Chapitre 9

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La colère s'empare de moi. Même ici, il va continuer à surveiller nos faits et gestes ? Aussitôt, Hochwell se précipite vers le Sage, comme s'il était son unique échappatoire :

- Monsieur le Sage ! plaide-il hâtivement. Vous qui êtes si intelligent, si puissant et surtout si compréhensif... Je voudrais savoir pourquoi j'ai été enfermé tout le trajet avec ces malotrus !

Et là, je ne comprends plus rien. Alors, depuis le début, on nous a menti ? Il y a plusieurs zones. Plusieurs zones et un seul Sage ? Je me retourne pour voir la réaction des autres passagers et m'assurer que je ne suis pas le seul à ne rien comprendre. Ils semblent aussi surpris et déboussolés que moi.

Le Sage jette à Hochwell un regard glacial.

- Ces malotrus sont à présent ceux avec qui tu vas tout partager, admoneste-t-il, alors tu ferais mieux de les considérer comme tel et de te taire.

Il fait demi-tour et s'en va, laissant un Hochwell en colère et cinq adolescents désemparés, convaincus que leur vie est une vaste blague.

Un autre homme s'approche de l'arrière du camion et nous fait signe de le suivre. Vêtu d'un uniforme noir semblable au nôtre, je remarque le canon d'un pistolet dépasser de son pantalon, au niveau de la ceinture. Je déglutis avec difficulté, me sentant étrangement peu en sécurité. Je ne dis rien. Je ne veux affoler personne (même si, pour moi, c'est déjà trop tard).

Nous obéissons à l'homme et descendons, nous retrouvant dans une cour, devant un gigantesque bâtiment gris, bien plus grand que tous ceux de ma zone assemblés. Ils semblent anciens, des traces de saleté sont visibles un peu partout. La Base est ancienne, visiblement, absolument pas construite récemment pour répondre à un besoin d'épanouissement. En tous cas, je ne connais personne qui serait épanoui dans un environnement pareil.

Mais qu'est-ce que je fais là ?

On nous emmène vers une petite table blanche en métal, la peinture se décollant par bandes, installée à l'extérieur, derrière laquelle attendent deux adultes.

- Zone 23 496 ! appelle l'un d'entre eux.

Hochwell s'avance d'un démarche sautillante, contrastant drôlement avec son mauvais caractère. Arrivé, il s'assoit sur le siège, entre les deux adultes. L'un des deux hommes s'empare d'une règle et l'autre d'un ciseau.

- Vous avez droit à 10 centimètres de cheveux maximum, explique celui muni d'une règle. Au-delà, pour des raisons d'hygiène, on coupe.

Après avoir mesuré la taille des cheveux de Hochwell (qui, coupés ras, on dû bien plaire à ces maniaques), ils entrent des données dans un tableau.

- Zone 23 497 ! clame à nouveau l'homme au ciseau.

                  .oOo.

Après avoir coupé les boucles brunes de Hent et quelques unes des mèches noires qui me tombaient devant les yeux, des cheveux de couleurs différentes sont éparpillés sur le sol, donnant presque l'impression d'un mosaïque. Une fois les coupes finies, l'homme au ciseau nous mène à l'intérieur du bâtiment.

Si l'air, humide, sent légèrement le moisi, la fraîcheur est plutôt agréable. Le sol est fait de carreaux en terre cuite grisâtres, et les murs de blocs de pierre rugueux qui ne laissent visiblement pas entrer la chaleur.

A notre gauche s'étend une immense salle, dans laquelle sont installées six grandes tables de bois d'une vingtaine de mètres chacune. Combien de personnes peuvent-elles être accueillies ici ? Combien de personnes sont accueillies ici ?

Nous poursuivons notre route pour nous retrouver devant un grand escalier de pierre blanche, la seule chose belle dans cette Base vétuste. Nous en gravissons les marches, quatre à quatre, pour enfin arriver dans un long couloir, sombre, faiblement éclairé par une lampe qui ne semble pas très efficace (ou en tous cas trop âgée).

Éclairés par cette lumière tremblotante, nous longeons ce couloir pour finalement faire face à une porte de métal, la dernière, sur laquelle est inscrit le numéro 3 916. Le même que celui du camion, il me semble.

L'homme qui nous accompagne enfonce une clef dans la serrure, puis l'ouvre dans un cliquetis métallique, nous faisant signe d'entrer d'un geste agacé. Je me demande combien de fois il a ouvert des portes, en je conclus très intelligemment qu'il doit s'agir de son travail.

- Commencez à vous installer, je reviens après, ordonne-t-il.

Dociles, nous entrons, bien que Tieden semble vouloir protester. Hent, voyant ça, lui saisit l'épaule et l'emmène à notre suite, tout en gardant son éternel sourire.

Dans un bruit sourd, la porte se ferme, et nous faisons maintenant face à la chambre que nous allons occuper à partir d'aujourd'hui.

Trois lits superposés métalliques y sont installés, une armoire par lit superposé, le sol est fait de carreaux blancs, rendus gris par la saleté, semblables à ceux du hall. Nous n'avons pas de fenêtre, une odeur nauséabonde flotte dans l'air, et, vu la quantité de poussière et de toiles d'araignée, le ménage n'a pas été fait depuis longtemps.

L'air est chaud, à la même température que l'extérieur, et je ne vois rien pour se chauffer lorsque Brumaire viendra.

Après, je ne suis pas certain de souhaiter rester ici jusqu'à Brumaire...

- Et nous sommes censés être l'élite ? questionne Tieden d'une voix blanche.

                   .oOo.

Nous nous répartissons en groupes de deux pour se partager les couchages. J'ai proposé d'aller avec Rellov, et tous ont accepté avec un air que je qualifierais de "soulagé".

Tieden s'est mis avec Faïen, laissant gentiment Hent s'occuper de Hochwell. Le garçon aux taches de rousseur a accepté sans aucune opposition, sans doute pour éviter que les deux adolescents ne s'entretuent.

Nous sommes à présent en train de ranger nos habits, attendant calmement qu'on nous apporte de quoi faire nos lits.

Soudain, quelqu'un tape à la porte.

- Ouvrez, bande d'incapables ! s'énerve l'homme qui se tient derrière.

Hent, le plus proche, s'y précipite pour l'ouvrir.

- Pour des consignes d'hygiène et de sécurité, je mets une caisse au milieu de la pièce, explique la personne dans l'encadrement de la porte. Déposez tous vos vêtements et affaires personnelles dedans, nous vous les rendrons à votre départ de la Base. Je reviens dans cinq minutes chercher tout ça et vous donner vos nouveau uniformes.

Des nouveaux uniformes ? Depuis toujours, nous ne connaissons que les nôtres... Comment vont-ils être ?

- Les bijoux doivent aussi être déposés, ajoute t-il en voyant le collier que porte Rellov. Si vous n'obéissez pas, vous risquez de lourdes sanctions.

Pour une fois, Tieden a la bonne idée de se taire. Je ne veux pas savoir quelles sont ces "lourdes sanctions". Je crois même que, pour une fois, je vais obéir sans poser de questions.

J'espère que les autres en feront de même.

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