Chapitre 21

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Lorsque j'ouvre les yeux, je comprends qu'il est trop tard.

Précipitamment, j'écarte les couvertures et sors de la cabane, mes pieds nus contre la terre froide et humide.

Plus de tentes. Seules les traces de pas d'une vingtaine de personnes, s'éloignant, en direction des coups de feu.

Je me mets à courir, désespérément, espérant utopiquement rattraper un groupe parti plusieurs heures avant moi.

- GAMIN !

Je me retourne aussitôt, voyant le chef du groupe 210, quitter la maison au pas de course, visiblement affolé par mon comportement, dans ma direction.

J'accélère, sans porter attention aux cailloux tranchant la plante de mes pieds, à ma tête qui tourne et à l'homme qui se rapproche.

- Attends ! crie t-il.

L'énergie du désespoir ne me suffit pas, et le chef du groupe se jette sur moi pour m'aplatir, au sol, la tête dans la terre. Je ne suis pas blessé, bien que le poids de son corps m'ait coupé la respiration.

Doucement, il se relève, comprenant que j'abdique. Je n'ai plus la force de me battre encore.

- Ils sont partis ? interrogé-je faiblement. Dis-moi ! Ils sont partis ?

- Oui, acquiesce l'homme, troublé. Ils sont partis.

Je baisse la tête, sous le choc, et laisse l'homme me relever et, sa main sur mon épaule, me reconduire à la cabane.

.oOo.

Je suis assis à table, devant un bol de soupe brune auquel je n'ai pas touché. L'adulte se tient à côté de moi, attendant visiblement que je me nourrisse.

- Quel est le programme de la journée ? demandé-je.

- Le programme ? répète t-il.

Il semble dubitatif mais mon regard décidé le pousse à répondre :

- Tu pourras aller chercher de l'eau de mer, si tu veux, pour nettoyer la cabane.

Oui, ça me parait bien, chercher de l'eau de mer.

Je me lève, toujours sans avaler la moindre goutte de soupe et quitte la table, prenant au passage un bidon pour contenir l'eau.

Me voilà à nouveau dehors. Avec des chaussures, cette fois-ci, bien que ma plante de pied continue de me faire souffrir. Quelle idée, aussi, de courir comme ça...

Je me mets en marche, tout droit vers les rochers. Je les escalade, à une main - l'autre étant occupée par le bidon -, glissant parfois mais me rattrapant toujours, ayant acquis une certaine agilité, sans doute à la Base.

Je regarde autour de moi. Je n'ai pas suivi le chemin, j'ai fait le malin, et voilà que je ne sais plus où je suis. Je soupire. On verra bien, de toute façon, je dois juste trouver la mer.

Je continue à avancer, quand enfin j'aperçois l'eau, au loin. Je poursuis mon chemin et enfin atteins la plage. La mer, translucide, claire, bleue, paisible...

Je m'assois dans le sable, hypnotisé par les vas-et-vient des vagues, tranquilles.

Soudain, brisant ma contemplation, je remarque quelque chose : le bateau qui nous a emmenés ici... Disparu.

Avec colère, je serre les poings.

Il n'ont jamais eu l'intention de nous permettre de revenir à la base. Même en supposant que nous gagnons le combat, jamais je ne rentrerons...

Quel est leur objectif ? Nous laisser mourir ? Qu'est-ce que cela leur apporterait de nous avoir fourni tout cet entraînement sachant que l'on va périr ?

Je regarde le bidon dans ma main gauche d'un œil sombre. Je ne compte pas rester ici toute ma vie. Je dois m'enfuir.

Autour de moi, je cherche une cabane, une embarcation, un morceau de bois, quelque chose qui me permette de m'échapper, mais il n'y a que du sable et des rochers. Je soupire. Tant pis, faisons un peu d'exercice.

Abandonnant mon bidon sur la plage, je me mets en route.

.oOo.

La recherche aura été de courte durée. Interrompu par la pluie, à nouveau, je me suis abrité en attendant qu'elle cesse. J'ai froid. Encore une fois, ma stupidité a pris le dessus : je n'ai pris ni mes allumettes, ni ma veste imperméable ou mon pistolet. Il est trop tard pour aller les chercher. Je suis perdu, et sans doute trop loin de la cabane, maintenant.

Je soupire, abattu. De toute façon, qu'est-ce que je croyais ? Que je traverse la mer pour rentrer chez moi à la nage ?

Je réalise aussi que, à supposer que j'arrive à regagner le port, je ne saurai pas retourner à la base et encore moins dans ma zone. Nous étions enfermés dans un camion bâché tout le trajet. J'ai dormi, dès mon départ. Je n'ai même pas la moindre idée de l'apparence de la route à suivre. Il doit y en avoir plein, des routes.

Parce qu'il y a plein de zones. Chose que j'ignorais il y a une semaine encore.

Tout s'est passé si vite...

Maintenant que je suis seul à nouveau, sans livre de physique ou quelqu'un avec qui parler, les questions fusent à nouveau. A quoi ressemble les autres zones ? Qui cultive les légumes qu'on mangeait, là-bas ? D'où venaient-ils ? Mes parents savaient-il qu'il y avait d'autres zones ? Qui est le Sage ? Sous les ordres de qui agit-il ? L'Extérieur est-il vraiment dangereux ? Si non, alors pourquoi nous avoir enfermés dans des zones ?

Ma rencontre avec Elven m'a fait devenir curieux, et je ne sais pas si je dois m'en réjouir. Ici, l'être peut s'avérer dangereux.

Je ne pourrai jamais reconstituer le puzzle, vu le peu de pièces que j'ai. Le garçon à la cicatrice posait souvent des questions, mais donnait rarement la réponse.

Et je l'ai laissé partir.

Je suis seul, désormais. Je ne peux compter que sur moi. Tous ceux que j'ai rencontrés, je ne les reverrai plus. Enfin, sauf si un miracle a lieu, bien sûr. Mais, comme dans ma zone on n'y croyait pas, je n'y crois pas non plus.

Soudain, quelque chose s'abat avec violence contre ma tempe.

Je perds connaissance.

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