Chapitre 49

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Menant les habitants des zones, nous avançons sur un chemin en descente bordé d'une falaise, en-dessous de laquelle se trouve un épais nuage et, sans doute, la Ville. Essoufflé, je fais une pause et remarque qu'Anaia m'a imité.

Tandis que nous sommes là, côte à côte, je me dis que c'est l'occasion ou jamais. Peut-être serons-nous morts demain. Peut-être seulement l'un d'entre nous. Peut-être survivrons-nous tous les deux. Mais, actuellement, mes seules certitudes concernent le passé et ces mots qu'elle m'a adressés.

Alors, lentement pour qu'elle ait le temps de me repousser, je vais vers elle et, lorsque je suis suffisamment près, je passe mon bras autour de ses épaules. Elle semble surprise mais ne dit rien.

Quelques secondes passent.

Je sens une masse sur mon épaule. Sa tête.

Je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire. Même si je meurs demain, je mourrai avec ce souvenir, et les seuls regrets ne me seront pas adressés. La seule chose à laquelle je pourrais en vouloir serait la mort. Elle seule a le pouvoir de faucher sa vie ou la mienne.

Alors que je sens les battements de mon cœur ralentir, que je commence à m'apaiser, Armand fait son apparition, provoquant l'éloignement immédiat d'Anaia.

- Hérion, souffle t-il en détournant le regard. J'ai une mission à te confier.

Un mission ? Curieux, je reporte toute mon attention sur lui.

- Ils ont des taupes, poursuit-il. J'estime leur nombre à une petite dizaine, dans le cortège. Mais une petite dizaine de taupes peut changer beaucoup de choses. Je sais que tu n'en es pas une. J'aurais besoin de ton aide pour vaincre l'ennemi de l'intérieur. Nous avons besoin que quelqu'un s'absente, et ça ne peut pas être moi. Ils le remarqueraient aussitôt.

Son visage exprime une claire déception, mais il prend son rôle de leader très au sérieux et ne ferait rien qui puisse compromettre ce combat final.

- On peut dire, conclut-il, sans exagérer, que l'issue du combat dépendra de ta décision. De toi, plus globalement.

J'hoche la tête, conscient du poids de la responsabilité liée à la mission qui m'est confiée.

- Bien sûr que j'accepte.

- Je viens, affirme Tieden.

- Moi aussi, ajoute Anaia.

- Non, fait Armand à la jeune fille. Toi, tu restes. On a besoin de toi pour conduire des camions, et ton absence serait trop visible. Nous devons être discrets.

Visiblement énervée, elle s'éloigne rapidement pour rejoindre son frère. J'entends l'Aristocrate soupirer. Il se tourne vers nous :

- Vous allez devoir m'écouter très attentivement, et suivre mes indications à la lettre si vous voulez avoir une chance de survie.

                                                                                .oOo.

- Aïe ! m'exclamé-je pour la cinquième fois.

Décidément, les ronces ont une dent contre moi. Quelle chance, puisque le sentier conseillé par Armand en est rempli. Si on ne le savait pas, on peut deviner aisément qu'il n'est pas venu depuis un bon moment.

- Tu veux que je passe devant ? interroge Tieden poliment.

Je refuse d'un geste de la tête. Si un sentier me fait du mal, qu'est-ce que ça sera quand je serai dans la Ville ?

Marchant au milieu d'arbustes dépourvus de feuilles, nous sommes forcés de nous baisser pour avancer à cause des branches, particulièrement basses. En plus de les éviter, nous devons porter attention aux ronces, qui sont présentes ici et là, au sol comme au niveau des bras. Des égratignures sont d'ailleurs visibles un peu partout sur mon corps.

Il ne reste environ qu'une heure et demie avant la nuit, et nous devons nous dépêcher pour atteindre la fin de ce fichu itinéraire. Décidé, je presse le pas et comprends rapidement que ce n'est pas une bonne idée : je glisse et tombe sur les fesses, mon uniforme sans doute taché de terre, à présent.

- C'est bien parti, commente Tieden, taquin.

Je ne relève pas la réprimande qui pointe dans sa voix et saisis la main qu'il me tend pour me relever.

Soudain, après un virage, je vois la lumière filtrer à travers les arbres, au bout de la ligne droite. J'avance et, rapidement, comprends que nous sommes arrivés.

Devant nous : le vide. Mais, au-delà, la Ville.

Des tours immenses, vitrées, reflètent les derniers rayons de soleil. Jamais je n'ai eu la chance de voir une construction humaine aussi impressionnante. De bas en haut, c'est un bijou de savoir-faire, des années de travail, un chef-d'œuvre de conception.

Au loin, plusieurs autres tours similaires s'élèvent, semblant transpercer le ciel à la manière de pics acérés.

Comment expliquer la fascination sincère que je ressens en cet instant, fascination à l'égard de cette Ville dont on me parle depuis toujours comme un lieu affreux, regroupant l'entièreté de nos ennemis ? Jamais on ne m'a vanté sa beauté. Peut-être qu'aux yeux des autres, elle est effacée par l'horreur des décisions qui y sont prises.

Le souffle coupé, je m'écarte légèrement pour laisser Tieden regarder.

- Waouh, fait-il.

- J'arrive pas à croire qu'on va essayer de détruire tout ça, soufflé-je. C'est une décision terrible.

- On arrivera à les dissuader, réplique mon ami, positif.

Voyant que je ne réagis pas, il ajoute :

- Hé. On a une mission, on va pas tout faire capoter maintenant, si ?

Je secoue la tête négativement et tente de mettre un terme à tous ces doutes qui viennent m'envahir et me détournent de mon objectif principal. Des milliers de gens comptent sur moi, même sans en être forcément conscients.

Je me penche en avant et aperçois, quelques mètres à gauche, un bâtiment construit contre la paroi. Son toit est légèrement en-dessous du sentier, comme un invitation à s'y rendre. Armand, en vue de l'enjeu, a su ravaler sa fierté et céder la place, et je ne suis pas forcément ravi qu'il me l'aie cédée à moi, parce que je n'aime pas avoir des responsabilités.

J'ai l'impression que ça augmente mes chances de défaite.

Lentement, nous nous dirigeons à gauche, cassons des branches pour faire de la place et ne pas tomber de le vide.

Arrivés au-dessus du toit, je constate que, malgré sa position avantageuse, deux mètres cinquante, c'est haut. Pour réduire la hauteur de la chute, je me laisse glisser contre la falaise, agrippé à des cailloux d'une solidité douteuse.

Mes pieds touchent les tuiles sans un bruit, et, bien que je manque de glisser et tomber dans la rue voisine, parviens à ne pas me blesser.

Tieden m'imite, et le voilà à mes côtés.

A présent, nous allons devoir trouver la tour centrale.

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