Chapitre 13

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- DRIIIIIIIIIIIIIIIIIING !

La cloche retentit, mais ne me réveille pas : je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Le trajet, l'arrivée à la Base, la découverte de d'autres zones, les révélations liées au Sage... Ce sont trop d'informations à accumuler en trop peu de temps pour mon trop petit cerveau.

Alors que mes camarades de dortoir semblent avoir du mal à se lever, je me mets sur pieds rapidement et commencer à m'habiller. Je noue mes lacets et, prêt, attends les autres.

Tieden, qui a lui aussi terminé, me fait signe de partir sans eux. J'hoche la tête en signe d'affirmation et nous quittons la pièce, suivis de près par Hent, la marque de l'oreiller plaquée sur sa joue.

Le roux a aussi mauvaise mine que moi : lui non plus n'a pas l'air d'avoir beaucoup dormi. Il n'y a aucun doute : les blessures causées par l'homme hier n'ont pas aidé. Des ecchymoses son visibles sur son visage, ses bras et son nez, bleui, ne saigne plus mais reste très certainement douloureux.

Nous suivons la masse grouillante dans les escaliers tels des automates, arrivés trop tard pour voir l'adulte en tête de file. Nous descendons les escaliers, mais, au lieu de nous rendre dans la salle aux six tables, nous poursuivons notre route, pour arriver à l'extérieur du bâtiment, où les adolescents arrivés précédemment se tiennent droits, en colonnes, attendant visiblement que nous soyons tous installés.

Hent, Tieden et moi allons nous placer chacun derrière une colonne, ne sachant pas très bien à quoi tout cela peut correspondre.

Si on se penche sur le côté pour éviter les têtes des autres garçons, on peut apercevoir une petite estrade sur laquelle est placé un micro, devant nous. Quelqu'un va faire un discours ? J'espère de tout mon cœur que l'on va nous expliquer ce qu'il se passe, pour qu'enfin tous nos doutes et toutes nos peurs s'évaporent. Malgré tout, j'ai, bizarrement, du mal à y croire.

De nombreux autres jeunes arrivent, après nous, et se mettent au milieu de la colonne, si bien que je me retrouve acculé contre une cloison en plastique, dressée au milieu de la cour pour des raisons mystérieuses.

- ... C'était le dernier convoi, entends-je faiblement, derrière moi.

Une discussion ? Je tends l'oreille.

- Ils vont bientôt pouvoir y aller, poursuit la personne.

- Bien, dit une autre voix. Dans deux jours, à la même heure.

Le discours stoppe et j'entends des bruits de pas s'approcher. Effectivement, sortant de derrière la cloison, l'un des deux hommes fait son apparition, montant sur l'estrade. Son visage n'attire pas la sympathie : des yeux globuleux, un nez aquilin, des lèvres fines et des cheveux bruns auxquels se mêlent des cheveux blancs. Il lève les mains théâtralement, tel un chef d'orchestre et prend la parole :

- Un, fait-il sans que je comprenne pourquoi, deux, trois, quatre !

Aussitôt, sur le "quatre", tous les jeunes se mettent à chanter, a capella, d'une même voix :

- Vers de nouveaux horizons,

Toujours plus haut, toujours plus loin,

Nous nous battrons,

Et ne lâcherons rien

Jusqu'au bout,

Nous irons jusqu'au bout,

Bravant les dangers,

Là où la guerre va nous mener

Nous tuerons s'il faut tuer,

Tuer pour se défendre ou se venger,

Nous nous battrons jusqu'à l'épuisement,

Peu importe l'heure ou le temps,

Que pleuvent les balles

Ou brillent les étoiles.

Vers de nouveaux horizons,

Toujours plus haut, toujours plus loin,

Nous nous battrons,

Et ne lâcherons rien.

Le silence revient, et l'homme sur l'estrade esquisse un sourire satisfait.

- Vous chantez de mieux en mieux, complimente-t-il. Cela tombe bien : je vous annonce que vous quitterez bientôt la Base du Grand Canyon.

A ma plus grande surprise, aucun murmure ne parcourt la foule, à la manière de ce qu'il se serait produit dans ma zone. Bien au contraire les adolescents restent stoïques, immobiles comme des statues, presque trop disciplinés pour être humains.

- Vous allez combattre, depuis le temps que vous l'attendez ! clame l'homme, dans ses yeux noirs brillant des lumières peu rassurantes.

Son regard parcourt l'assemblée, pour finalement s'arrête sur moi.

- Toi, viens ici, ordonne t-il d'une voix forte pour que tout le monde puisse l'entendre.

Je regarde les jeunes qui m'entourent pour m'assurer que c'est bien à moi qu'il s'adresse, mais il semblerait que oui : aucun autre jeune ne bouge, se contentant de fixer la personne devant eux, leurs visages dénués de toute expression.

Je déglutis, puis m'avance, bousculant des adolescents, dont certains n'ont pas onze ans. Comme depuis mon arrivée ici, aucune fille n'est présente... Ou visible, en tous cas.

Je monte sur l'estrade à l'aide d'un escalier de quatre marches situé à gauche, puis arrive enfin, allant me positionner près de celui qui m'a appelé. L'homme m'adresse un sourire que je considère comme terrorisant mais qui, je crois, se veut sympathique.

- Tu t'appelles comment, garçon ?

Je sens ma mâchoire se contracter : dans ma zone, "garçon" utilisé sans déterminant devant est un terme péjoratif qui désigne les personnes considérées comme inférieures. On évite donc de l'utiliser - ou du moins en public -, puisque c'est clairement insultant.

Je décide de ne pas en tenir compte et de répondre à sa question, sous le regard pesant de tous les jeunes, m'observant d'en bas. Si certains semblent vaguement amusés, d'autres expriment une colère claire. Malgré tout, la majorité reste indifférente, regardant la scène se produire comme une scène quotidienne et ennuyeuse.

- Hérion, réponds-je. Je m'appelle Hérion.

- Bien, Hérion, reprend la personne qui se tient debout, devant moi et qui me dépasse facilement d'une tête. Depuis combien de temps es-tu à la base ?

- Je suis arrivé hier, dis-je prudemment, ne sachant pas si cette information est bonne ou mauvaise.

- Oh ! s'exclame l'homme avec une surprise feinte. Et qu'en penses-tu ?

C'est le moment de choisir : ou je mens et dis tout le contraire de ce que je pense vraiment, ou bien je dis la vérité... En nuançant un peu, quand même.

J'hésite.

Soudain, je crois entendre la voix de Liago, au fond de mon esprit, resté à la zone, loin d'ici et de tous les problèmes qui se dessinent.

Je revois ses cheveux blonds bougeant de droite à gauche quand il courait en tête lors des entraînements que nous nous étions imposés, dans l'ultime but de gagner cette compétition. Pour quoi ? Pour une Base défaillante où se produisent chaque jour des horreurs ?

Je comprends là où me mène mon esprit... Et je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou non.

C'est sa devise.

"One life..."

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