Chapitre 35

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Après une opération très douloureuse malgré des précautions, un évanouissement et de nombreux hurlements, la balle est enfin délogée de mon bras et je peux me reposer.

Vidé de toute énergie, le bras bandé, l'hémorragie ralentie, je reste allongé sur le même matelas, face aux étoiles et bercé par le vent.

- Il tient mal la douleur, entends-je à quelques mètres de moi, mais nous avons réussi à retirer la balle. C'est vraiment important, et maintenant c'est chose faite.

Je soupire. Mon évanouissement m'a rendu encore plus faible que je ne l'étais déjà, même si j'ai mangé des morceaux de pain ramenés de la base, qui m'ont redonné un petit peu d'énergie.

Demain, nous allons attaquer la base de Maza Upe. Et cette fois-ci, pour de bon. Un plan élaboré cette nuit nous sera présenté demain matin pour une mise en action qui aura lieu pendant l'après-midi.

Vu mon état actuel, je doute de pouvoir participer, mais rien n'est encore sûr. Je dois dormir, et peux le faire sur mes deux oreilles, car une vingtaine de jeunes se relaient pour garder le camp jusqu'à notre réveil.

Des cris se font entendre dans la tente à quelques mètres de moi. Je crois reconnaître la voix d'Anaia et celle d'Armand. Un bruit sourd survient, et je suppose qu'un objet a été victime du désaccord. Des pas se rapprochent, jusqu'à s'arrêter, juste à côté.

Anaia s'allonge sur son matelas, dos à moi, le corps secoué par des sanglots silencieux. J'hésite à la consoler ou lui proposer mon aide, mais me ravise.

Elle n'a pas besoin de moi.

.oOo.

Dès que j'ouvre les yeux, je sens une agitation inhabituelle flotter dans l'air.

Effectivement, partout autour de moi, les jeunes s'affairent, s'arment, se préparent pour l'attaque. Visiblement, ce n'est pas la discrétion qui va être mise en avant, aujourd'hui.

Je lève les yeux : le soleil est déjà haut dans le ciel, j'ai dû dormir un bon moment. Le matelas à ma gauche a été délaissé de sa propriétaire. Je la cherche du regard, mais ne trouve aucune trace d'Anaia.

Je me lève, aussitôt ai la tête qui tourne, me reprends et commence à marcher à travers le camp. Je dois savoir ce qui est prévu pour l'assaut.

Je vais donc trouver Armand dans sa tente, deux fois plus grande, puisqu'il peut tenir debout. Dans celles des autres jeunes de la Ligue, réussir à s'assoir est impensable, à moins bien sûr de craquer le tissu et exploser l'armature.

- Alors, quel est le plan ?

L'Aristocrate jette un rapide coup d'œil derrière son épaule, sans se retourner pour autant. Il semble ne porter aucun intérêt à ma venue. Cependant, il me reprend :

- Tu as sauvé la vie d'Anaia hier. Aujourd'hui, tu te reposes.

Vidé, je ne sais pas quoi répondre. Comment ça ?

- Si vous partez tous combattre, pourquoi est-ce que je devrais rester ici ?

- Tu ne seras pas le seul...

- Je viendrai. Il n'y as pas de discussion possible.

Il secoue la tête de droite à gauche et ses épaules se soulèvent puis s'abaissent, comme s'il soupirait. Vexé, je poursuis :

- Et tant pis pour connaître le déroulement de l'attaque, je demanderai à quelqu'un d'autre. T'en fais pas pour moi.

Ces derniers mots, sarcastiques, trahissent mon amertume et je m'éloigne d'un pas vif et vigoureux, animé par la colère.

- C'est parfois courageux de savoir renoncer.

.oOo.

- Tu sais, c'est pas contre toi. On part dans cinq minutes, et tu vois bien que tu n'es pas prêt.

Gentiment, Anaia essaie de me remettre à ma place, en me rappelant que même si je souhaite les suivre, je n'ai comme arme que celle qui a servi à tuer deux personnes, et que, hier encore, je comptais m'en servir le moins possible.

Pourtant, maintenant, je donnerais tout pour partir avec eux. Je n'accepterais pas de les voir s'éloigner, au loin, tandis que je resterais, seul, à garder un campement vide.

C'est hors de question.

- Je vois bien, confirmé-je en lui adressant un léger sourire. T'as raison. C'est plus prudent que je surveille le camp.

Elle hoche la tête, me souriant en retour, comme pour se convaincre elle-même, puis elle s'éloigne pour les préparatifs finaux.

S'il faut que je lui mente pour éviter qu'elle se fâche, j'en suis capable. La preuve est observable à l'instant même.

J'irai.

.oOo.

Les légers bruits d'armes qui cognent les unes contre les autres est la seule chose qui vient briser le paisible silence de la plaine.

Le calme avant la tempête.

Je regarde les jeunes de la Ligue évoluer à travers les herbes hautes, le plus rapidement possible. Effectivement, c'est le moment propice : les Patrouilles ont disparu, étant sans doute aller prendre leur pause, et les adolescents ont une opportunité exceptionnelle d'attaquer la base.

Devant la pente douce, la seule qui permet de rejoindre le groupe, je me mets sur le ventre et pousse en espérant glisser afin de me rapprocher d'eux. Si la fin de la pente est brutale, je ne dois pas m'en soucier et continue ma progression, évitant de faire le moindre bruit. Il pourrait trahir ma présence.

Il faut que j'arrive au moment où on aura le plus besoin de moi. Ainsi, on ne pourra pas me reprocher d'être venu, ou, si on le fait, il s'agit de mauvaise foi, auquel cas je ne peux rien faire.

Les jeunes ont enfin atteint les murs qui entourent la cour et le bâtiment, aplatis contre la pierre pour ne pas se faire repérer. En somme, ils sont face à moi, et je suis forcé de cesser toute avancée.

Soudain, j'entends quelque chose qui me semble suspect. Des voix, des dizaines de voix, qui s'élèvent, sans doute en provenance de la base. C'est le seul endroit possible.

C'est pour s'occuper d'eux que les Patrouilles ont quitté leurs postes. Curieux, je me pose de nombreuses questions. Combien il y a de jeunes, là-bas, qui pourront ensuite rejoindre nos rangs, lutter avec nous et augmenter la taille du groupe ? Est-ce que ce sont des filles ou des garçons ? Quel âge ont-ils ? Quelle forme prend leur entraînement, à eux ? Sont-ils bien traités ?

Bientôt, j'aurai la réponse. Dès mon entrée dans Maza Upe, à vrai dire.

Je sors ma tête des herbes furtivement pour regarder ce qu'il se passe et aperçois une scène étrange, mais loin d'être désagréable.

Les jeunes de la Ligue grimpent aux murs de la base, et Armand est en tête.

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