Chapitre 8

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J'ai donc tenu ma promesse, restant éveillé pour prévenir Rellov s'il se passe quoi que ce soit, c'est pourquoi j'observe les autres passagers se réveiller doucement, et, bizarrement, tous en même temps. La bâche laisse entrer un tout petit peu de lumière, juste suffisamment pour voir autour de soi mais pas assez cependant pour estimer l'heure qu'il est, et donc le temps que nous avons passé enfermés dans ce camion. Je peux malgré tout affirmer qu'il s'agit de plusieurs heures.

- Bonjour, les salué-je avec un sourire que je veux accueillant. Bien dormi ?

Le garçon à ma droite, celui qui a le nez en trompette, me toise aussitôt avec mépris.

- On se connait ? questionne-t-il avec une froideur qui rendrait Brumaire jalouse.

Je me force à adopter une attitude détendue et encline à la discussion. Je dois devenir ami avec ces garçons, car je pense que nous partageons un avenir commun. Je souris donc à mon voisin, malgré le fait que je le trouve déjà insupportable. Je me présente :

- Pas encore. Je m'appelle Hérion.

Voyant qu'il continue de me fixer d'un air dubitatif, je décide de laisser tomber et de poursuivre :

- Puisque vous vous éveillez maintenant, je dois vous faire part de quelques choses que j'ai remarquées. Tout d'abord, nous venons tous de zones différentes.

Rellov, toujours plongé dans un profond sommeil, est le seul à ne pas laisser échapper un "hein" suite à cette affirmation. Le garçon aux taches de rousseur nous offre à tous un grand sourire et convient :

- Nous ne venons pas de la même zone mais... Nous allons tous au même endroit, pas vrai ? Nous devons apprendre à nous connaître.

Ça tombe bien, je comptais faire les présentations. Malgré le peu d'enthousiasme dégagé par les autres garçons, il énumère :

- Je m'appelle Hent, et je viens de la zone 23 497. Ravi de faire votre connaissance à tous !

C'est ensuite au tour du garçon roux.

- Je m'appelle Tieden, je viens de la zone 23 499 et ouais, salut à tous.

Il est dans une posture provocatrice : affalé, les mains dans les poches, la capuche enfoncée sur sa tête, cachant ses magnifiques yeux bleus, d'un bleu très clair - la couleur se rapprochant de l'eau chlorée de la piscine de ma zone. À l'inverse, le garçon blond se tient droit, et lorsque vient son tour, il rougit brutalement et se présente en butant quelque peu sur les mots :

- Moi, heu... Faïen. Enfin, je m'appelle Faïen. Je suis de la zone 23 498.

Le dernier garçon (éveillé, je veux dire ), celui que je déteste déjà, prend à présent la parole, fidèle à lui-même :

- Mon prénom est Hochwell, mon numéro de zone 23 496, et je trouve cela vraiment inutile de se présenter.

J'hésite entre garder mon calme ou l'agoniser d'insultes, mais mon esprit pacifique me retient : je dois faire de ces garçons des amis et rien d'autre. Peu importe ce que je fais, il semblerait que je ne sois pas le seul à trouver ce garçon insupportable, car Tieden intervient, visiblement incapable de contenir son mécontentement :

- Ça, tu vois, on s'en fout. Et puis de toute façon, si tu voulais vraiment râler, fallait le faire avant que tout le monde se soit présenté pour que ça ait un impact.

Hochwell lève les yeux au ciel, mais ne proteste cependant pas. Il croise les bras, voulant sans doute se donner un air insolant, mais celui-ci se rapproche plutôt d'un enfant gâté qui fait un caprice.

- On ne peut pas sortir, pas vrai ? demande Hent, toujours souriant.

- Si c'est pour poser des questions rhétoriques, autant te taire, critique Hochwell.

Puis il ajoute, en se tournant vers Tieden :

- Ça va, j'ai râlé assez tôt à ton goût ?

- Non, rétorque le concerné d'un air totalement désintéressé. T'as encore des progrès à faire.

Malgré la tension qui règne, j'esquisse un sourire.

Ils ont beau être complètement différents, les gens qui m'entourent me rassurent par leur humanité. Positivant, je me dis que quoi qu'il arrive, désormais, je ne serai pas seul.

.oOo.

La bâche noire, c'est vraiment une mauvaise idée : elle attire la chaleur et fait effet de serre. L'air est rendu irrespirable par l'odeur de transpiration et la température bien trop élevée qu'il fait.

Je pense que nous sommes en plein après-midi, aux alentours de 15 ou 16 heures. Cela fait donc environ... 10 heures que nous sommes enfermés dans ce camion, dix heures que nous n'avons ni bu ni mangé. Autant vous dire qu'il n'est pas rare d'entendre un ventre gargouiller ou un garçon se racler la gorge, ce qui fait une bande-son sympa.

L'ennui, quant à lui, est heureusement resté à la zone. Avec nos affaires personnelles, chacun a pris de quoi s'occuper selon ses centres d'intérêt. Ainsi, certains sortent des carnets, des crayons, des stylos, des livres, en plus ou moins bon état.

Je remarque rapidement le talent que Tieden a en dessin : à l'aide d'un vieux crayon de papier et d'un carnet aux feuilles flétries, il fait le portait de chacun d'entre nous pour ensuite nous l'offrir. Étrange - ou pas -, Hochwell n'a pas eu droit à sa page.

Je trouve mon portrait assez réussi, en noir et blanc, et je le conserve dans ma poche arrière de pantalon, décidé à ne pas le perdre.

Soudain, nous sentons que le camion ralentit, jusqu'à s'arrêter brutalement. Aussitôt, nous rangeons toutes les affaires sorties et je secoue doucement Rellov pour qu'il se réveille. Il sort de sa torpeur, ouvrant les yeux.

- Nous sommes arrivés, assuré-je, la gorge rendue sèche par la soif.

Il braque sur moi son regard vide, avant de se lever pour nous imiter et de jeter son sac sur son épaule.

- Où sommes-nous ? demande-il.

- Je... Ne sais pas, assumé-je.

Son visage se crispe à nouveau, mais il ne dit rien, se contentant de fixer le sol sans émotion.

Un bruit de serrure se fait entendre, puis la porte pivote sur ses gonds. La lumière qui entre nous éblouit, et, à contre-jour, nous ne distinguons rien de la personne qui se tient devant nous, rien si ce n'est une ombre.

- Bienvenus, les Champions ! s'exclame une voix d'homme, venant sans aucun doute de la personne qui se tient devant nous.

Mais cette voix, cette voix... Je la connais.

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