Chapitre 55

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Il ne reste qu'une Patrouille debout. L'homme n'est pas de taille à lutter. Mais, alors que allons lui porter le coup de grâce, la voix de Lyl s'élève et brise le silence de la rue, attirant toute l'attention :

- Chers amis de la Ligue, fait-il de sa plus belle voix de baryton. J'ai le bonheur de vous annoncer que vous avez perdu. Armand est mort, ses deux adjoints aussi.

Je jette un rapide regard autour de moi, et, tandis que la Patrouille restante se croit sauvée, les visages de mes amis se décomposent. Seul Armand connaissant le stratagème, fait exception.

Ici et là, aux fenêtres aux alentours, des lumières s'allument et illuminent les pièces. Les habitants de la Ville entendent, eux aussi, ces mots.

- Pour célébrer cette victoire, je demande à l'ensemble des personnes reliées à la Ligue d'obéir aux ordres des Patrouilles et d'être enfermées dans les caves des immeubles. Celui qui en aura enfermé le plus sera muté au poste de général.

Un silence complet suit ces mots, cette fin de discours. La plupart des lampes s'éteignent, tout crainte dispersée. Liago, profitant de cette pause, décoche un coup de poing au survivant, qui s'énerve :

- T'as entendu ? Tu dois obéir !

- C'était pour le plaisir.

Le visage de Tieden se fend d'un léger sourire, proche de l'admiration. Ces deux-là vont très bien s'entendre, peut-être même trop bien.

Le garçon roux donne à son tour un coup, de pied cette fois-ci, dans le ventre de la Patrouille, qui se plie en deux. D'autres jeunes, arrivés avec Liago et Sloane, s'avancent et se mettent à le tabasser tandis que nous nous éloignons en courant, me servant de Tieden comme appui pour ne pas avoir à utiliser ma jambe gauche, affreusement douloureuse.

Je les guide jusqu'à l'immeuble le plus proche. Le garçon roux sort son pistolet et tire rapidement pour faire sauter la serrure. Lorsque c'est fait, il pousse la porte et attend que nous entrions tous. Seulement, Liago et Sloane s'y opposent :

- Vous êtes bêtes ou quoi ? fait la jeune fille. Vous comptez faire ce que cet homme vous a dit ?

- Il faut désobéir ! renchérit Liago.

- On sait ce qu'on fait, expliqué-je le mieux possible. On a pas beaucoup de temps, vous devez venir avec nous !

- Hérion, commence le garçon. Tu sais que t'es mon meilleur pote, mais là, je peux pas. C'est plus fort que moi. Alors cachez-vous bien, nous, on retourne dans la nature.

Sloane et lui partent en courant, leurs cheveux soulevés par un coup de vent.

- ATTENDEZ ! crié-je pour tenter de les retenir.

Mais rien ne change : aucun des deux ne se retourne, et leurs ombres disparaissent au loin. Tieden me prend le bras avec douceur et me fait pénétrer dans le bâtiment. Les bombes ne vont pas tarder à exploser, nous ne devons pas traîner.

Le hall est tout ce qu'il y a de plus basique : des murs blancs, un sol carrelé. Les caves sont situées à notre droite, derrière un escalier descendant à pic. Nous nous y précipitons, et, je suis forcé de glisser pour atteindre le sol. Nous longeons un couloir, les caves étant visiblement séparées par famille.

Nous en trouvons une en possession d'une porte de solidité douteuse. Mon ami l'enfonce d'un coup d'épaule et nous fermons aussitôt le battant pour ne pas être dérangés par qui que ce soi, malgré un manque de sécurité criant. Autour de nous se trouvent quelques meubles, des vélos pour enfants, des livres et une poussette.

Je soupire. Vu les tempéraments de ceux qui ont rejoint la Ligue, il était évident qu'aucun n'allait se soumettre. Une annonce ne va pas suffire. Nous aurions dû y penser.

J'espère sincèrement que Lyl et Anaia vont retarder l'heure de l'explosion, puisqu'on ne peut tout simplement pas causer la mort de plus d'alliés que d'ennemis. C'est impossible.

Et Sloane, Liago, enfuis dans la nuit...

- Hé, me rassure mon ami. Tes potes savent ce qu'ils veulent, c'est une chance.

- Ouais, confirmé-je, mais ils me font pas confiance alors que je leur ai jamais menti, jamais caché quoi que ce soit.

- Il faut les comprendre. T'es parti un bon moment, quand même. L'absence ça creuse le manque de confiance, c'est normal. T'auras besoin de temps pour réparer ça.

- Du temps j'en ai pas trop, actuellement.

- C'est vrai, m'accorde t-il, mais ça viendra. Dis-toi que j'avais personne, moi, avant. En allant à la Base, j'ai au moins appris un truc.

- Quoi ?

- Tu peux pas tout faire tout seul.

J'hoche la tête, reconnaissant. Sans lui, j'aurais sans doute essayé de les suivre, bien que ça me soit rendu impossible par ma blessure à la cuisse.

Soudain, un bruit caractéristique s'élève.

Un bruit d'explosion.

Tout vibre autour de nous, même le sol. Une étagère nous tombe dessus et je perds connaissance.

                                                                                    .oOo.

Lorsque je rouvre les yeux, Tieden n'est plus là.

Je grogne, une douleur sourde envahissant l'entièreté de mon corps, l'adrénaline en ayant diminué une grande partie, tout-à-l'heure. Maintenant, je la subis de plein fouet. Je m'extirpe tant bien que mal du meuble qui me recouvre et sens un liquide chaud couler contre ma joue.

Merde.

Je retire ma veste et en déchire des morceaux pour les enrouler autour de ma cuisse et de ma tête. Je fais des bandages serrés pour limiter l'hémorragie, qui ne s'arrête pas pour autant.

Je tente de me lever en m'aidant d'un bureau miteux juste derrière moi. Ma tête se met à tourner et je dois m'arrêter quelques instants. Malgré une nausée importante, je sors, claudicant, de cette cave étouffante.

M'aidant de la rambarde, j'arrive à gravir les marches qui me séparent du hall. Une fois franchies, je pousse la porte d'entrée. Enfin, me voilà dehors.

J'aspire une grande goulée d'air frais, ce qui me permet de mettre de l'ordre dans mes idées.

Je jette un regard circulaire à ce qui m'entoure.

Si le bâtiment dans lequel j'étais réfugié a résisté aux secousses, ça n'a pas été le cas de tous. Des cadavres d'hommes, de femmes, d'adolescents - les Patrouilles se mélangeant aux alliés -, sont éparpillés dans la rue, en mauvais état pour la plupart, des parties diverses de leur corps ayant été dispersées par le souffle de l'explosion.

Voyant ça, je ne peux réprimer un haut-le-cœur, et, quelques instants plus tard, je vomis tout ce que j'ai à vomir contre le mur, déjà couvert de crasse. Mon mal de tête augmente et, la douleur aigüe à ma cuisse m'occupant tout l'esprit, je ne sais même pas par quoi faire. Lorsqu'enfin mon estomac est vide, je choisis de rejoindre la rue la plus proche.

Je tente de reprendre mes esprits, et en viens à une conclusion : tant qu'il n'y a pas de corps à l'horizon, tout va bien.

Ces rues sont dangereuses, on ne sait pas si des Patrouilles ont survécu et je ne suis pas du tout en état de me battre.

Je dois retrouver Liago et Sloane, Tieden, Anaia et Lyl.

Et vite.

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