Chapitre 11

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Pour les déclarations sincères - mais suicidaires -, Liago et Tieden s'entendraient vraiment bien. Heureusement, je n'ai pas pour projet de leur organiser une petite rencontre.

Je crois que le sourire satisfait de Tieden était de trop à ce moment-là. Aussitôt, l'homme lève sa main, qui vient s'écraser sur la joue du garçon dans un claquement bruyant, l'envoyant à terre.

- Tu ne devrais pas faire le fier, réprimande l'homme avec un profond dégoût, le regard dur.

Tieden tente de se relever, mais, d'un coup de pied dans le ventre, l'adulte l'en empêche.

- Excuse-toi, ordonne ce dernier.

- Jamais ! réplique le jeune homme avec une colère vive. J'ai juste répondu...

Mais un autre coup, brutal, le fait taire.

- Excuse-toi ! répète l'homme.

Cependant, Tieden ne dit rien, se contentant de recevoir le coup suivant, puis celui d'après, roulé en boule sur le sol sale. Étrangement, son visage est serein, les yeux fermés, comme s'il dormait. Il se crispe tout de même, quand l'un des coups un plus fort que les autres, mais ça ne dure jamais bien longtemps, son visage retrouvant sa tranquillité originelle.

Soudain, je reprends mes esprits et la honte me submerge : j'assiste à cette scène sans agir, laissant le garçon recevoir les attaques, les coups qui pleuvent.

Je me précipite vers l'homme, qui ne cesse toujours pas de frapper Tieden.

- Arrêtez ! je hurle en m'interposant.

Je regrette bien vite mon acte : je suis très peu imposant et ne sais pas me battre. Je reçois un coup dans le ventre, ai le souffle coupé et lâche un gémissement de douleur peu glorieux. Aussitôt, Tieden roule sur le côté et, pendant que le pied de l'homme vient me percuter à nouveau, il se relève et fauche les jambes de l'adulte, qui se retrouve par terre dans un bruit sourd.

- Va-t'en, ordonne le roux froidement, son regard meurtrier concentrant toute la haine du monde. Va-t'en avant que je ne décide de te tuer à coups de pieds.

L'homme se remet debout, puis son regard, hagard, alterne entre Tieden et moi, et il fait demi-tour. Dos à nous, avant de quitter la pièce, il ajoute amèrement :

- Vous avez eu de la chance de tomber sur moi. Je vous donne un conseil : faire les fiers, ici, ça peut vous coûter la vie.

Puis il s'en va, faisant claquer la porte métallique derrière lui. Si l'adulte avait eu un minimum de jugeote, il aurait remarqué que, même à deux contre un, nous n'avions aucune chance. Peut-être était-il préoccupé car tacher son habit de travail est mal vu ?

Je me tourne vers Tieden, dans le but de le féliciter, puis je remarque l'état dans lequel il se trouve et arrête tout mouvement : des gouttes de sang coulent de son nez pour aller s'écraser sur le sol gris ou faire des taches brunes sur son pull.

Les sourcils froncés et la mâchoire serrée, sa colère ne semble pas avoir diminué. Loin de là.

Je ne peux cependant me demander comment il fait pour rester digne malgré tous les coups qu'il a reçus. A sa place, je me roulerais lamentablement par terre en geignant.

- Tieden ! s'exclame Hent en allant vers lui, son sourire permanent remplacé par une inquiétude sincère. Enlève ton pull, si tu veux, je vais voir si je peux soigner tes blessures...

Il pose sa main sur l'épaule de Tieden, sans doute pour le réconforter, mais ce dernier le repousse violemment.

- Non, répond-il avec la même froideur que celle utilisée lorsqu'il s'est adressé à l'homme. Je n'ai et n'aurai jamais besoin de l'aide d'un lâche. Dégage.

Mais c'est lui lui s'éloigne, prenant son carton d'uniformes et allant s'asseoir sur son lit. Je remarque qu'il boite légèrement. Il doit avoir vraiment mal. Son caractère peut lui coûter cher, puisqu'il n'a visiblement pas besoin de faire beaucoup d'efforts pour s'attirer les foudres des adultes.

Je me dirige vers la porte d'entrée à mon tour et saisis deux boîtes : celle de Rellov et la mienne, la dernière appartenant à Faïen. Je trouve mon camarade de lit superposé roulé en boule, au pied de notre armoire, les yeux écarquillés, les larmes dévalant ses joues sans interruption.

Je m'approche de lui doucement, pour ne pas l'effrayer.

- Ils vont revenir, souffle Rellov. Tu entends, Hérion ? Ils approchent !

Le jeune homme me prend par les épaules et commence à me secouer avec frénésie.

- J'entends leurs pas ! continue t-il, criant presque. Ils ont des armes ! Plein d'armes ! Ils vont tuer ta famille, toi aussi ! Protège-les, protège-les, protège-les...

Sa voix baisse, devient tremblante, et il éclate en sanglots. Je le regarde, impuissant face à tant de détresse. Je le prends dans mes bras, le plus doucement possible, parce que c'est comme ça qu'on fait, chez moi, pour consoler.

.oOo.

Rellov est brûlant, et il n'a pas cessé de trembler depuis tout-à-l'heure. Il continue de pleurer, mais l'intensité des sanglots diminue petit à petit.

Quand ils ont presque cessé, je me détache doucement de lui, puis lui demande, sur le même ton que celui qu'utilisait ma mère pour me rassurer :

- On va se changer, d'accord ? On va mettre les nouveaux uniformes.

Il n'a aucune réaction, continuant de regarder dans le vide, et je décide de prendre ça pour un point positif.

Je me dirige vers mon carton et en sors un uniforme. Il est entièrement noir, du même modèle que l'ancien, mais dessus, il est inscrit notre numéro de zone ainsi que les mots "Grand Canyon", en lettres dorées. Malgré le design assez rudimentaire, les vêtements sont ajustés à notre taille, les modèles étant proches de ceux de nos zones.

Je prends un uniforme pour Rellov dans son carton, qui a pour seule différence le numéro de zone et vais le retrouver.

On va s'habiller. Lentement, sans précipitation.

Je vais essayer de me contenir pour ne pas reculer d'effroi devant les grandes cicatrices zébrant le dos du jeune homme.

Je ne sais pas ce qu'a vécu Rellov. Je ne sais pas ce qui lui a fait perdre la tête.

Mais, maintenant, puisque ses peurs se sont accentuées à la vue de cet homme, ce n'est pas impossible que les personnes qui l'ont traumatisé soient habillées pareil, ou de manière semblable.

A moins que ce soit la violence ?

Peut-être qu'un jour je connaîtrai l'histoire complète.

Et ce jour-là, les gens qui sont à l'origine de cette folie feraient mieux de se cacher.

Car ce jour-là, je vengerai Rellov.

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