pas capables. L'idée est plutôt de mourir sur la piste. Super.

.oOo.

7 heures du matin, premier jour de Floréal.

Après avoir mangé avec mes parents - qui m'ont encouragé longuement -, je rejoins Sloane et Liago, qui m'attendent à l'entrée du stade, où un homme distribue des dossards.

- Tu t'appelles comment ? me demande t-il dès que j'arrive.

- Hérion, réponds-je.

Il s'empare d'un stylo et inscrit mon prénom - sans faute en plus, miracle ! - sur un dossard. Mon dossard.

Mes amis l'accrochent à l'arrière de mon tee-shirt à l'aide d'épingles à nourrice, puis nous nous dirigeons vers les sièges pour les spectateurs. Ils sont déjà nombreux, assis et installés au bord de la piste rouge. Une cinquantaine, je dirai, environ la moitié de tous les habitants de la zone 23 501. Les autres vont sans doute arriver plus tard.

Nous cherchons des places et parvenons finalement à en trouver, tout au fond. On ne voit pas grand-chose, d'ici, mais ce n'est pas grave, puisque de toute façon, peu importe la place, on va avoir du mal à distinguer un jeune homme habillé en noir d'un autre jeune homme habillé en noir.

Et surtout, pourquoi chercher à avoir des places lorsqu'on peut rêvasser au bord du terrain ?

.oOo.

Après avoir déposé nos affaires sur les sièges en plastique et fait signe à nos famille, nous allons directement au vestiaire "Hommes", situé au sous-sol du stade, abandonnant Sloane aux griffes des autres filles, dont Celeritate.

Notre catégorie, celle des 12-15 ans, est la première à concourir.

En entrant dans les vestiaires, la première chose qui me choque n'est pas le nombre que nous sommes, ou encore l'odeur d'égout qui règne et nous empêche de sentir quoi que ce soit d'autre.

Ce qui me choque, c'est la clameur de la foule, leurs cris, leur enthousiasme, qu'on entend d'ici, faisant tout vibrer du sol au plafond. Je me demande s'ils n'auraient pas pu mieux isoler pour nous évite trop de stress, et aimerais savoir si le vestiaire des filles a lui aussi eu ce défaut de construction.

Je sens la boule dans mon ventre grossir et commence à être vraiment stressé. Et si je me blessais au premier tour ? Et si j'arrivais dernier ? Et si je me prenais les pieds dans mes lacets ? J'aurais vraiment l'air stupide. Même à supposer que je remporte la course, un faux départ sur lequel je m'écraserais misérablement au sol, devant les habitants de la zone au grand complet... Ça ne serait peut-être pas la meilleure des idées.

Je tente de reprendre le contrôle de ma respiration et me concentre sur Liago, qui affiche un sourire resplendissant et regarde autour de lui avec émerveillement, ne semblant pas remarquer l'odeur nauséabonde qui flotte dans l'air. Je tente de l'imiter.

Sans succès.

Pendant que je noue mes lacets, je profite de ma place stratégique (dans un des quatre coins de la pièce) pour porter attention à ceux qui m'entourent.

Je ne connais pas le nom de grand-monde, même si j'ai déjà vu ces visages au réfectoire ou dans les couloirs de l'École. Nous ne sommes pas nombreux à avoir quinze ans, ici. Était-ce le cas des autres zones ?

Globalement, les garçons qui m'entourent sont ou petits et fins comme des brindilles, ou, au contraire, très grands et musclés. Il n'y a pas de juste milieu, même si j'espère secrètement m'y situer.

L'un des garçon, d'un an de moins que moi d'après mes souvenirs, roule des mécaniques depuis tout-à-l'heure. Il exhibe ses muscles un maximum : il s'aime beaucoup, c'est une certitude, mais ce qui est moins sûr, c'est de savoir si sa masse musculaire trop importante ne risque pas de le pénaliser pour la course. J'espère sincèrement que oui.

De toute façon, on verra bien.

Liago s'approche de moi, colle son épaule à la mienne puis suit mon regard, intrigué. Lorsqu'il suit le courant de ma réflexion, il me souffle, sûr de lui :

- T'inquiète, on va le fumer. S'il ne limite son cerveau qu'à compter le poids qu'il soulève, on ne devrait pas avoir trop de mal à la dépasser, niveau stratégie.

- Et niveau course ? je l'interroge, amusé.

Mon ami hausse les épaules avec désinvolture avant de m'expliquer d'un ton de pédagogue :

- Dans la vie, il y a des oiseaux fins, avec des petites ailes, qui volent haut et longtemps, et d'autres oiseaux, grands et lourds, qui volent plus bas et, comme conséquence... Se prennent des arbres.

Je lui souris. Comme à son habitude, il arrive à détendre l'atmosphère avec peu de mots. Il n'en a pas besoin, son humour et sa bonne humeur suffisent.

En tous cas, la course approche, et même si mon stress a diminué, il reste bien présent. J'espère honnêtement que mon ami, éternel optimiste, a raison

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