Chapitre 28

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- Ils n'ont pas de viseurs ! s'efforce de hurler Armand pour rassurer les jeunes.

Il semble que malgré tout, les hommes à bord du bateau n'en ont pas besoin : leur détermination les pousse à être plus calmes encore, et surtout plus précis. Sans doute ont-ils été mieux préparés.

Maintenant, nous tirons tous. Les Patrouilles n'étant pas très nombreuses, nous ne devrions pas avoir trop de mal à nous débarrasser d'eux.

Je n'ai atteint qu'un homme pour le moment, mais je suis tout de même fier de moi car ce n'est pas comme si j'utilisais un pistolet tous les jours.

Si certains adolescents sont touchés par des balles ennemies, ils n'y portent généralement pas attention et continuent de tirer malgré leur douleur. Plus nous libérons le bateau rapidement, moins il y aura de blessés. Dans notre camp, en tous cas.

L'embarcation a cessé sa progression, mais si les coups de feu ne se sont pas arrêtés, ils se font de plus en plus précis et meurtriers. Le nombre de blessés augmente à vue d’œil.

- DISPERSION ! beugle le chef de la Ligue pour être entendu de tous, son cri couvrant les déflagrations.

Le plan de secours. Préparés à cette éventualité, nous obéissons aussitôt, nous levant pour nous déplier, dans les terres cette fois-ci.

Des souterrains ont été construits, il y a de cela plusieurs semaines, afin de nous offrir un avantage stratégique - conséquent dans une situation comme celle-ci.

Tout a été extrêmement bien fait : pour éviter toute divulgation d'informations à l'ennemi, seuls les trois dirigeants ont en leur possession une carte indiquant la totalité entrées. Nous en connaissons deux chacun, pour nous réfugier principalement, mais aussi pour obtenir des soins en cas de blessure.

Je me carapate donc, zigzaguant entre les rochers et les herbes hautes présentes dans cette région de l'île, fouettant mes chevilles.

La zone où a eu lieu le débarquement des Patrouilles n'a pas été choisi par hasard. Il s'agit du seul endroit de l'île où poussent des arbres et des plantes, sans doute pour qu'ils puissent se déplacer en tout discrétion dès leur arrivée.

En tous cas, ça nous arrange.

J'attrape une branche au-dessus de ma tête et me hisse sur celle-ci, aidé de mes pieds poussant contre le tronc pour me donner plus d'élan.

J'évolue avec habileté dans l'arbre (bien que la crainte d'alerter les Patrouilles reste largement présente) et atteins assez rapidement la plus haute branche. De peur qu'elle ne cède, je choisis de ne pas monter plus haut et me contente de ma position actuelle.

Nous sommes dix au total à être cachés dans les arbres et attendant le passage de Patrouilles. Dès que l'on en aperçoit une, on ne se pose pas de questions. On tire.

Sept des jeunes sont dans les souterrains depuis le début de l'opération, attendant les blessés avec tout le matériel nécessaire, et deux lits.

Armand et ses deux acolytes sont normalement dans le plus haut des arbres. Ils ont la meilleure position, ou en tous cas la plus sécurisée. Je ne m'en fais pas pour eux : du peu que j'ai vu, ils tirent vraiment bien.

Le reste des jeunes de la Ligue sont dispersés, la plupart du temps par groupes de deux, à pied. C'est le cas de Tieden, dont le bras a été soigné, mais qui, malgré tout, préfère ne pas monter aux arbres pour le moment. Leur rôle est d'attirer les Patrouilles vers nous. Ce sont eux qui courent le plus de risques et sont les mieux protégés, avec, pour certains, des gilets pare-balles. Bizarrement - ou pas - je n'envie en rien leur position.

Patiemment, j'attends. Je ne suis pas très éloigné de la mer, alors ça ne devrait pas être long. Le métal froid de l'arme me fait prendre conscience d'une chose : vu comment je m'en sers, je ne risque pas de tuer grand-monde... Quoique. Bien qu'en mouvement, les cibles seront plus proches que tout à l'heure.

Soudain, un sifflement se fait entendre. Armand. Nous devons quitter les lieux.

Je mets mon arme en bandoulière et m'apprête à descendre, quand un bruissement attire mon attention. Je me retourne brusquement.

Une Patrouille.

Au pied de l'arbre, le garçon retire son tee-shirt et le déchire bruyamment pour faire des bandes de tissu qu'il enroule autour de son genou et de sa tête. Il est blessé.

Je ne sais pas quoi faire. Je dois quitter mon arbre, le bateau va attendre quinze minutes, montre en main, et ces quinze minutes passées, il partira. Il ne faut surtout pas que l'on s'attarde sur l'île.

Après une longue hésitation, je me dirige vers l'autre côté du tronc et me rapproche du sol le plus discrètement possible. Arrivé au sol, je prends mon arme à deux mains et m'avance vers la Patrouille. Dès que je l'aperçois, je braque mon arme vers elle et m'exclame vivement :

- Halte ! Pas un geste ou tu es mort !

L'ennemi lève ses yeux bruns vers moi, tremblant. C'est un jeune homme d'environ une vingtaine d'années, qui me regarde avec une peur bien réelle. Ses bandages sont pleins de sang, et sa pâleur m'affole. Il est vraiment mal en point.

- Les mains en l'air ! répété-je.

Il obéit et je l'approche avec prudence, récupérant un des bandages au sol et lui ordonnant de s'attacher les jambes avec. Précautionneusement, il s'exécute. Après avoir vérifié la solidité du tissu, j'en noue moi-même un morceau autour de ses mains puis m'éloigne.

- Attend ! crie le garçon d'une voix grave et cassée.

Je stoppe ma marche, hésitant à me retourner.

- Tu peux pas me laisser là ! reprend il. S'il te plaît...

- J'ai pas le droit, répliqué-je. Là où je vais, ils t'auraient tué.

- Si je reste là, je vais mourir aussi !

Je soupire et hoche la tête de gauche à droite.

- D'accord, souffle t-il finalement. Alors tue-moi.

- Non, refusé-je catégoriquement.

- Alors emmène-moi.

- Je t'ai laissé la vie sauve. J'ai pas l'impression que tu me sois très reconnaissant.

J'entends un deuxième sifflement. Plus que dix minutes.

Je reprend ma marche.

- ATTEND ! hurle la Patrouille. JE VAIS MOURIR, LÀ !

- C'est pas mon problème.

- ARRÊTE-TOI, PUTAIN !

J'obéis, contre mon gré. C'est mon cœur qui m'ordonne de l'écouter. Je ne peux pas l'abandonner ici.

- T'as bien un chef, reprend le garçon, haletant.

Pas de réponse.

- Alors mène-moi à lui. Il décidera.

- D'accord, cédé-je. Faisons comme ça.

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